Bio-Meat Nectar
7.7
Bio-Meat Nectar

Manga de Yuki Fujisawa (2000)

L’époque : 2000, l’aube du deuxième millénaire. Une année comme une autre, exception faite du nombre de feux d’artifices employés pour marquer le coup à l’occasion du nouvel an. Un coup fumant, un coup fumeux même si on se focalise sur les retombées. Faut pas être particulièrement millénariste pour se dire, avec plus de vingt ans de recul, que tout s’est effondré à partir de là. Les tour jumelles, d’abord, mais ça c’était encore le moins grave. Je vous parle de la fin d’un monde, de l’effondrement du Jurassique, le dernier râle d’un monde éditorial avant qu’il ne se meure ; la fin des bons Shônens.


2001, le nouveau millénaire s'entame, c’est l’année de la sortie Bleach qui finissait de consacrer le trio de tête entamé par One Piece en 1997 et Naruto deux ans plus tard. Après eux ? Le déluge. On aime bien mettre les malheurs sur l’air du temps pour ne pas avoir à s’appesantir de trop sur les symptômes purulents de la décadence, mais décadence il y a eu à compter de cette date si on juge ce qui a suivi. On se raccrochera à un ou deux mangas humoristiques pour sauver l’honneur, Bobobo-bo-bo-bobo, Gintama et Pyuu to Fuku Jaguar s’acharnant du mieux qu’ils pouvaient pour maintenir l’embarcation à flot. Mais la brèche était déjà grande ouverte ; le naufrage, inévitable. La flottaison est encore assurée par One Piece ; l’œuvre, n’était alors plus qu’une parodie d’elle-même avec, en soutien occasionnel, l’immense Hunter x Hunter.


Vous voulez découvrir un bon Shônen aujourd’hui ? Armez-vous pour la spéléologie. Car il va falloir creuser mes bons sires, creuser pour trouver les fossiles qui préexistaient au deuxième millénaire. Sauf rares exceptions notoires, bien entendu.

C’est ce que j’ai fait en désespoir de cause – et non pas par bête nostalgie –, j’ai écumé des monceaux de déjections putrides pelletées après pelletées jusqu’à retrouver des compositions à l’ancienne, celles-là même qui étaient taillées la roche ; impérissables, mais hélas si faciles à oublier une fois recouvertes par le sable et la poussière.


Bio-Meat : Nectar n’a pas même eu droit au privilège de l’oubli car on ne lui accorda même pas la possibilité de se faire connaître. Du moins en occident. Je vous parle d’une œuvre qu’on ne découvre pas à moins de tomber dessus par hasard. Un hasard néanmoins guidé par une lumière attrayante. Une lumière feinte, mais la seule lumière que l’on pouvait apercevoir dans des ténèbres opaques du contexte éditorial qui obscurcit notre plaisir depuis trop longtemps.

Vous le savez, je juge un livre à sa couverture. Littéralement, quand il est question de manga. Je juge parfois à tort mais souvent à raison. Et là, la couverture de ce premier tome, plutôt que d’agir à mon endroit en bon repoussoir comme ça n’est que trop souvent le cas, m’aura irrésistiblement amené à elle. Y’avait plus de hasard qui tienne une fois que j’eus posé les yeux dessus.


Les plus assidus le sauront, au point même de s’en lasser, mais moi, les dessins « à l’ancienne » qui sentent bon la brutalité du fait main, sans même qu’on ait lissé un contour du trait, ça me saisit. Du milieu des années 1980 jusqu’à la moitié des années 1990, y’avait ce style de dessin qui avait le goût du vrai. Il s’en trouvera pour me le contester, et peut-être n’auront-ils pas tout à fait tort. Mais ils n’auront pas entièrement raison.

Il y avait, en ce temps, un style qui, évidemment, connaissait de multiples variétés, mais qui savait être à la fois simple et brut tout en étant savamment élaboré et percutant. C’était un rendu d’alchimie graphique qui enchantait et qui, résolument, a marqué son époque. Qui m’a marqué moi en tout cas. Il y en aura pour dire qu’en 2000, le style de Bio-Meat : Nectar était à contretemps. Je leur rétorquerai qu’une pareille manière de dessiner peut être qualifiée d’intemporelle. Non, décidément, pour l’avoir lu plus de vingt ans après, ça reste aussi frais qu’un glaçon. Le trait sait alterner entre le réalisme et des esquisses plus simples et fantasques – sans jamais déraisonner – quand il s’agit de représenter d’autres faciès, notamment ceux des personnages principaux qui se distinguent par ce biais. C’était basique dans l’idée, et les bases ont été superbement rodées. Aujourd’hui, on dessine la peau sans penser au squelette ou aux organes. Le style est alors à l’image du contenu des œuvres qui se font actuellement : désespérément vide et flasque. Nous étions alors loin de tout ça.


