L'Attaque des Clones est un film mal-aimé, bien plus que ne l'est le Réveil de la Force, et très certainement sous-estimé comme l'ensemble de la prélogie. De même que le second film de la prélogie semble être détesté, la bande originale toujours écrite et conduite par John Williams subit les foudres de la critique rapide et imprécise. Aussi faudrait-il préciser que la bande originale de l'Attaque des Clones demeure la plus singulière de l'ensemble de la saga, peut-être même une exception dans le parcours musical de John Williams. Mais surtout, il s'agit d'une tentative risquée sur un objet cinématographique qu'on ne voudrait tacher, celle de rendre un hommage particulier à la musique contemporaine, répétitive, nihiliste avant tout. D'un point de vue strictement historique alors, la musique de John Williams répond parfaitement à la métaphore starwarsienne de la société américaine des années 1960 et 1970. Comme un écho au XXème siècle, la musique minimaliste, sans ordre ni avenir, tente de répondre à la période la plus nietzschéenne qui soit. Dans L'Attaque des Clones, la République s'affaisse honteusement dans des conflits géopolitiques qui la force à créer une armée de clones – et ainsi George Lucas nous rappelle l'incessant refrain du Vietnam – alors qu'Anakin, maintenant jeune adulte, est prisonnier de ses doutes et de ses angoisses, doublement amoureux de sa mère et de Padmé. Par ailleurs, il est souvent reproché à John Williams de ne pas avoir écrit assez de thèmes pour la prélogie, notamment pour le second opus ; cela ôte certes de la mysticité au récit musical mais correspond tout à fait à la logique interne de ces trois volumes cinématographiques. L'apogée de cette absence de thèmes, de mélodies s'observe naturellement dans La Revanche des Sith tandis que La Menace Fantôme en arborait plusieurs – sans nier l'influence glassienne. Situé dans cet entre-deux somptueux mais malgré tout écrasant, la richesse du film, et également de la musique, réside dans son discours politique riche, dichotomique, et aussi vacillant que l'âme du jeune Skywalker. Toujours empreint à l'inquiétude et l'incertitude à l'inverse des deux autres bandes originales de la prélogie, celle de L'Attaque des Clones se cloisonne derrière des rythmes indécis, soulignant ainsi la complexité des propos scénaristiques de George Lucas autant que la fantastique hésitation de son compositeur.



Les sons de la République :



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Reprenons dès lors les bonnes vieilles habitudes starwarsiennes sur l'analyse musicale de la saga, reprenons de fait l'envergure démentielle du Main Title. Comme je l'avais indiqué dans ma précédente critique sur La Menace Fantôme, John Williams avait su trouver, après vingt deux ans de compositions sur les films de George Lucas, l'énergie suffisante et l'émotion dominante pour le thème principal de la saga Star Wars, autrement dit l'équilibre parfait. Comme je l'avais fait remarqué d'ailleurs, une fois agréablement installé dans le corps instrumental du London Symphony Orchestra et le chœur des London Voices, le thème ne changea point, du moins jusque la nouvelle trilogie initiée en 2015 par J.J. Abrams. Or ce Main Title marque également la fin d'une époque au sein de la musique de ses films, non pas sur le plan musical, mais explicitement dans le titre du morceau. En effet, le choix des titres n'est en rien anodin tant ils s'inscrivent dans la perpétuité de l'oeuvre et de ce que les producteurs et les réalisateurs en font. Pour les films de la trilogie originale – et bizarrement pour Le Réveil de la Force -, le thème principal se nomme tout simplement Main Title. Pour ce qui est des deux premiers films de la prélogie en revanche, il apparaît sous le nom de Star Wars Main Title, dépassant alors le cadre de la famille Skywalker. Enfin, pour La Revanche des Sith, quoi de mieux que de choisir tout bonnement Star Wars comme titre conclusif d'une immense saga cinématographique. Ainsi la musique et les films se rejoignaient au sein d'un même nom, d'une identité unique et ce, jusqu'à ce que Le Réveil de la Force ne vienne interrompre cette passionnante idylle. Malgré tout, force est de constater que le choix des titres importe peu dans les compositions de John Williams car, la plupart du temps, il s'agit d'une pure description de la scène musicalement accompagnée ou de l'orchestration d'un thème sur un personnage principal du long-métrage : Anakin's Theme, Yoda's Theme, Princess Leia's Theme de même que Rey's Theme en sont des exemples signifiants. Plus généralement, on observe là une récurrence dans le système williamsien, ce qui demeure en outre frappant sachant la subtilité de l'écriture musicale du compositeur. En outre, hormis pour Le Réveil de la Force, les morts de certains personnages de la saga ne furent en aucun cas masquées par les titres musicaux employés : on voit alors apparaître Ben Kenobi's Death/Tie Fighter Attack dans la bande originale d'Un Nouvel Espoir, ou encore Qui Gon's Noble End dans celle de La Menace Fantôme. Bien que certains commentateurs voudraient léguer la question des titres musicaux au second plan, elle nous renseigne cependant sur la rupture qu'effectue John Williams sur ses prédécesseurs. Le compositeur américain dévoue son entière musicalité au contenu, à la musique seule donc. Si son influence laisse encore des traces conséquentes sur les compositeurs actuels, il faut toutefois noter que le choix des titres a relativement changé depuis l’avènement des studios zimmeriens. Beaucoup plus implicites, ils forcent l'auditeur à extraire les musiques du contenant filmique.


