Hoshin – L’investiture des dieux est un de ces Shônens dont on voudrait dire du bien. Sincèrement. Un Shônen qui, toutefois, ne nous donne que trop peu d’occasions de nous réjouir de ce que l’on lit. J’ai coutume de le dire et surtout de le répéter, la décennie 1990, en matière de Shônens, a été prolifique d’un bout à l’autre de ce que recouvre la période. Cette ère, elle marquait la dernière étape d’un genre qui savait encore se renouveler avant de finalement enkyster et se scléroser dans des thromboses éditoriales où, depuis près de vingt ans, le principe même d’innovation paraît proscrit.


Forcément, ce temps béni, avec du recul, on le fantasme mieux qu’on l’appréhende. La romance a sa place quand on relate ce que comptait cette époque, mais elle occulte parfois trop la réalité. Le milieu du Shônen avait déjà ses codes étriqués et comptait parmi ses auteurs des bataillons de mangakas qui ne s’embarrassaient pas à aller au-delà du minimum exigé. Les dessins pouvaient avoir du charme, mais passé outre la devanture, il y avait une pénurie. Une pénurie de fond qui, comme aujourd’hui, avait frappé pléthore d’œuvres.


Aussi, si on trouve qu’Hoshin présente bien dès la couverture de son premier volume, qu’on lui souhaite d’être qualitatif pour mieux nous souhaiter le meilleur, on déchante bien assez tôt. Ryu Fujisaki, au dessin, et Tsutomu Ano au scénario n’ont pas fait grand mystère de leurs intentions quand ils ont commencé à élaborer leur œuvre. Elle avait le mérite de n’aspirer à aucune forme de prétention en s’en tenant au minimum syndical. Mais le minimum syndical, ça nourrit décidément pas son homme quand vient la lecture. Avec un manga de la trempe d’Hoshin – L’investiture des dieux, le « C’était mieux avant » a soudain du plomb dans l’aile.


Il s’agit paraît-il de l’adaptation libre d’une légende chinoise. Il faut croire que c’était à la mode à cette époque. Mais de ce que j’ai lu, on parle d’un conte qui, à maints égards, a été librement réadapté en plus d’être copieusement édulcoré.

Ça aurait pu devenir une histoire typique de luttes entre royaumes avec une petite touche surnaturelle par-dessus ; du Arslan dans l’idée. Ça aurait pu, oui. Ça aurait dû surtout.

Il y a eu des tortures, de l’ambiguïté quant à la cruauté des uns et des autres, de quoi faire une bonne histoire sans manichéisme ajouté. C’était sans compter la suite. Je ne saurais parler de la légende dont est ici inspiré le manga pour ne pas l’avoir lue, mais je lui souhaite de ne pas avoir été aussi binaire que ce à quoi nous avons eu droit. Les gentils, entre ces pages, sont très gentils et les méchants très méchants. Et tout est bon chez eux pour nous rappeler qu’il sont cruels. Se seraient-ils fait tatouer « Je suis un méchant » sur le front qu’ils auraient pu épargner bien des vies prises inutilement.


Le poids des codes du Shônen rompt l’échine du lecteur après être tombé lourdement sur l’intrigue. C’est un de ceux-là… il figure certes au milieu du panier, mais nous parlons alors ici d’un panier miteux dans lequel aucun auteur aimerait compter ses œuvres. Lequel ? Eh bien celui des Shônens écrits d’un bout à l’autre sans imagination. Hoshin – L’investiture des dieux ayant toutefois l’insigne mérite de nous épargner la décadence alors qu’on ne tombe jamais de très haut.


L’idée des Baobei m’enchantait. Dans le principe du moins. Un objet avec un pouvoir associé pour chaque personnage, ça aurait pu s’apparenter – toutes proportions gardées – à un Jojo’s Bizarre Adventure. Ça aura fini en Ueki ; c’est-à-dire plutôt mal, avec son lot d’explosions et de déflagrations plasmatiques permises par l’énergie. Tout porte à croire par ailleurs que Ueki est une descendance putative de Hoshin – L’investiture des dieux pour ce qui constitue respectivement les deux œuvres.


L’humour y est lourd et forcé au possible et les personnages, sans consistance aucune, meurent en s’effondrant dans l’indifférence tant leur sort importe finalement si peu. Le personnage principal, quant à lui a raison de tout, à commencer par notre patience, puisque rien ni personne ne l’arrête jamais, pas même ses auteurs. De là, les combats sont des rétrospectives des hauts-faits de Michael Bay car, décidément, la baston ne s’accomplit pas dans la sobriété ou la finesse. C’est le moins qu’on puisse dire.


Contrairement à One Piece, Hoshin – L’investiture des dieux n’a jamais réussi le pari de l’onirisme. Ça n’aura pourtant pas été faute d’avoir essayé. Mais cet univers, que beaucoup se plaisent à voir comme féérique, est finalement quelconque et assez peu original. L’onirisme, en ces pages, est aussi forcé et mal installé que peut l’être l’humour. Cet univers qu’on nous présente tient à quelques grandes lignes qu’on se garde bien d’affiner au gré d’un approfondissement ultérieur.


Peut-être que la fin rattrapera le tout, ne serait-ce qu’en partie ? Naïfs que vous êtes. La méchante (qui je le rappelle est très méchante, elle-même tient à nous le rappeler par ailleurs), finalement, se pique d’un changement soudain de paradigme. C’est bien d’admettre ses torts ma petite dame, mais le faire avant de se prendre une branlée, c’est mieux. Il va de soi que ce revirement soudain, en plus de rappeler les hilarantes rédemptions pré-mortem des antagonistes de Hokuto no Ken, est navrant à s’en cogner la tête contre les murs. Kishimoto, quelques années plus tard, ne fera pas mieux à l’issue des dernières heures de l’arc Pain.


D’accord, c’est entendu, les mauvais Shônens ne sont pas une mauvaise herbe qui, ex nihilo, auraient commencé à se répandre aux premiers temps de la décennie 2000. Il y avait comme un terreau favorable et des précédents pour les inspirer en diables, la chose est incontestable. Hoshin était de ces mangas qui ne cherchait même pas à se doter d’une raison propre d’exister outre le bénéfice que pouvait en attendre ses auteurs. Ceux-là admettront même de nombreux passages à vide rythmés par l’improvisation, le tout avalisé par leur chargé éditorial. Voilà qui en dit plus long sur l’éthique du Jump que n’a pu le faire Bakuman.


Mais ces abjections, même si elles n’étaient pas marginales jadis, côtoyaient le génie en parallèle. Or, en matière de Shônen, de génie, il n’y a plus – si ce n’est justement quelques vestiges tirés de la décennie 1990. Faute d’entretien, les maisons d’édition de Shônens ont laissé prospérer les mauvaises herbes au point où le paysage n’est maintenant plus fait que de ça. Cette mauvaise herbe, plus abondante que de raison, étouffe aujourd’hui les fleurs les plus sublimes dont on ne saurait espérer la floraison avant longtemps.

Josselin-B
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le 17 févr. 2023

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Josselin Bigaut

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