Le Shônen, dans le cas qui nous concerne, se veut horrifique. Y’en a pas tellement avec du recul qui frayent dans ce registre. Et du recul, il faut en prendre pas mal pour trouver des précédents. Faut piocher loin, jusque dans un autre temps, un temps où l’on n’avait pas peur d’effrayer ou de brusquer un jeune lectorat en lui assurant un imaginaire en béton armé. Aujourd’hui, ce même lectorat, on le dorlote et on l’anesthésie avec du mièvre et du réchauffé. De ses lectures de Shônen, il n’en retirera plus jamais rien qui soit saisissant ou impérissable.


L’intrigue de Bio-Meat, s’émancipant alors des tentations du Nekketsu, va droit au but et droit dans le mille. L’humanité faisait face deux problèmes écologiques majeurs : la surproduction de viande animale et l’accumulation des déchets. Les scientifiques japonais, précurseurs, firent d’une pierre deux coups en créant la Bio-Meat, une espèce génétiquement modifiée pouvant se nourrir de tout, à l’exception du métal et du verre. Le Japon, ainsi, prospérait en nourrissant cette Bio-Meat de ses ordures pour ensuite mieux se sustenter de sa viande. Seulement, les Japonais, tout ingénieux soient-ils, ont tendance à se montrer négligents dans la planification de leurs ouvrages. Notamment lorsqu’ils omettent l’activité sismique de leur territoire qui, du fait de ses spécificités, est largement susceptible de provoquer quelques regrettables incidents.

Parfaitement ; non-content de s’en tenir uniquement à la pertinence de la thématique écologique initialement abordée dans son œuvre, Yuki Fujisawa avait en plus prévu Fukushima onze ans à l’avance.


Les personnages principaux sont très vites posés. Bien que leur personnalité s’en tienne d’abord à la portion congrue et que leur tempérament se trouve marqué sur leur visage, ils trouvent le moyen d’être sympathiques. Sans doute car ils s’abstiennent de trop en faire et se cantonnent au rôle établi par leur psyché et en incarnant ce rôle à la perfection. Oui, à constater la manière dont ils sont conçus, ils m’apparaissent comme des personnages de Shônen comme il s’en trouvait écrits cinq à dix ans avant la publication de l’œuvre qui nous concerne. Bio-Meat : Nectar est à n’en point douter l’un des derniers si ce n’est le dernier écho de cette époque bénie. D’autant que les personnages trouvent ici le moyen d’être touchants en dévoilant bien assez vite leur vulnérabilité. Ils ne sont pas des héros après tout, rien que des enfants normaux – amenés à grandir par la suite – qui se trouvent confrontés à une catastrophe qui les dépasse bien assez tôt. Si beaucoup de personnages secondaires correspondent à des archétypes bien connus – mais joliment brossés – cela n’empêche pas quelques figures illustres d’avoir du cachet. Le colonel américain aura probablement incarné l’une des icônes d’officier supérieur comptant comme les plus imposantes qui soient. Fort de toute cette prestance, aurait-il donné l’ordre de se mettre au garde-à-vous que j’aurais obtempéré devant les pages qui m’étaient présentées. Il en imposait. Et des raclures qui trouvent la rédemption dans l’héroïsme, on en a eu aussi. Ils étaient flamboyants, tous autant qu’ils étaient.