L'on pourrait s'étendre longuement sur l'histoire des titres musicaux dans les bandes originales, de l'âge d'or hollywoodien à aujourd'hui mais je comprends que ces questions intéressent peu pour certains lecteurs et certaines lectrices. Ambush on Coruscant succède donc à l'emblématique Main Title. L'extrait est presque aussi court que celui de La Menace Fantôme mais ô combien différent. En réalité, le début du morceau, aussi calme qu'une mer après le déluge, s'apparente davantage aux compositions du film de 1977. Ainsi, John Williams semble renouer avec l'étrangeté silencieuse des violons et la violence contenue des trompettes, à l'inverse justement d'Un Nouvel Espoir. Se situant dans une perspective quasiment contemporaine, il n'hésite pas à jouer des répétitions à outrance, à la fois au sein même de ses leitmotivs mais aussi dans l'accumulation générique de ceux-ci. En outre, il ne laisse guère de place au développement progressif du thème de la planète océanique Kamino qui fonctionne sur une descendante harmonique particulièrement pathétique qu'il paraphrase d'abord par les cordes puis par les vents tels que la flûte et le hautbois. Plus le thème avance, plus il s'éteint harmoniquement à des hauteurs de plus en plus basses. Paradoxalement, sans user de la brutalité des cuivres, John Williams parvient tout de même à renforcer le caractère inquiétant de son morceau. Cela était tout à fait valable lorsqu'il abordait l'Empire des Sith, ça l'est beaucoup moins si le film traite de la République Galactique. D'autre part, cette démarcation par rapport à l'ancienne trilogie ne peut se limiter à ce simple constat et elle se conforme dans le morceau Zam the Assassin and the Chase Through Coruscant. D'une durée équivalente à onze minutes, la piste démontre principalement la puissance rythmique de ce second opus de la trilogie, de même que l'articulation évidente entre les cuivres et les cordes dont la communication se fluidifie délicieusement. Il n'y a rien de plus admirable que cet enregistrement, lequel ne souligne pas les césures invisibles mais dessine au contraire la particularité de chaque être musical, qu'il soit une percussion ou une trompette. Concernant plus spécifiquement les percussions, John Williams réalise l'un de ses plus complexes travaux sur cette famille instrumentale. Éclipsant presque le reste de l'orchestre, timbales, cymbales et vibraphones se poursuivent indéfiniment au milieu de la planète Coruscant. C'est aussi l'occasion, et Dieu sait qu'elles sont rares, d'écouter des solo de tamas à un tempo vraisemblablement presto. Ces instruments d'Afrique du Sud confèrent une atmosphère singulière à la ville planétaire. Pour ajouter une quelconque jeunesse rock 'n' roll, une guitare électrique exécute un riff succinct. Outre l'utilisation remarquable des membranophones, le compositeur enrichit le rythme de l'orchestre qui se métamorphose en cacophonie dédiée à la famille des vents : la flûte boisée et vivace contrebalance la trompette cuivrée et mordante. Pour ce qui est des cordes, John Williams les met à l'écart pour cette poursuite pleine de tension et de mystère comme le démontre la fin dissonante du morceau.


