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Broyage de cerveau dans un effet puit

Commençons par les points positifs car ceux-ci seront plus rapides à aborder. Yellowstone est une série dans laquelle on suit la famille Dutton qui cherche à défendre ses terres contre vents et marrées. L'Ouest américain moderne est un thème assez peu présent dans l'univers cinématographique actuel, surtout dans l'univers des grosses productions et en cela c'est déjà un souffle d'air frais. Second point positif est celui d'une utilisation simple mais, la plupart du temps, efficace du décor naturel. Troisième point : il y a une présentation d'un univers plutôt riche en protagonistes aux partis pris divergents pouvant donner lieu à des intrigues complexes de qualité. Troisième et dernier point qui vaut le coup d'être cité : la prestance de Kevin Costner en cow-boy patriarche qui vaut bien son pesant d'or.

Au début, peut-être, on peut se demander quel est le point de vue de Taylor Sheridan si jamais il y en a un. Assez rapidement on le saisit : il cherche à faire la part belle à cette partie oubliée de l'Amérique contemporaine, à lui rendre ses lettres de noblesses à travers un étalage de force et de valeurs prédominantes. Malheureusement, cet "hommage" tourne à la catastrophe lorsque progressivement on tombe dans une série de clichés plus ridicules les uns que les autres. "Qu'est ce qu'être un Cow-Boy Jimmy ?" Il s'agit là de la question phare que le sympathique Jimmy ne vas cesser de poursuivre durant 4 saisons. Factuellement, si l'on s'en réfère à la série : être un cow-boy ça consiste à parler en adages creux en regardant au loin sans jamais sourire. Après un bref séjour au Texas où Jimmy a gagné le respect de la communauté sans rien faire d'incroyable, il revient, parle à son mentor en adage, en regardant au loin, comme s'il dispensait une grande leçon de vie, et cela suffit pour être adoubé du titre sur le champs. Bravo. Une grande mystifications aux allures titanesque grâce aux non-dits qui la compose mais qui semble juste en cacher le vide abyssal .

Deuxième point mortel, l'accès systématique à la violence dans la plus grande facilité. La violence peut être un formidable outil scénaristique. Elle peut susciter la colère du spectateur, son désir de revanche, et avouons-le : contribuer à une certaine excitation de ce dernier. Sauf qu'ici elle est systématique et n'est jamais JAMAIS sanctionné d'aucune manière ce qui la rend d'autant plus irréaliste bien que manifestement fantasmée par ce cher T. Sheridan. A l'image du sympathique James Ford qui vient pour ne littéralement rien faire à chacune de ses apparition et qui va se prendre gratuitement un crotale au visage sans que personne ne s'en préoccupe jamais. Le pire personnage est de loin celui de Beth. Elle se résume à une blonde à forte poitrine, ultraviolente, qui déteste réfléchir et qui vanne tout le monde avec le niveau d'un gamin de 8 ans mais comme apparemment c'est la classe, les autres sont vraiment humiliés. Les scènes où elle remballe des types hyper-clichés dans les bars sont sensées apporter de la notoriété au personnage mais c'est tellement grotesque que c'en est simplement ridicule. Idem pour ses "ennemis" qu'elle démolit. Sauf qu'en réalité, elle ne démolit personne, jamais. Les ennemis sont généralement stupides (exemple : ils l'embauchent à un moment ... ) et avec trois manœuvres sorties de l'ombre ou simplement brutales elle règle chaque problème. si jamais c'est elle qui les résous. Pour conclure, dès que la moindre complexité pourrait émerger du scénario, T. Sheridan sort les calibres et abrège le truc. Nos personnages sont valeureux alors que la machine administrative de la justice est longue est injuste. Mieux vaut qu'un fermier riche décide de ce qui est bien pour nous.

De Beth nous pouvons passer au non-sens du sujet qui est pourtant assez rapidement souligné : protéger le ranch à tout prix envers et contre tout même si finalement cela signifie avoir une vie pourrie. "Quel est l'intérêt de cette vie papa ?". Kevin Costner répond qu'il n'en voit aucun mais qu'il faut le faire... c'est tout. Révélant ici l'absurdité totale de l'enjeu sous couvert de profondeur une fois encore. Les autres membres de la famille sont cantonnés à des rôles généralement limités : Kayce est le cow-boy BG torturé, peu bavard, et juste qui pourtant dans les faits tue tout ce qui bouge. Sa femme est belle et elle le sait. Son rôle (pour au moins trois saisons) consiste en une inclinaison de la tête à afficher un air croisé entre l'hésitation et la tristesse dans une espèce de moue rapidement insupportable. Les deux rappellent Twilight il faut le dire. Le président de la réserve indienne passe plus de temps à venir voir Kayce qu'à diriger réellement la réserve. Et Jamie ... Oh Jamie... dernière lubie insupportable de T. Sheridan : les bureaucrates sont des sous-merdes et le pire qui puisse arriver à une bonne famille de la sorte c'est d'en avoir un sous son toit. Ce personnage est progressivement ostracisé gratuitement et de plus en plus maltraité. Les scénaristes ne le lâchent pas non-plus : on apprend qu'il est adopté, il doit tuer son vrai père etc. Bref, un essuie pied pour tout cow-boy qui se respecte. On espère qu'il tuera tout le monde avant son prochain revers mais ça n'arrive jamais. Les cow-boys salariés du ranch sont les seuls personnages à donner une impression d'être-humain un peu crédible.

A partir de la mi-saison 4 on rentre dans les clichés en politique et là, c'est la foire d'empoigne. Père Dutton est le noble politicien par excellence précisément parce qu'il ne veut pas l'être. Il arrive dans ses bureaux où des armées de bureaucrates pompent injustement l'argent du contribuable. Ces derniers sont au bout du couloir et signent des projets en son nom. Une belle armée de PNJ fortement douteuse lorsque la parole lui est donnée. Père Trump vire tout le monde parce qu'on ne la lui fait pas à lui et qu'il est là pour nous libérer de ces rouages démoniaques qui n'ont d'autres raison d'exister que de nous pourrir la vie. De là déboulent des écolos à 1,50 euros qui braillent des slogans dont même Greenpeace aurait honte, jettent des pierres sur les flics sur la base de rien (c'est compliqué d'introduire un personnage intelligemment) et qui ne mangent pas de viande gnagnagna. Les gentils cowboys expliquent la vie à notre verte porte-parole, qui ne connait objectivement rien à son sujet, car oui les écolos fantasment la nature. Pas besoin de l'apport des sciences quand on a notre bon sens. Malgré tout on sens une tentative de réconciliation qui a le mérite d'exister même si elle est stupide .

Conclusion : Gros effet puit : c'est d'autant plus creux que cela semble profond. C'est dommage parce que le mode de vie de ces personnes a largement de quoi charmer ou au moins intriguer. Peut-être fallait il simplement éviter d'en faire trop.

T134
5
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le 5 févr. 2023

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