Le traitement des enjeux des Bio-Meat dans le cadre de la souveraineté nationale et ses enjeux écologiques inhérents est bien abordé en plus d'être particulièrement mature pour un manga destiné à des 12 ans et plus. Il est bon de ne pas prendre ses lecteurs pour des cons en cherchant à les grandir avec des trames matures qui, elles, ne cherchent pas à être alambiquées


Le design des Bio-Meats est plus succulent encore que ne doit être leur chair. Plus aboutis et terrifiants encore que les aliens de Parasite tout en puisant leur inspiration auprès de ces derniers, les premiers Bio-Meats s’inscrivent dans la plus pure tradition du Bio-Horror et ce, au point de lui faire honneur par-delà toutes les limites du déraisonnable. Le dessin, exquis comme on peut s’y attendre, ne manque pas de restituer jusqu’au moindre détail de cette créature perdue à mi-chemin entre le tardigrade et le face-hugger. Y’a du Lovecraft là-dedans, y’a du Giger aussi ; c’est encore pour ça que le rendu est si magnifique. Je ne crois lui connaître aucun équivalent dans le milieu du manga tant le concept est bien trouvé. Junji Ito lui-même paraît manquer d’imagination en comparaison.


Ça va droit au but Bio-Meat : Nectar, mais ça n’oublie pas de poser les bases et de laisser l’horreur s’installer insidieusement. L’insouciance précède l’incompréhension qui, elle-même, fera ensuite le lit de la terreur. Une terreur brutale, avec un sens du gore joliment esthétisé et maîtrisé pour donner lieu à des plans travaillés et pensés pour être oppressants plutôt que pour la finalité d’être sanglants. Les morts grisent et glacent et, pour cette raison, on se surprend à en souhaiter davantage tant elles sont marquantes. On remerciera la narration pour ça. Et tout ce qui lui incombe par ailleurs.


Le premier arc narratif de Bio-Meat : Nectar puise clairement son influence de L’École Emportée. Des enfants livrés à eux-mêmes dans une école et chargés d’affronter des créatures atroces par leurs propres moyens ; on ne saurait s'épargner la comparaison. D’autant que celle-ci s’impose d’elle-même alors que le manga ne dissimule pas sa parenté tout en sachant s’en émanciper à mesure que le récit progresse.

On se pourlèche les babines devant tant de monstruosités. Les enfants, s’ils sont des protagonistes de Shônen, ne sont pas quelques basiques chiures de Nekketsu qui palabrent sur l’amitié. Dès le premier volume, on les voit sacrifier leurs camarades à l’extérieur pour ne pas risquer leur vie en laissant entrer les créatures. Pas de sauf-conduit scénaristique qui vaille pour les familles des protagonistes : ils y passent en propriété. C’est réaliste à ce point, l’horreur, ainsi, n’en ressort que plus crédible et terrifiante.


La désolation est absolue alors que les Bio-Meats se reproduisent de manière asexuée à mesure qu’ils se nourrissent. Le cataclysme est loin d’être circonscrit territorialement. À terme, c’est l’humanité entière qui est menacée et ce, encore une fois, de manière vraisemblable. Je peux tout à fait me figurer un scénario de cette ampleur dans le monde réel.

Le premier arc se conclut en deux volumes. Deux volumes haletants. Cet arc, il marque un premier incident qui, du fait de sa dénomination, en appelle au moins à un deuxième. Parce que les Américains s’y mettent eux aussi à la Bio-Meat. Et la leur est plus grosse. Faut toujours qu’ils cherchent à en avoir une plus grosse les Américains. Ça finit le plus souvent de la manière que l’on sait, c’est-à-dire mal. Qu’on s’entende, Bio-Meat : Nectar est loin de la série B que certains pourraient supputer et ce, bien que tous les éléments s’y rapportent à un degré ou un autre. C’est une œuvre horrifique remarquablement travaillée et partitionnée en trois temps ; chaque nouvel arc narratif ayant quelque chose à apporter par rapport à ses prédécesseurs. Chaque nouvelle version de Bio-Meat pose de nouveaux enjeux pour lui échapper et l’éliminer. Les nouveaux incidents ne sont pas des suites, mais des renouvellements. Et le dessin ne manque jamais de s’accorder magnifiquement au Bio-Horror grouillant et gesticulant dans l’hémoglobine et la trouille.