Ramener le calme et la sérénité, tel est le devoir de maître Yoda, presque oublié dans la partition de La Menace Fantôme. Yoda and the Younglings contraste effectivement avec la piste précédente, l'une étant rythmique, l'autre étant mélodieuse : une apaisante tranquillité chemine ce portrait dressé pour le maître Jedi, ses jeunes padawans et la Force. Le thème caché de Yoda ne se dévoile qu'après le chant dansant d'une flûte traversière puis la douce acclamation au hautbois du thème chimérique de cet opus. Ce n'est qu'après ces tendres passions que le Yoda's Theme se déclare de nouveau par l'intermédiaire d'une flûte remplie de sagesse et de bienveillance auprès de ses élèves. Les chœurs de La Menace Fantôme avaient été prodigieux et exaltants ; ceux de L'Attaque des Clones sont beaucoup plus taiseux. Dans la deuxième moitié de Yoda and the Younglings, les London Voices se réduisent à leurs performants soprano. Ce genre de moment méditatif se retrouve parfaitement dans l'ensemble des compositions de John Williams au début des années 2000 : on les entend volontiers dans un film tel que A.I. – Intelligence Artificielle ou les deux premiers volets de la saga Harry Potter par exemple. Pour autant, les Sith, toujours éteints dans leur patient sommeil, inondent la partition d'inquiétude parmi le thème de la Force. C'est pourquoi il faut laisser les futurs aimants s'évader un court instant avant que le destin ne vienne les rattraper, dans un morceau qui se prénomme Departing Coruscant. Ce dernier annonce le départ d'Anakin et de Padmé sur Naboo et celui d'Obi-Wan sur Kamino. On croirait tout d'abord entendre le Main Title, très brièvement, par l'intermédiaire de cors élégants mais ils ne servent que d'introduction à d'autres violons plus inquiétants. La piste permet notamment à Anakin de se débarrasser définitivement de son jeune leitmotiv innocent de La Menace Fantôme : le grand frère du hautbois, c'est-à-dire le cor, s'empresse d'annoncer la fin d'une étape douloureuse pour se diriger vers une voie encore plus ténébreuse. Comme à chaque fois, le thème de la Force nous transporte vers les différents chemins qu'empruntent les personnages. Au fur et à mesure qu'Anakin grandit et s'émancipe des Jedi, le léger ostinato qui rythmait tout le morceau grossit pleinement jusqu'à atteindre une certaine extase vivace sur un mode oriental assumé et désiré. Pour autant, le compositeur semble écraser ses cuivres par des cordes manipulatrices comme pour indiquer qu'il reste encore du temps avant que la galaxie ne s'assombrisse.



Amour et galaxies :



