L'arcmonie d'une discipline minutieuse, poétique et rigoureuse : « le tir à l'arc »


Je ne me souviens ni du lieu ni du jour... Mais une chose me reste en mémoire. Un simple son. Il donnait l'impression de fendre le ciel tout en perçant l'obscurité. Le son de la corde, le tsurune.




La patience c'est le fruit de l'entraînement et non l'objectif de celui-ci



Tsurune, de son vrai titre Tsurune : Kazemai Koko Kyudo-bu, est une série d'animation de 14 épisodes réalisée par Yamamura Takuya, basée sur le roman de l'auteure Kotoko Ayano. Un shonen sportif articulé autour du tir à l'arc. Considéré comme un art martial avant d'être un sport, le tir à l'arc au Japon est une pratique cérémonieuse qui exige de la part de son pratiquant une dextérité du mouvement et de l'esprit. Une performance minutieuse, poétique et rigoureuse armée d'une passion qui passe par la discipline et l'entraînement. Une étape obligatoire pour produire le fameux « tsurune ». Le tsurune, c'est le son que produit la corde quand la flèche est décochée. Un son de la corde inimitable que seuls les meilleurs peuvent produire, l'« arcmonie » dans toute sa splendeur ! Tsurune n'est pas une série qui déborde d'énergie avec son rythme chancelant, mais elle se dresse comme un cocktail de joie et de mélancolie qui passe par la réflexion d'un art reflété par les rapports qu'entretiennent les personnages avec celui-ci, appliquer par le biais d'une histoire bienveillante qui transpire la sincérité avec son atmosphère gracieuse. Un symbolisme de vie poétique d'une douceur perceptible avec sa belle animation appliquée telle une œuvre d'art qui ne ce permet aucune déformation cartoonesque, aussi bien dans les décors avec des dojos somptueux, qu'avec les traits des personnages. Même la composition musicale raffinée de Fuuki Harumi exerce un lien important avec l'esprit véhiculé. Une mouvance qui plonge avec douceur le spectateur dans un petit moment de détente très appréciable dont il ne peut s'empêcher de regarder avec un sourire apaisé.


Au-delà du simple divertissement réjouissant, le spectateur assiste à une véritable initiation autour de cette discipline sportive par un apprentissage très intéressant à suivre, dans lequel on en apprend autant sur la manipulation de l'arc, que les éléments le composant avec l'uniforme (le hakama) et autres. Le tir à l'arc traditionnel est un art martial japonais qui ne possède aucune distinction d'âge, de sexe, ou de constitution. Il n'y a pas d'ennemi. C'est un sport impartial. La droiture du corps et de l'esprit. On apprend les fondements de sa conception, avec les 8 étapes du tir :
- le positionnement,
- l'alignement du corps,
- la visualisation de l'espace,
- la disposition de l'arc,
- la position de la flèche sur la corde par le pouce,
- l'harmonie de l'arc, de la corde, de l'esprit et de ce qui entoure l'archer,
- l'attente de la tension avec l'extension de l'arc,
- l'après tir.
Une démarche spécifique dans laquelle, la préparation de la décoche joue un rôle plus important que la décoche elle-même. Tout d'abord on salue, puis on glisse des pieds pour se diriger vers son pas de tir devant lequel on s'agenouille pour placer la flèche. On se lève et on se positionne. On regarde la cible. On se met en place. Puis on bande doucement son arc pour chercher la corde du pousse et la tendre, pour laisser bondir la flèche. Une exécution gracieuse minutieusement millimétrée, où un tir correct est avant tout un beau tir. Une perception que ne manque pas de faire partager l'animation avec une description du mouvement somptueuse où l'harmonie devient l'arcmonie.


