Les attentes étaient peut-être si hautes pour le retour de Yuen Woo Ping à la réalisation après 14 ans d'absence que la déception des HKphiles fut à la hauteur de l'unité toute relative de la trame du film, presque une marque de fabrique du clan Yuen remarquez... Après 1h30 d'un Blood Brothers poussiéreux lorgnant sur l'esthétique d'un Seven Swords avec une tartine de CGI dégoulinante, basculant d'une Michelle Yeoh hippy vers quelques guerriers imaginaires saugrenus (Jay Chou déguisé en Apollon et Gordon Liu traversent les champs, l'un sur la tête de l'autre et se mettent bientôt à faire du breakdance...), Yuen Woo Ping ne peut s'empêcher d'ajouter en prime plus de caméos parachutés et nous place tout fier de lui un lot de catcheurs mené par un David Carradine un pied dans la tombe pour terminer son film de la plus étrange des manières. Forcément, c'est un peu dur à avaler pour qui s'attend à une fresque historique combattante bien construite. Mais à tous les déçus, là maintenant, je n'ai envie de dire qu'une seule chose.... Bordel qu'est-ce que ça fait du bien !


Dès le début, ça sent bon à côté des nombreuses déceptions martiales du moment comme Wu Xia bizarrement encensé, Red Cliff boursoufflé d'ambition, ou le juste comestible Detective Dee, Yuen Woo Ping va nous mettre de l'essence HK dans le moteur chinois, et pas du sang plomb. Le gourmand aura droit a une dose de combats tout simplement massive ! Du combat teigneux, aérien et terrestre, sur statue géante, dans un puits (!) tout en vertical, au dessus d'une fosse à lion, au dessus d'un torrent, sur une tour rappelant furieusement le bouddha géant de Detective Dee, dans une belle bâtisse dark Fearless-like, fief d'un Andy On à la technique de doigts venimeux excellemment utilisée. Notre héros Chiu Man Cheuk est en superbe forme. Dès le premier combat, il envoie le pavé et sa rage typiquement 8 diagram-like ne faiblit pas jusqu'à le transformer on ne sait trop pourquoi ni comment en drunken master danseur complètement allumé.


ça part sévèrement dans tous les coins, pas dans le sens Zu du truc, plutôt dans le sens : "y en a marre de vos blockbusters chinois qui pensent avoir un scénar, moi je vais vous éclater tout ça". Les cgi ne m'ont pas du tout rebuté tant les combats affluent avec une nervosité salvatrice que j'attendais depuis un bail. ça percute comme il faut, pas forcément dans l'impact pur, mais dans le montage des combats eux-même. Pas de shacky cam, pas de ralentis interminables, un montage serré, des combats propres, du vrai sang qui gicle, pas du liquide de synthèse, même les effets sonores suremployés sont toujours à leur place. On sent le clan Yuen à l'oeuvre. Il n'y a pas tant que ça de suppléments bouseux en CGI, les techniques sont franchement superbes, hormis le côté breakdance Vs catch qui s'invite à la fin, mais pas grave c'est cadeau semble dire le clan qui a manifestement les crocs. Je dirais même que c'est un très bon morceau de drunken new style Vs Catch perso.
Andy On tabasse littéralement dans le rôle du frère damné et fou de vengeance. Il tue d'un poing dès qu'il n'est pas content. Du bonheur.


Mais ce n'est pas tout. Avec tous ses trous dans son scénario, je dois bien avouer que malgré tout, je trouve que cette histoire a énormément de charme. L'histoire part dans tous les sens ? D'une, on s'en fout, ça fait bien longtemps que la crédibilité des scénarios HK n'est pas le noeud de l'affaire kung fu. Au contraire, c'est bien connu, plus ça part en vrille, plus c'est bon. De deux, c'est direct et ténu comme il faut et c'est tout ce qui compte. Le côté viscéral ne cesse de grimper, un peu comme pour Fearless sans la retraite à la con placée n'importe comment. Mieux que ça, les moments "flute et je regarde l'horizon d'un air pensif" ne sont pas très nombreux. ça ne s'arrête quasiment pas en chemin ! L'histoire principale de frères ennemis est très classique mais vraiment efficace. Bon, ils devaient être tous bourrés quand ils ont écrits la fin du film mais, en même temps, ça ajoute un je ne sais quoi de mystère à toute cette histoire.


La famille qui ne peut être séparée se tiraille tout le long, dansant avec et autour de la mort, flirtant avec la folie et l'ivresse pour revenir finalement à l'essentiel. Il y aurait presque comme des non dits qu'il faudrait replacer pour terminer l'essence du chemin du Beggar Su, le combattant ivre, chaotique et multiple, comme une chute illogique du général au mendiant, de la discipline au bordel. Le film lui même part d'un axe très sérieux, historique, soit disant réaliste, fresque guerrière, pour nous conduire vers une mise en abîme des scènes classiques du kung-fu. L'entraînement du vieux maître s'arrête lorsqu'il Chiu Man Cheuk s'apprête enfin à l'affronter, Michelle Yeoh ne délivre qu'un message lacunaire en tout et pour tout. On ne sait pas réellement où finissent les personnages, même s'ils meurent vraiment. Les fins classiques sont toutes squeezées pour rebondir ailleurs et terminer le tout sur un ring occidental. Comme le faisait Fearless et tant d'autres, True Legend conclut sur la même parabole sans douceur ni poésie du clash occident / orient. La structure même du film est une sorte de ressenti étrange de la route d'un père qui perd ces repères. Non, je ne plaisante pas.


spoiler Le héros étant plus ou moins schizophrène, Gordon liu et Jay Chou peuvent être vus comme les alter égo de Man Cheuk, l'un est la fougue et la colère qu'il doit combattre, mais aussi la confiance qu'il doit retrouver, l'autre est son esprit sage, reposé dans l'ivresse, le combattant ivre qu'il va devenir interprété par un peu présent mais très réjouissant Gordon Liu. Le héros rencontre une seconde fois Jay Chou pour perfectionner sa technique de la boxe ivre. On pourrait croire que la scène est balancée n'importe quand. Elle n'est surtout qu'une nouvelle manifestation de son esprit où le maître ivre et le jeune guerrier fusionnent pour ne faire plus qu'un seul combattant. Je vous assure, c'est sérieux. spoiler


Parsemé de caméos complètement inutiles mais cultes quand même et à foison (Michelle Yeoh, Gordon Liu, Leung Kar Yan, David Carradine), True Legend, je vais te le surnoter avec un plaisir non dissimulé.

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le 31 oct. 2011

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drélium

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