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Jamais une musique telle que Across the Stars (Love Theme from Star Wars: Episode II) n'aura autant lié amour et fatalité. Dès les premières mesures d'une harpe mélodieuse et de timides violons, le morceau se morfond dans une tragédie silencieuse. Il n'y avait qu'une seule façon, pour John Williams, d'écrire pareille musique : le morceau se greffe autour d'un mode en Ré mineur, autrement dit la tonalité des dramatiques requiem. Sans chœurs ni voix, Across the Stars se développe selon deux mouvements : le premier mouvement succède à l'interlude précédemment présenté et il est d'abord chanté à travers ce hautbois si familier depuis l'Episode I. John Williams nous rend cependant confus tant ce chant s'avoisine étrangement à un solo de flûte et il effectue d'ailleurs une splendide transition avec celle-ci. Pour exprimer tant de mélancolie, le compositeur incorpore gracieusement de magnifiques triolets au sein de la mélodie qui comporte quatorze notes amoureuses. Tandis que la flûte traversière amène douceur et réconfort, la première reprise par les violons bouleverse l'équilibre émotionnelle qui nous submerge. Elle est suivie de près par une brève section de cors qui implantent durablement le leitmotiv dans le cœur des deux jeunes amants perdus et éperdument amoureux. Après quoi, le deuxième mouvement ne fait que reprendre les triolets dans une tonalité en Fa mineur qu'elle déplace vers des harmonies sous-dominantes, accentuant alors le pathos étouffant. En écartant la note tonique, John Williams obscurcit nettement sa partition, lui conférant une noirceur qu'on ne lui connaissait guère avec le thème chimérique de la trilogie originale. Il installe pleinement des violoncelles en ostinato alors que d'autres instruments tentent en vain de refaire surgir la mélodie miraculeusement. Ce thème, qui semblait mourir, doit attendre un large effort des cors pour le ramener à la vie et ainsi tout l'orchestre se relève péniblement à commencer par les violons legato. Les autres instruments ne peuvent que se taire ou exprimer de vulgaires staccato. Cette fois-ci, les trombones – plus cuivrés – menacent l'ordre des cordes et c'est tout un orchestre qui décide d'accoucher de ce leitmotiv devenu manifestement majestueux et olympique. Il aura fallu cet immense et prodigieux crescendo pour que le thème se réveille enfin de sa tragédie. Néanmoins, les triolets descendants réapparaissent successivement par l'intermédiaire d'instruments de moins en moins percutants : le cor puis la flûte traversière. A la fin d'Across the Stars, la harpe sonne avec élégance et retenue ce chant d'espoir mais ce sera finalement le cor anglais particulièrement romantique qui aura le dernier mot avec une harpe prononçant maintenant les arpèges de la mélodie. Cet amour est officiellement déclarée dans l'Attaque des Clones dans la première partie de Love Pledge and the Arena. Padmé, percevant la déchéance prochaine de leur sort, répond la première à la musique de John Williams : le triste hautbois qui nie cette passion est calmement réconfortée par la flûte traversière. Décidés à ne plus se cacher, les amants, unis par la mort et le désespoir, s'affichent clairement alors que les notes d'Across the Stars s'exhalent des violons.


Cependant, comme Duel of the Fates dans la partition de La Menace Fantôme, Across the Stars n'est qu'une version orchestrale du thème d'amour de cet Episode II ; il faut donc éplucher plus en détails la partition de L'Attaque des Clones pour dénicher l'empreinte immuable de celui-ci. Naturellement, il se dessine dans Anakin and Padmé mais il n'apparaît pas tout de suite au cours du repas de tourtereaux. L'on pourrait nettement croire que le début de ce morceau provient d'une des deux premières bandes originales de la saga Harry Potter avec des notes qui s'y réfèrent ; célesta et instruments à vents se complètent harmonieusement. John Williams nous ramène ensuite à la maison avec cette familière flûte traversière fidèle au romantisme musical du compositeur : elle se plaît volontiers au sein d'un mouvement ternaire galant et sensible. Encore craintif, le Love Theme trébuche timidement sur sa première note sur les touches d'un piano presque mal accordé. Inévitablement, il est vite rattrapé par des violions qui ne tardent pas à capturer sa faiblesse afin d'abîmer cet amour encore fragile si bien que les seconds violons atermoient l'annonce des triolets de cette mélodie. L'équilibre nécessaire en devient par conséquent bouleversé et la deuxième partie du morceau laisse proliférer les notes dissonantes car la menace ne saurait être oubliée. On observe alors la nette progression d'une clarinette malicieuse qui coupe les élans d'Anakin et de Padmé. De même, les triolets revêtent une forme d'inquiétude en se déplaçant harmoniquement de leur structure originelle. Les cordes crescendo ne pouvaient que basculer dans la terreur quand tant de tension régnait au sein du morceau. The Meadow Picnic esquisse cependant une nouvelle approche et de nouveaux accents, plus jovials, s'étendent au début du morceau. Avant que le léger mouvement de la flûte traversière ne reprenne place, le cor anglais se croit capable d'en jouer les premières mesures, ce qui a pour conséquence de provoquer notre chère flûte. Celle-ci s'entêtent alors à magnifier son élocution, jetant à la figure du cor anglais quelques mélismes habilement interprétés. Le dialogue entre ces deux instruments – où vous l'aurez compris, Anakin est le cor anglais et Padmé la flûte traversière – ne se termine pas puisque le cor anglais, plus pincé encore que le hautbois, nargue de nouveau le précédent organe féminin. John Williams les réconcilie finalement par la reprise sautillante d'Across the Stars tandis que la harpe coud cet ode au plaisir amoureux. Tout en étant absolument dramatique quand les cordes s'en emparent, le Love Theme se voit embelli par des glissati de flûte et leur accouplement avec un glockenspiel. Alors que les violoncelles voudraient nous rappeler qu'il s'agit d'un lointain souvenir du futur Dark Vador, le glockenspiel nous renvoie encore à une certaine frivolité. Pourtant, les violoncelles piano confirment leur présence au sein d'un ostinato alarmant qu'ils transmettent à divers instruments de l'orchestre, passant du violon à la harpe, de la trompette à la flûte traversière, laquelle conclut ce passage avec mysticisme. De nouvelles dissonances perturbent la fin du morceau, de même que le cœur d'Anakin semble troublé : tantôt il souhaite renforcer son amour pour Padmé, tantôt le désir de revoir sa mère le tourmente.