On découvre la compétition du tir à l'arc solo, mais aussi et surtout en équipe. Une compétition qui manque de dynamiques à travers des matchs dressés dans une forme plus symbolique que distractive, pour un résultat certes appréciable mais qui manque de teneur et de tension. Seul le match final garantie cet aspect, mais on comprend bien qu'avec Tsurune l'intérêt se situe au-delà des affrontements. On découvre qu'une équipe d'archers est composée de 5 membres + deux remplaçants, avec un ordre de passage qui joue une importance cruciale dans le déroulement d'un match. Là aussi la décomposition du mouvement a un rôle primordial, avec le premier tireur qui fait son entrée par le pied gauche en direction de la cible. Il avance ensuite le pied droit vers la loge, ramène l'autre et salue. Il se redresse et continue en partant du pied gauche. Les tireurs suivants effectuent le premier pas après le salue de celui qui précède et font le reste successivement. Vient ensuite le fameux ordre de passage. Le premier se place, suivi du second, puis le troisième... Le premier vérifie sa position et sa posture, puis c'est au deuxième de se lever et de faire de même, suivis des autres. Un processus qui s'applique avec vigueur par l'ensemble des archers dans lequel il est important de ne brûler aucune étape. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le tir à l'arc est un véritable travail d'équipe. On y fait également la découverte du tir cérémonial d'avant tournoi. Un tir très précis autour d'une cérémonie en habit rituel qui sert à saluer le dieu de l'arc et à protéger les archers d'un accident. S'il y a une cérémonie au début, il y en a une autre à la fin. Elle informe le dieu que tout s'est bien déroulé et exprime la gratitude des archers. Un moment magnifique !



L'essence des arts martiaux ne se limite pas à l'entraînement. Il est aussi important d'indiquer le chemin à la relève. Il faut synthétiser à sa façon ce que l'on a appris et le transmettre sous une nouvelle forme. C'est là le fondement



Pour dépeindre cette fresque mélancolique-poétique l'on suit un ensemble de personnages attachants faisant partie du club du lycée de Kazemai. L'histoire s'articule autour de Minato Narumiya, brillant archer au passé traumatique avec la mort de sa mère après un accident de voiture qui lui laissera une blessure, et qui vivra quelques années plus tard un autre traumatisme en étant atteint du syndrome de « la décoche prématurée ». Un mal rendant obsolète le talent d'un archer. Une malédiction que vie difficilement Minato pour qui cet art martial représente une véritable passion et dévotion articulée autour du tsurune que lui avait fait découvrir sa mère. Fort heureusement, il pourra compter sur ses amis pour le contraindre à rejoindre le nouveau club de tir à l'arc du lycée pour essayer de s'affranchir de cette maudite malédiction. En tant qu'archer, il joue un rôle essentiel en tant que dernier tireur. Doté de la perception ultime qui lui permet une extension parfaite. Dans son équipe se trouve son meilleur ami et capitaine "Seiya Takehaya". Seiya est un ami fidèle très proche, qui laisse fortement présumer une relation yaoi avec Minato (on sent l'influence féminin de l'auteure Kotoko Ayano). Au tir à l'arc, ses gestes ne sont jamais précipités. Ils sont droits et propres. Il n'y a rien qui déborde. Imperturbable il recadre souvent les choses. Son chien "Nounours", un bouvier bernois trop mignon. S'ensuit le grand gaillard sensible au grand coeur, ''Ryohei Yamanouchi'', ami d'enfance de Minato et de Seiya. Avec sa volonté de fer, il est animé d'une bonne concentration autour des cibles qu'il doit atteindre, que son inexpérience vient un peu faire chanceler mais que son positivisme parvient à affronter en rayonnant.