La morale, encore une fois, échappe aux shôneneries d’usage. « S’il ne peut même pas comprendre les enjeux, pourquoi s’embarrasser à lui sauver la vie ? ». Phrase impitoyable n’est-il pas ? Eh bien figurez-vous que celle-ci n’est pas prononcée par un antagoniste, mais par l’une des personnages principaux. Une fille pourtant guillerette en temps normal, mais une fille guillerette qui comprend qu’en situation de crise, il n’y a pas une once d’espace à accorder dans son cœur pour les bons sentiments. La survie prime naturellement sur l’humanisme quand le cerveau reptilien est sollicité. C’est une belle leçon que celle-ci. Une leçon qui ne fera pas consensus mais dont les vertus pourraient sauver des vies. Vivre et laisser mourir, voilà un hymne que je chante bien volontiers. Un hymne qui résonne à longueur de tomes alors que le dernier arc de Bio-Meat n’a pu advenir que parce que Shingo s’était refusé à une cruauté pourtant nécessaire. Il n’y a pas de bien qui vaille, simplement différentes strates de mal et un choix à opérer entre elles pour éviter le pire. Les coupables et les salauds ne sont pas les meurtriers, mais ceux qui se refusent à se salir les mains au nom d’une vertu bien mal placée.


Aucune critique sérieuse de Bio-Meat : Nectar ne serait complète ou même partiellement pertinente si The Thing n’était pas mentionné. L’influence est aussi patente qu’elle est heureuse. Il ne suffit pas de s’en inspirer pour garantir la qualité, il faut savoir s’en démarquer en ne retenant que l’essence même de l’œuvre pour la développer à sa sauce. C’est ce qui est fait ici. Et avec brio. Car à l’horreur des scènes qui se jouent, se rajoute la complexité bien articulée d’une l’intrigue où les différentes factions en présence se perdent dans les luttes mesquines au milieu de l’Armageddon. Les menaces, ainsi, prolifèrent sur le terreau de l’infamie et du désespoir, sans même une once de lumière à laquelle se raccrocher. Rien que la terreur aveugle de créatures sans cervelle ni volonté, mais bel et bien pourvues de mâchoires.


La menace des Bio-Meats paraît chaque foi pluss inextricable quand défilent les tomes, et on ne s’en sort jamais qu’à un cheveu près. Quand on s’en sort. Il n’empêche, je trouve invraisemblable que personne n’ait envisagé d’armures en métal avec visière en verre en guise de combinaison. Il se trouve que ce sont précisément ces deux matériaux que ne peuvent pas ingurgiter les créatures ; je les aurais privilégiés à n’importe quel autre. Mais nous n’aurions pas eu tous ces douloureux et délicieux sacrifices à la lecture, et encore moins ces successions de scènes anthologiques qui vous maintiennent le cœur en suspens jusqu’à ce qu’il tressaille à nouveau d’un coup d’un seul. À l’issue de cette lecture, vous ne prendrez plus jamais l’ascenseur, même pour trente-deux étages. Vous renoncerez peut-être même à la viande. Je sais qu’en ce qui me concerne, moi qui sui un carnivore invétéré, l’œuvre aura titillé mon sens de l’éthique relatif à la question de l’élevage. Et cela, sans jamais me forcer des convictions écolo dans la gorge. Un prosélytisme efficace et un prosélytisme qui se dispense d’agressivité.


La compassion, les bons sentiments, vous oubliez. Quand Shingo se décide à commettre l’irréparable au nom de la survie du groupe, il ne le fait pas à l’issue d’une rédemption, mais seulement en embrassant la pourriture qu’il est devenu. C’est une leçon humaine assez terrible, mais les crises ne résolvent pas avec des sourires et des beaux discours. Seuls les moyens concrets importent, et ils impliquent pour la plupart d’avoir les mains sales. Mieux vaut assumer d’être un monstre que de le nier et s’en effrayer. Comme l’établit Maaya, un négatif et un négatif aboutissent à un positif, alors autant assurer la part de négatif quand elle se profile dans le cadre de cette équation monstrueuse qui se dessine au milieu du chaos.


Horreur oblige, quand il n’y en a plus, il y en a encore. C’est précisément quand on se croit sorti du calvaire qu’on y remet les pieds en y trébuchant violemment. Et pour se réceptionner, il se trouvera ici quelques aimables créatures grouillantes et agitées pour amortir votre chute.

Vous pensiez que le désert du Kanto avait ses mauvais côtés ? Il y a largement matière à relativiser entre ces pages. Et ce monde, plus grisant que jamais, nous apparaît crédible. Le dernier arc paraît en partie inspiré de Day of the Dead. Le monde s’écroule petit à petit, en silence, mais la vie quotidienne se doit de perdurer dans sa routine. Voilà qui n’est pas sans rappeler Neon Genesis Evangelion.