De l'autre côté de la galaxie, Obi-Wan Kenobi enquête sur les attentats qui visaient Padmé et se rend donc sur Kamino. Il y découvre l'armée de clones créée pour le compte de la République Galactique – officiellement – mais surtout, il y rencontre Jango Fett, le père de Boba Fett, qui sert de modèle aux futurs pions de Dark Sidious. La poursuite de ce dernier s'effectue autour de deux pistes : Jango's Escape et Bounty Hunter's Poursuit. Deux morceaux assez semblables mais bien plus mélodieux que Zam the Assassin and the Chase Through Coruscant qui misait davantage sur ses qualités rythmiques. Il paraît évident que l'écriture de Jango's Escape est impeccable et rejoint parfaitement les registres musicaux employés par John Williams dans la première moitié des années 2000, d'où les similitudes avec les trois premiers volets de la saga Harry Potter, et plus spécifiquement Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban dans ce cas précis. Le compositeur amplifie alors nettement ses effets de style qui le caractérise : multiples glissati de flûtes, base rythmique presto, accouplement entre le vibraphone et la flûte aux notes plus tenues, bariolages des violons … etc. Néanmoins, la piste s'apprécie pour son travail sur les cuivres et notamment la trompette qui a, comme on le sait, une place importante dans les bandes originales starwarsiennes puisqu'elle couvre un univers martial. Ce qui distingue les morceaux militaires de la trilogie de ceux de la prélogie s'analyse à travers l'utilisation des timbales, largement plus marquées dans la prélogie – et surtout L'Attaque des Clones – puisqu'elles se détachent souvent du concert orchestral williamsien. La fin du morceau bascule dans l'orientalisme, autre registre dans lequel John Williams se sent tout aussi à l'aise avec de multiples notes bondissantes marquants les contre-temps. Quant aux percussions de Bounty Hunter's Poursuit, elles s'appuient essentiellement sur une utilisation excessive des cymbales, toujours à contre-temps par rapport aux trompettes. Cette séquence rythmique laisse place à de nouvelles incertitudes tandis qu'Obi-Wan Kenobi poursuit son enquête sur fond piano. La faiblesse de quelques morceaux de La Menace Fantôme venait du fait qu'ils étaient parfois simplement descriptifs. Force est de constater que John Williams corrige ici ce défaut mais il n'en demeure pas moins que l'écriture musicale en pâtit à certains moments. Il se rattrape néanmoins lorsqu'il conclut le morceau par une reprise noircie du thème des droïdes de La Menace Fantôme.



