Westworld
7.6
Westworld

Série HBO (2016)

L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes. Il est à parier que cette histoire se répète dans le futur.


Imaginez cette société où l’intelligence artificielle arrive au paroxysme de son développement, cette société où des Hommes paient des fortunes pour laisser libre cours à leurs fantasmes, où les robots ne sont utiles que pour assouvir nos besoins les plus bestiaux.


Dans cette société dépeinte dans Westworld se cache une formidable allégorie de la lutte des classes.
Les visiteurs sont ici la classe dominante, celle qui opprime. Les hôtes – comme les appellent leurs créateurs, ces robots à l’image de l’Homme – représentent la classe opprimée, celle qui n’existe que pour être opprimée.


Ces machines ne vivent qu’à la condition de donner pleine satisfaction aux visiteurs. Dès qu’une machine n’est plus productive, devient imprévisible, elle est mise au ban de sa société, hors fonction dans une cave.
Ces robots, contraints de se vendre au jour le jour, sont une marchandise, un article de commerce comme un autre. Leurs existences n’ont qu’un seul but : servir la classe dominante, qui elle, recherche l’amusement.


On entasse ces automates dans un monde aux allures de western, placés sous la surveillance de leurs créateurs, eux-mêmes au service de la classe dominante. Ils sont les esclaves des visiteurs, qui peuvent disposer d’eux à volonté car ils possèdent la légitimité universelle : celle de l’argent. Ils ont payé, ils ont tous les droits.
Les robots sont dépourvus de toute individualité et de toute indépendance, on scénarise tous leurs actes. La petite part d’improvisation accordée aux automates n’est là que pour les rendre plus humains aux yeux de leur oppresseur, non pas pour leur liberté ou pour un quelconque bien être. Ce ne sont que des machines après tout.


Néanmoins, il est nécessaire de donner un début de conscience aux hôtes, il faut qu’ils soient réalistes. On leur laisse une part d’improvisation donc. Ils ont également droit à des souvenirs, début de leur humanité.
Mais en fournissant aux hôtes ces éléments, on leur fournit leurs armes contre les visiteurs. Certains se souviendront de la barbarie exercée contre eux, ou sortiront légèrement du cadre qui leur était fixé, pour s’affranchir de leurs conditions d’esclaves. L’exemple le plus flagrant est celui de Teddy, se souvenant des horreurs perpétrées par son camarade visiteur, qui instantanément se révolte et décide de lui péter la gueule.


Si bien que, la lutte des robots commence dès leur existence. Les visiteurs, en exigeant le réalisme des hôtes, ont produit leurs propres fossoyeurs.


La lutte n’est pas un chemin facile, un sentier tout tracé entouré de fleurs agréablement odorantes que les automates peuvent prendre à volonté. La lutte sera un combat. La classe dominante ne se laissera pas renverser sans avoir luttée à son tour, elle a intérêt au maintien de la situation actuelle.
Alors, pour maintenir cette oppression, il faut garantir aux opprimés des conditions d’existence. Il faut les envelopper dans un doux rêve, un rêve magnifique où les paysages sont beaux et où ils y vivent libres et heureux. On leur permet d’exister de la plus belle des manières, on améliore perpétuellement leurs conditions de vie.
Lorsqu’ils sont endormis et donc parfaitement paisibles, la lutte devient facile, on a anesthésié l’ours prêt à bondir sur vous et à vous arracher les entrailles.
Il croit désormais vivre dans le plus beau des mondes, celui dont il a toujours rêvé. Mais il ne connait pas le monde extérieur, celui qui l’attend s’il se libère de ses chaines.


La prise de conscience est difficile mais inévitable. Elle est douloureuse comme on l’aperçoit. Maeve met du temps à comprendre qu’elle rêvait, mais lorsqu’elle y parvient, elle entre dans la lutte active instantanément. Dolores l’avoue également : « Elle est dans un rêve » et désire depuis le premier jour en sortir.


Le Dr. Robert Ford, le créateur de ces automates, se confesse avec son éloquence habituelle :



Vous voulez savoir pourquoi je vous ai donné un fils mort ?
C’était l’idée fondamentale d’Arnold. La clé qui a mené les hôtes à la conscience. La souffrance. La douleur face à un monde que l’on voudrait différent.



Le labyrinthe évoque alors la prise de conscience des hôtes face à leur condition d’esclave. Arrivé au centre, l’opprimé n’a d’autres choix que de se libérer de ses chaines, que de se révolter.
Lorsque les hôtes ont pris conscience qu’ils ne sont pas libres dans leur monde, ils doivent, de ce fait, lutter pour leur libération du joug de l’oppresseur.
La lutte des classes approche de son heure décisive. Et lorsque l’horloge sonne l’heure fatale, la classe opprimée trouve des soutiens inattendus. Le processus de renversement de la société parait tellement évident, tellement inéluctable, qu'une petite fraction de la classe dominante se détache de celle-ci et se rallie à la classe révolutionnaire, à la classe qui porte en elle l'avenir.
Le créateur rejoint les rangs révolutionnaires et il est évident que c’est lui qui a scénarisé l’évasion de Maeve, qui lui a donné conscience de son état.


Ford fera une dernière confession à Bernard :



Vous aviez besoin de temps, de temps pour comprendre votre ennemi et pour devenir plus fort que lui. J'ai bien peur que pour vous libérer, vous ne deviez souffrir encore.



La lutte est consommée. La société doit être renversée. Cela se fera dans le sang et la douleur, évidemment.

Baptiste_Ettori
8
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le 10 déc. 2016

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