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Je visionne des séries par tombereaux mais il est rare que je sois véritablement transportée. C'est le cas pour The Underground Railroad, série de Barry Jenkins, inspiré du roman du même nom de Colson Whitehead.


Durant cette mini-série de dix épisodes, on suit Cora, esclave en fuite face à un chasseur d'esclaves qui ne renonce jamais. De ce point de départ plutôt classique, on accède à une œuvre que j'ose qualifier de grandiose tant la profondeur des personnages y est présente. Loin du schéma très manichéen souvent présent quand on aborde ce sujet brûlant de l'esclavage aux Etats-unis, on croise des personnages absolument humains, ni totalement bons ni absolument méchants mais habités par tous les traumatismes, les interrogations, les rêves, les errances, les renoncements... de l'être humain, peu importe qu'ils soient blancs ou noirs.


De plus, loin de desservir le propos, le choix de l'uchronie ajoute encore à cette profondeur. En faisant du réseau uniquement humain mis en place pour aider les esclaves en fuite à rejoindre le Nord ou l'Ouest un véritable réseau ferroviaire, l'auteur et le réalisateur se donnent l'opportunité d'un vaste champ symbolique non limité par la réalité ou le vraisemblable. Une multitude d’œuvres ont déjà traité de l'esclavage, nul ne peut ignorer ce que des millions d'humains originaires d'Afrique ont vécu à cause de ce fléau. Ce que cette œuvre apporte de plus, c'est que l'uchronie permet de plonger dans l'inconscient et la psyché des personnages, de les mettre en images et donc de permettre au spectateur d'y accéder. Et c'est cela qui permet de ressentir vraiment l'humanité des esclaves, leur ressenti face à ce qu'ils vivaient et non seulement les faits de ce qu'ils ont vécu. C'est cela qui permet aussi de donner vie à d'autres formes de non-respect de toutes les dimensions humaines des esclaves que juste leur exploitation tels des animaux de ferme. En effet, à travers une ville comme Griffin, qui semble de prime abord vouloir aider les Afro-américains mais les traite en vérité comme des animaux de laboratoire, on prend conscience de l'aspect protéiforme du racisme et du fait qu'il n'est pas toujours visible et directement identifiable comme tel.


Enfin, et ce n'est pas un des moindres aspects que j'ai apprécié dans cette œuvre, le récit est sublimé par une mise en scène parfaite et des acteurs extraordinaires. J'ai particulièrement apprécié les jeux de lumière, surtout les clair-obscurs, avec des backs-lights aveuglants ou totalement sombres, très intéressants dans une œuvre qui fait s'affronter le pire et le meilleur de l'être humain en montrant que cela n'a aucun rapport avec la couleur de sa peau. La musique est prenante sans jamais prendre le pas sur le récit. Et les acteurs... Ah, les acteurs. je n'en ai pas vu un seul qui ne soit pas impressionnant dans son jeu. Je pourrai tenter un trio de tête, tels Thuso Mbedu (Cora), Aaron Pierre (Caesar), Chase Dillon (Homer), mais je me retrouve à penser à tant d'autres acteurs tout aussi parfaits, comme Sheila Atim (Mabel), Damon Herriman (M. Martin)..., que je ne peux me décider. Je retiendrai de tous les acteurs, y compris les figurants, les plans séquence de groupes d'Afro-américains immobiles dont les regards sont volontairement fixés droit vers la caméra. Ces regards semblent vous suivre jusqu'au fond de l'âme et vous interroger directement, en tant qu'humain, sur tout ce qu'ils ont vécu et vu, sur ce que vous venez de voir et de vivre à travers cette œuvre.

AerynSun
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le 29 mai 2021

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