Le chemin du Côté Obscur :



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Le chemin d'Anakin Skywalker vers le Côté Obscur éclôt véritablement lorsqu'il se résout à retourner sur Tatooine dont on se souvient de la terrible séparation dans Anakin Is Free. L'exotisme de la planète avait déjà été déployé dans la bande originale du Retour du Jedi et celle de La Menace Fantôme avait continué sur cette lancée. L'Attaque des Clones ne déroge certainement pas à la règle puisque le début de Return to Tatooine manie subtilement l'utilisation d'instruments classiques occidentaux et les modes d'écriture orientaux, dévoilant le cosmopolitisme de la planète. Anakin semble ici renouer avec son enfance naïve et passionnée alors que John Williams met de nouveau à terme à un quelconque retour dans le passé car le destin du padawan est déjà tout tracé. L'agitation du jeune homme et ses perpétuels angoisses se personnifient via la répétition unanime d'un ostinato aux violoncelles et quelques notes tenues de violons et d'altos. Bien que les cordes soient fondamentalement tragiques, elles symbolisent ici le dualisme évident de la bande originale de ce deuxième épisode : une bipolarité que l'on observe tant du côté d'un Anakin de plus en plus souffrant que du côté d'une démocratie mourante. Le morceau transpire de références minimalistes, entre Philip Glass et John Adams, alors que les personnages pourchassent leur quête fataliste. John Williams ne cesse d'évoquer cette schizophrénie presque intenable quand il conjugue deux thèmes diamétralement opposés : celui de la Force et celui du Mal, le Duel of the Fates. Alors que l'ostinato devenait relativement oppressant, le thème de la Force surgit pour extraire les putrides démons qui dévorent le cœur d'Anakin. Éclatant d'une cymbale le premier temps d'une mesure de la mélodie, John Williams libère tout-à-coup un thème bien plus maléfique. La transition vers le Duel of the Fates excelle de maîtrise tandis que la trompette sonne l'hymne empoisonné de La Menace Fantôme. Dès lors, les redoutables chœurs maudissent Anakin, parti à la recherche de sa mère. Le morceau se tait alors peu à peu et le compositeur allie bassons et trompettes pour une descente chromatique en enfer, reprise d'ailleurs par la harpe. Là encore, la musique frôle quelques mouvements de Harry Potter et la Chambre des Secrets, composée au même moment : la flûte chaleureuse mue dans des tonalités plus ténébreuses et dissonantes. Un motif très succinct est esquissé par des cuivres à hauteurs et nuances très basses représentant certainement le comte Dooku manipulant Obi-Wan Kenobi. Par ailleurs, le tournant dramatique de l'Attaque des Clones se situe dans la piste The Tusken Camp and the Homestead : non seulement Anakin perd sa mère devant ses yeux mais il massacre tous les Tuskens présents sur le camp. Pour marquer la tension présente, John Williams use du woodblock comme pulsation du tempo ; puis un cadre plus mélodieux arpente le morceau lorsqu'Anakin détache Shmi de ses cordes d'esclaves. Libre de déclarer son amour pour un fils qu'elle n'a pu voir grandir, Shmi Skywalker, dans son extrême douceur et vulnérabilité, laisse échapper ses quelques notes à la clarinette telles qu'on les connaissait dans La Menace Fantôme. Un cor a cappella l'emmène alors vers la mort où elle y trouve plus de réconfort. Mais Ani, lui, est consumé par la colère et la rage : John Williams le dévore ainsi dans un crescendo de cordes jusqu'au fortissimo de trompettes tranchantes. Confuse, cette rencontre précipitée et douloureuse ne fait qu'accélérer le rythme du morceau, de même qu'une efficace et discrète marche impériale rôde. Difficile, donc, pour l'orchestre d'apaiser les souffrances d'Anakin qui sont bercées par une marche funèbre et chorale – barytons - à la fin du morceau.