S'ajoute au groupe le duo : "Kaito-Nanao". Kaito Onogi surnommé "Kai", est un garçon grincheux qui s'énerve facilement. Dans un premier tant difficile à vivre, il devient rapidement quelqu'un de fidèle sur qui on peut compter. Maniaque et rigoureux il est à un archer habile. Kaito marque ses pas, il est plus délicat qu'il en a l'air. Il attend d'avoir le bon feeling pour exécuter chaque mouvement. En tant que premier membre de l'équipe dans l'ordre de passage, il prend les devants et indique la voix à ses quatre coéquipiers. Nanao Kisaragi est un personnage amusant dans la lignée « kawaii », véritable bourreau des coeurs envers les filles qui l'adorent. Avec son fameux "merha", tiré du mot Turc "merhaba", qui veut dire bonjour, Nanao est mignon tout plein. Au tir à l'arc, ses décoches sont souples et douces par le biais d'un corps entièrement décontracté. En tant que quatrième du groupe, il vient de par sa liberté musculaire redonner de l'entrain au dernier tireur, Minato. Se joint à l'équipe le trio féminin Yuma, Noa et Seo, des personnages secondaires mais utiles à l'intrigue qui font partie du club en tant qu'archer solo. Le club peut compter sur le coach Tommy Morioka, un ancien grand archer surnommé « Maître Démon », qui à cause de son mal de dos ne peut pratiquer son art. Une difficulté qui le pousse à engager en tant qu'entraîneur "Masaki Takigawa". Accompagné de sa chouette blanche "Fohen", Masaki est un superbe personnage (mon préféré de la série), qui en tant que coach novice va autant apprendre que ses élèves. Avec son passé également traumatique suivi là aussi de la malédiction de la décoche prématurée, qu'il a réussi à s'exorciser pleinement après avoir tirer 10000 flèches, il sera un entraîneur idéal pour Minato.


Qui dit, club de tir à l'arc, dit, rivaux. Le club du lycée de Kirisaki, dont sont initialement issus Minato et Seiya, est l'école la plus forte en tant que champion en titre. Les membres de l'équipe sont tous des archers talentueux. À sa tête, le capitaine Motomura accompagné de Sase, Kabashima, Yushima, et des jumeaux Manji et Sen'ichi Sugawara, des archers hardis et rapides. Vient enfin le plus fort avec Fujiwara Shu, surnommé « le Noble », qui met au centre de la cible chaque flèche comme si de rien n'était. Il est à regretter que le club Kirisaki soit le seul rival proposé pour nos héros. Tout du long de la série, une panoplie de personnages secondaires très appréciable viendront s'ajouter créant une dynamique dramatique qui font le sel de Tsurune. Une posture qui pourrait ennuyer le spectateur en recherche d'hillarisme à travers des personnages tonifiants tant l'aspect mélodramatique-traumatique imprègne les protagonistes. Pour autant rassurez-vous, quelques moments drôles viennent animer la trame comme lors du stage d'entraînement avec le gage des tee-shirts avec écrit dessus « Larbin », ou encore lors du dernier épisode de la série, qui se termine sur un « épisode spécial » très drôle, montrant l'après compétition entre les deux clubs rivaux avec la venue de l'idole Noririn du groupe Princess Chea. Une petite balade agréable.



CONCLUSION :



Tsurune, de Yamamura Takuya est une série animée de 14 épisodes basée sur le roman de l'auteure Kotoko Ayano. Un shonen sportif articulé autour du tir à l'arc dont l'intérêt et la force se situent dans la décomposition d'une animation resplendissante qui à travers une fresque poétique d'une subtilité déroutante fait découvrir au spectateur la discipline d'un art somptueux et rigoureux. Porté par un récit mélodramatique d'une belle sincérité sur lequel navigue des personnages matures, Tsurune souffre de son rythme nonchalant qui porte avant tout son attention sur la description d'un art et des déboires de ses participants, laissant la compétition en second plan. Un choix que l'on peut regretter surtout lorsqu'on voit le potentiel des matchs. Pour autant, Tsurune reste une expérience à part entière qu'il faut découvrir sans attendre.


Une série animée rare dans laquelle l'on découvre l'arcmonie.




  • Tu cherches un remède ?

  • Oui.

  • Dis, Minato. Pourquoi tu es revenu ? Je pense que j'ai le droit de savoir.

  • Je t'ai déjà parlé du son de la corde qui m'a donné envie de commencer le tir à l'arc... C'est devenu ma hantise quand mon problème s'est déclaré et que mes tirs se sont dégradés. J'ai donc voulu fuir. Et c'est ce qui s'est passé, mais c'était peine perdue. Puis je l'ai à nouveau entendu. Et ce sont a transpercé mon cœur de plus belle. J'ai alors pris conscience que j'aimais le tir à l'arc plus que tout au monde. J'ai donc ravalé ma fierté et ma honte pour revenir ici... sur ce terrain.


B_Jérémy
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le 28 mai 2022

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Tanja
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Coup de cœur

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