The Crown
7.6
The Crown

Série Netflix (2016)

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Le poids de la Couronne (critique saisons 1 à 4)

Après une première saison que l’on pourrait qualifier « de mise en place », puis une deuxième plus grisante, nous permettant de nous attacher solidement aux personnages de la famille royale d’Angleterre, et enfin une troisième qui fut celle de la confirmation et de la maturité, The Crown continue son irrésistible montée en puissance avec une quatrième phase cette fois axée sur la très riche période des années 1980.


Si les deux premières parties avaient su convaincre une frange non négligeable du public, elles avaient aussi pu déplaire à d’aucuns du fait de leur rythme assez lent et du propos allant parfois loin dans le respect scrupuleux des événements historiques. Un point qui ne me dérangeait pas, au contraire, mais qui ajouté au manque – voulu par Peter Morgan – de scènes relatives à la vie sentimentale du couple royal pouvait effectivement décourager les plus fébriles.


Restaient cependant les fascinantes intrigues politiques impliquant la reine (jouée par la resplendissante Claire Foy) et le prince Philip (Matt Smith) et surtout les aventures sulfureuses de la princesse Margaret, interprétée par Vanessa Kirby, qui avait alors fait chavirer les cœurs (dont le mien).


Le tout était enrobé d'une réalisation de très grande classe, d'une photographie et d'une bande-son sublimes, ainsi que d'une écriture de premier ordre, particulièrement au niveau des dialogues. Ainsi si les deux premières saisons de The Crown eurent un succès mitigé, ce fut sans doute à cause de premiers épisodes un peu longs à se mettre en route : moi-même j’avais dû m’y reprendre à deux fois avant de vraiment accrocher. Mais une fois ce cap passé, ce fut un réel plaisir et l’attente de la troisième saison (celle de la transition à une reine dans sa quarantaine) fut aussi mêlée de crainte, tant les acteurs « jeunes » m’avaient convaincu par leur justesse dans leurs rôles respectifs. Cela allait être aussi le moment où l’on passerait d’une époque qui commence à se faire lointaine, « historique » (les années 1940 et 1950) à une période plus proche, plus contemporaine et donc plus familière pour nous encore.


8/10 (saison 1) 9/10 (saison 2)


Le choix d’Olivia Colman fut une grande réussite, celle-ci possédant un jeu tout en retenue (quasi-flegmatique) mais non pour autant dénué de charme et de sensibilité. Idem pour Tobias Menzies, qui était même parvenu à me faire oublier qu’il fut un traître que j’avais honni dans un autre rôle… On retrouvait également Charles Dance, laissé dans Game of Thrones en fâcheuse posture, ainsi qu’Helena Bonham Carter, qui était parvenue à donner à la princesse Margaret une nouvelle gamme d’émotions dans le cadre de sa terrible dépression.


Du côté des événements historiques et surtout des intrigues, cette saison 3 fut pour moi celle qui a porté la série un cran au-dessus de ce qui se fait ailleurs en matière de fiction historique. La « crise de la quarantaine » de Philip, mise en relation avec le calvaire psychologique enduré par Margaret, montrait que la fiction arrivait à maturité dans l’écriture de ses personnages. De même, l’ascension de Charles comme héritier au trône était traitée de manière exquise à travers son apprentissage du gallois, et certains épisodes m’avaient marqué par une puissance dramatique jusque-là rarement vue dans une série historique (la catastrophe d’Aberfan, la tentative de coup d’État…).


9/10 (saison 3)


Extrêmement attendue aussi bien par les fans que par les curieux encore hésitants, cette saison 4 a polarisé tous les regards sur elle en cette fin d’année maussade, notamment grâce à la présence de Lady Diana dans la tranche de l’histoire abordée (années 1980), dont le souvenir est encore vif dans beaucoup de mémoires.


Un peu sceptique de prime abord, puisque ce n’est pas ma génération, The Crown est encore une fois parvenu à dissiper tous mes doutes. Toujours avec une élégance extraordinaire mais sans déroger à la cruelle réalité des événements, le calvaire de Lady Di est décrit d’une manière qui force le respect et qui fera sans doute verser beaucoup de larmes durant le dernier épisode (qui ne s’achève pas de la façon dont on pourrait s’y attendre). Une descente aux enfers toute shakespearienne, envenimée par la passion dévorante de Charles pour Camilla et l’inexorable inertie de la reine – et plus largement de toute la parentèle royale – devant ce drame en construction. C’est l’actrice Emma Corrin qui a été choisie pour incarner la fille Spencer, et que dire si ce n’est que c’est un coup de maître ? La ressemblance est impressionnante, presque dérangeante, et le jeu est sans accroc. La même chose pourrait être dite pour Gillian Anderson, qui incarne l’autre figure féminine dominante de cette époque : Margaret Thatcher. Sa prestation est remarquable, particulièrement sa scansion (en VO) qui reproduit fidèlement la façon de s’exprimer de la Dame de Fer. Des Malouines jusqu’aux débuts de la guerre du Golfe, en passant par les troubles contre l’IRA (évoqués peut-être un peu trop succinctement) et la crise sociale liée à sa politique néolibérale, la série offre une représentation ni trop complaisante, ni trop critique à l’égard de Miss Maggie. En outre, elle se garde bien à plusieurs reprises de nous infliger un discours pseudo-féministe qui eût été déplacé, lui préférant une emphase toute royale sur la relation de pouvoir qui unit, onze ans durant, cette femme d'exception avec la reine. Les autres membres de la famille royale ne sont pas mis de côté, au contraire, mettant en scène Andrew et Edward pour la première fois et n’oubliant pas de consacrer un épisode à Margaret.


Côté réalisation, c’est toujours impeccable, et j’ai même l’impression que la photographie a encore gagné en justesse pour atteindre un stade de quasi-perfection qu’il sera dur de dépasser par la suite. Idem pour la bande-son, qui reste juste en toutes circonstances, sait se faire oublier et soutient les moments importants. Une réussite sous toutes ses coutures qui fait plaisir à voir de la part d'une production Netflix à si gros budget, et qui ravira aussi bien les amateurs de fidélité historique que les nostalgiques de l'Angleterre des eighties.


10/10 (saison 4)


Pour conclure, The Crown est une série qui se révèlera exceptionnelle à mesure que l’on avance dans son histoire, et pour peu que l’on se donne la peine de s’accrocher à des premiers épisodes il est vrai assez peu attirants. Mais une fois lancée, cette série historique à l’esthétisme d’exception et rassemblant la crème de la crème des acteurs britanniques saura faire transiger même le plus convaincu des antimonarchistes, et ravir le Stéphane Bern qui sommeille peut-être en vous.

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le 17 nov. 2020

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grantofficer

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