Maintenant réunis dans l'arène de Geonosis, le maître, l'apprenti et la reine Amidala tentent de s'échapper des griffes du comte Dooku. La séquence est silencieuse mais la guerre des clones est en marche dans Love Pledge and the Arena. De fait, le compositeur écrit de nouveau une marche militaire assurément plus fine que celle des droïdes dans La Menace Fantôme : entièrement cuivrée, elle identifie la régularité sans faille des clones alors que les tambours gravent chacun de leur pas sur le sol de Geonosis. D'autre part, les cordes sont quasiment absentes de ce passage destiné au combat républicain et il faut attendre que le Love Theme se manifeste pour quitter ce brouhaha incessant des cuivres qui se hâtent d'un point de vue rythmique. D'une certaine manière, le morceau égale Zam the Assassin and the Poursuit Through Coruscant, admirable dans son utilisation démesurée dans percussions comme les timbales et les cymbales si bien que le morceau crie plus qu'il ne chante. Notons notamment un passage au xylophone dans les derniers instants du morceau qui démontre un sens rythmique cacophonique mais contrôlé par la baguette de John Williams. Si le Love Theme tente malgré tout de remettre de l'ordre au sein de l'orchestre, seul le thème de la Force au trombone puis à la trompette y parvient même s'il se militarise grandement – et d'autant plus dans La Revanche des Sith. Pour l'heure, Anakin Skywalker et Obi-Wan se confrontent pour la première fois à Dark Tyranus dans Confrontation with Count Dooku and Finale ; les chœurs semblent désorientés et donc le thème de la Force rugit par le cor. En revanche, une autre partie des chœurs féminins – sopranos – attire le jeune padawan vers le Côté Obscur, plus tentant, plus désirable et plus facilement puissant que la lumière. Le compositeur use des charmes de la harpe et de la flûte traversière pour balader Anakin jusqu'à le corrompre lentement. En outre, petite anecdote amusante : on peut brièvement entendre le thème de Game of Thrones à 2:53. Bien entendu, il s'agit là d'une descente harmonique évidente d'un mouvement qui le précède. Pour en revenir à L'Attaque des Clones, John Williams nous informe de la trahison prochaine des clones destinés à servir proprement les intérêts de l'Empire Galactique mené par Dark Sidious : ainsi, la marche impériale résonne magistralement dans le corps de trompettes confiantes, de même que les instruments qui les accompagnent – à l'inverse de son utilisation dans L'Empire Contre-Attaque donc. Nonobstant, l'amour éclipse en l'espace d'un instant ce futur prochain mais qu'on espère lointain : le dernier thème entendu pour ce deuxième opus sera par conséquent Across the Stars dont la magnificence n'a d'égale que la passion mortelle d'Anakin et de Padmé. Plus important encore, la transition vers le générique de fin demeure la plus belle effectuée jusqu'à ce jour sur l'ensemble de la saga ; les trompettes martiales étant divinement liées à la chute de la République Galactique. Enfin, Finale ne désire que reprendre le Love Theme à l'identique même si un clavecin active légèrement le thème d'Anakin au cor. A travers les étoiles, les contrebasses masquent la lente progression de la marche impériale et le prochain échec de l'ordre des Jedis.



Puis la colère :



Consciente des défauts qui subsistent à l'écoute de L'Attaque des Clones, cela ne m'empêcha pourtant pas de redorer la deuxième partition de John Williams sur la prélogie, que certains ne cessent de comparer, à tort ou à raison, avec le deuxième volet de la saga Harry Potter, Harry Potter et la Chambre des Secrets. Bien qu'incomplète et parfois, il faut le dire, décevante, cette bande originale se démarque néanmoins par son originalité de style : ici, John Williams abandonne définitivement les références aux compositeurs romantiques – sauf pour Across the Stars – pour titiller les musiques minimalistes. Après l'angélisme de La Menace Fantôme, la musique starwarsienne trouble décidément Anakin que l'on retrouve terriblement tourmenté dans cet opus. Le Côté Obscur s'implante facilement dans cette partition nihiliste et tragique. Pour La Revanche des Sith, les larmes ne cesseront de couler devant le corps meurtri et l'esprit détruit de l'élu de la Force.

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le 18 déc. 2016

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Nonore

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