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The Underground Railroad est une adaptation du roman de Colson Whitehead, auréolé du prix Pulitzer en 2017. La série se compose de dix chapitres. Ils sont mis en scène par Barry Jenkins (Moonlight, Si Beale Street pouvait parler).


Synopsis


Nous sommes au milieu du XIXème siècle dans une plantation de coton en Géorgie. Depuis sa naissance, Cora (Thuso Mbedu) est une esclave. Elle est seule. Elle ne connaît pas son père. Sa mère Mabel (Sheila Atim) s’est enfuie durant son enfance. Une fuite à laquelle elle se refuse, avant que les circonstances finissent par la pousser à l’accepter auprès de César (Aaron Pierre). Elle va traverser le sud des États-Unis, à la recherche d’une liberté qui se refuse à elle, avec le chasseur d'esclaves Arnold Ridgeway (Joel Edgerton) et son “boy” Homer (Chase W. Dillon) sur ses traces.


Un enfer sur terre


Dès le premier chapitre, on a la gorge nouée, les larmes aux yeux et le poing serré. Un esclave est humilié, fouetté puis brûlé vif devant les siens. Durant toute la série, on garde cette image en tête, tant elle est marquante de par sa violence et l’inhumanité du maître. Elle symbolise la condition de l’homme noir par l’homme blanc dans ce sud ségrégationniste.


La série est éprouvante. D’autres scènes, tout aussi violentes, vont marquer l’esprit. Une violence qui n’est pas esthétique. Elle prend diverses formes aussi bien physique que psychologique. Les corps sont meurtris, marqués à vie par les divers sévices subis. Ils sont réduits à l’état d’animal, traités comme du bétail. Les maîtres assistent à leurs ébats en choisissant les meilleures “bêtes” pour obtenir un spécimen compétitif pour travailler dans les champs. Ils ont un droit de vie et de mort sur eux. Ils leur appartiennent, ce sont leurs propriétés. Ils sont avilis, castrés, amputés et humiliés afin de les contrôler.


Dans sa fuite, Cora se rend d’un état à un autre. De la Géorgie à l’Indiana, en passant par la Caroline du Sud et du Nord ainsi que dans le Tennessee. A chaque fois, elle pense être à sa place, d'avoir trouvé un refuge, avant de se rendre compte que les personnes ne sont pas ce qu’elles prétendent être et que leurs intentions ne sont pas si nobles. Elle est aidée, aussi bien, par les noirs que les blancs, même si ces derniers restent l’ennemi, celui par qui la mort peut arriver. Pour autant, la série évite tout manichéisme, en n’omettant pas que certains noirs, qui ont acheté leurs libertés ou ont été affranchis, ne veulent pas tendre la main aux “leurs”. Au contraire, ils veulent garder leurs avantages, alors que leurs libertés ne sont qu'illusions.


Dans l’enfer du sud ségrégationniste, on va rarement avoir l’occasion de respirer, de reprendre notre souffle, d’admirer la beauté de ses paysages et du soleil couchant. Les terres sont souillées par le sang et le souvenir des corps fouettés, brûlés, pendus, humiliés et lacérés des esclaves noirs.


Cora, Arnold, César et les autres


Thuso Mbedu est remarquable. On s’attache à elle. On est en souffrance face aux sévices qu’elle subit. Son visage exprime une foule d’émotions qui nous emportent avec elle dans sa fuite éperdue vers une liberté semblant illusoire. Elle a l’air fragile et forte à la fois. Elle porte sur ses frêles épaules les douleurs de chaque esclave de la plantation puis de ceux dont elle va croiser la route.


Elle vit dans le souvenir de sa mère Mabel, la seule esclave à avoir réussi à fuir la plantation. Un échec que ne cesse de ruminer Arnold Ridgeway. Un homme nourrissant une haine farouche à l'encontre des noirs. Une haine qu’il n’assume pas. Un épisode est consacré à son passé pour tenter de le comprendre. Il est accompagné d’Homer, un enfant qui s’est attaché à lui, comme un chien à son maître car traité de la même manière. On en revient à l’état animal dans lequel ils sont maintenus par les blancs du sud.


Cora ne fuit pas seulement la plantation. Elle fuit aussi l’attachement et l’amour que lui portent César puis Royal (William Jackson Harper), ainsi que Fanny Briggs (Mychal-Bella Bowman). L’abandon par sa mère est ancré en elle. Elle n’est pas seulement sous l’emprise de sa condition d’esclave mais aussi de ses conséquences sur sa cellule familiale. Elle se refuse à l’amour, à l’amitié, à la vie. Mais, Cora est humaine. Elle est pleine de contradictions et son odyssée va la ramener à la vie, à celle que tout être humain à le droit d’aspirer, selon ses propres désirs et convictions.


Barry Jenkins


Barry Jenkins réalise chaque épisode, c’est une des grandes forces de la série. Elle garde la même identité visuelle. Sa caméra caresse les visages, en prenant le temps de s’attarder sur leurs regards et l’émotion qui s’en dégage. Les reflets du soleil inondent l’image, les noyant dans un bain de lumière. Une lumière naturelle comme celle des bougies, tel Barry Lyndon. C’est magnifique avec cette musique lancinante de Nicolas Britell qui vous étreint, annonciatrice des drames à venir. La beauté existe même au cœur de l’enfer.


Il prend le temps d’instaurer une atmosphère, de nous raconter l’odyssée de Cora, à travers ce chemin de fer souterrain imaginaire, de s’attarder sur les différents personnages qui vont croiser sa route. Ils ont les traits de Will Poulter, Damon Herriman, Lily Rabe, Peter Mullan, Robert Singleton ou Megan Boone. Chacun prenant part à cette aventure dans des rôles secondaires, parfois à la limite du caméo, sans donner l’impression de venir se montrer mais en apportant une véritable existence à leurs personnages.


Malgré la violence des faits, de l’esclavage et ses conséquences sur les afro-américains, on est admiratif de la beauté des plans, de cette mise en scène qui me fascine depuis son sublime Moonlight. Barry Jenkins réussit à aborder un sujet délicat sans misérabilisme, en omettant pas de montrer sa violence, une réalité qui ne peut être oubliée.


Une des meilleures séries de 2021


Le roman de Colson Whitehead n’avait pas provoqué les mêmes émotions. Mon esprit se demandant comment un chemin de fer souterrain pouvait exister et circuler en toute discrétion. Avant de comprendre que c’était une métaphore pour évoquer les réseaux d’évasion clandestine.


Il m’a fallu du temps pour visionner le dernier épisode. Je ne voulais pas quitter Cora. J’avais peur pour elle. Surtout, j’avais peur de mes émotions. Chaque épisode est une douleur, les larmes ne sont jamais loin. Mais ce n’est rien face à l’enfer traversé par les femmes et les hommes subissant l’esclavage. La série prenant part, peu avant l’abolition de l’esclavage, qui a eu lieu le 18 décembre 1865.


C’est une de mes séries préférées de 2021 avec Antidisturbios et Them. Des séries qui abordent des sujets forts : l’esclavage, le racisme, les violences policières, la corruption et la famille. Elles sont le reflet d’une société qui se questionne sur son passé, son présent, son avenir et ses dysfonctionnements.

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le 2 juil. 2021

Critique lue 756 fois

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Laurent Doe

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