La politique s’en mêle ; on administre même le chaos. Il y a même un ordre qui en est issu. Et naturellement, quand le politique se charge de gérer quoi que ce soit, ce "quoi que ce soit" rencontre rapidement quelques difficultés d’ordre managériales. Au milieu des Américains, des Français et de la résistance locale, les Bio-Meats ne pouvaient tout simplement pas rester gentiment dans leur tube à essai. Tout le monde croit être en charge jusqu’à ce que la viande locale commence à être libre de ses mouvements.

Je rongeais mon frein en voyant la résistance pure et parfaite partie en croisade, mais il faut attendre avant que le portait qui est fait d’eux soit plus net. Pas de Ki-Itchi dans ces contrées : quand le tout-venant cherche à te bouffer, ça remet bien des choses en perspectives, à commencer par ses alliances.


Le sens du badass, le sens du couillu, y’en a qui en abusent jusqu’à outrance au point de desservir la notion, et puis, il y a ceux qui t font honneur. Et bellement. L’attentat suicide au Bio-Meat, rien que pour le plaisir de voir mourir celui qu’on méprise avant de soi-même expirer dans une absolue souffrance, voilà qui a de la gueule. Les tripes, dans l’œuvre, s’exposent alors aussi bien au sens propre que figuré.

La deuxième partie du troisième arc renoue avec le huis-clos de la trame précédente sans faire doublon pour autant puisque l’issue implique cette fois de s’enfuir. L’espoir ? Il en faudra plus que le sourire de Maaya pour y croire. Les situations vont sans cesse de mal en pis. Non seulement l’intrigue n’accorde aucune facilité scénaristique à ses protagonistes, mais elle accentue la difficulté des paramètres jusqu’aux derniers extrêmes.


Si vous me permettez une modeste incartade anti-féministe… Les derniers volumes de Bio-Meat m’ont ouvert un boulevard en ce sens, aussi, j’avise. Kanomiya est indéniablement devenue une femme forte comme a pu le devenir Ellen Ripley en s’éprouvant au pire. Mais quand Shingo lui fait la réflexion pour dire d’elle qu’elle est une femme forte, plutôt de sourire et de s’enorgueillir de ce titre de gloire, elle rechigne à l’accepter. Elle est forte non pas parce que son tempérament lui a toujours permis au naturel, mais parce les circonstances l’y ont contrainte. Une femme forte – et cela vaut pour les hommes par ailleurs – ne peut jamais naître que de l’adversité. Kanomiya aurait aimé être une femme avec moins de ressources, mais davantage de prétextes à apprécier l’insouciance de son quotidien. Le sort en a décidé autrement. Une femme forte, ça n’est pas une avocate ou une femme d’affaires sèche et incisive, c’est une paysanne des siècles derniers qui se lève chaque matin à cinq heures pour travailler parce que sa vie en dépend. La force n’est pas un cadeau des dieux mais le revers d’une souffrance. Et cette force, en ces pages, s’accomplit alors magnifiquement.

Non, pitié, pas un Happy End… tout mais pas ça. Il y a eu bien peu de morts durant le dernier acte, et c’est à déplorer. Les personnages et même, le Japon tout entier, littéralement sauvé par une vedette américaine providentielle... c’est une bien vilaine tache d’huile sur des pages trop blanches pour mériter ça. La fin ne conclut pas, elle expédie d’un revers de main avec un fin ouverte typique des séries B. Ah l’horreur, le glaviot, craché en pleine face dans un dernier chapitre. C’est un Shônen après tout… mais des Shônens qui finissent mal, ça se peut. Ça se peut même vraiment. Bio-Meat : Nectar a manqué d’être excellent pour se contenter d’être plutôt bon. Une gageure quand on sait ce que propose la concurrence, aussi ne boudons pas, même s’il y a matière à grincer des dents quand le terme se profile.

Ça se lit vite, ça se lit bien et ça se lit surtout avec plaisir.

C’est ça que devrait être un Shônen aujourd’hui. Pas ça uniquement, mais tendre vers une forme de maturité qui se dispense de prétentions et qui sort des carcans de la moraline habituelle. Le tout, sans se trahir. Maaya était ce protagoniste de Shônen archétypique, aux grands sourires et aux espoirs perpétuels plein la gueule. Et pourtant, il présentait bien le bougre. Comme quoi, la qualité, dans le milieu du Shônen, c’est une affaire de volonté avant d'être une question de révolution du genre.


Josselin-B
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le 3 févr. 2023

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6 j'aime

Josselin Bigaut

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