You gave up everything you had / But there's one thing I want you to hold

Chronologie The Beach Boys - Part. 15 :

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La trilogie "zen" et Lo-Fi des Beach Boys n'ayant pas eu le succès escompté malgré la qualité indiscutable de la majorité des morceaux, Brian voit sa santé mentale décliner de manière alarmante jusqu'à prendre la décision de s'interner lui même en hôpital psychiatrique courant 1968. Evidemment cette décision bouche considérablement l'horizon du groupe , qui à ce moment là est un peu à la croisée des chemins. Tout mettre en pause et passer à autre chose ? Ou essayer de continuer malgré l'absence de leur leader et compositeur quasi exclusif ? Le fait est qu'à ce moment là le reste des membres avait déjà commencé à petit à petit s'essayer à la composition, la production et à prendre plus de place dans les décisions créatives du groupe. Carl avait par moment remplacé au pied levé Brian au lead chant et à la production sur les albums précédents, Dennis s'est mis à la composition avec beaucoup de réussite et de personnalité, Al ramenait des idées de reprises ou réorchestration qui collaient bien aux ambitions du groupe, et même Bruce s'est mis à proposer des productions et compositions persos. La décision est donc prise, dans leur nouvel album "20/20" les Beach Boys vont montrer au monde qu'ils existent en tant qu'entité et groupe à part entière, et non plus comme "le groupe du génie Brian Wilson", et la meilleure preuve se situe sur la photo de la pochette, qui présente tous les membres SAUF Brian (qui est présent uniquement au dos de celle-ci).

La conséquence logique est que c'est probablement un des albums des Beach Boys les plus variés. On note tout d'abord qu'il est alimenté par quelques morceaux enregistrés ou composés avant le nervous breakdown de Brian , dont les deux morceaux de "SMiLE" qui concluent la galette. Je comprends l'intérêt de mettre en avant un "Cabinessence" même si il est placé évidemment ici hors concept et qu'il perd donc un peu de sa sève , par contre ajouter au forceps un "Our Prayer" , magnifique morceau d'intro de SMiLE , en avant dernière position de manière complètement aléatoire c'est vraiment le gâcher. Il y a aussi le très beau "Time to get alone" qui a été composé quelques années auparavant au moment de "Wild Honey" par Brian pour un autre groupe (et qui n'a pas abouti à priori) , une valse vraiment fabuleuse réorchestrée et produite par Carl qui marche très bien. En parallèle, la seule composition Brian / Mike essaye d'invoquer l'esprit surf des débuts avec "Do It Again" , et ils réussissent totalement leur pari à ce titre et ils arrivent même à le faire d'une manière vraiment nouvelle, loin de l'auto-parodie qui leur tendait les bras. C'est un formidable tube ensoleillé que j'adore et dont je n'arrive pas à me lasser, et une formidable intro pour l'album.

Ils essayent aussi de jouer la sécurité avec 3 reprises plus ou moins inspirées , un Spector ("I can hear Music" , pas mal mais j'aime surtout le bridge 100% Beach Boys qu'ils ont rajouté) , un rock'n'roll 50's ( "Bluebirds over the Mountain" , pas super fan pour ma part malgré la présence d'un solo guitare comme on le voit peu dans la disco du groupe) et une réorchestration d'un morceau un peu plus traditionnel ( "Cotton Fields" , proposé par Al pour tenter de refaire le coup de "Sloop John B.", très bonne chanson même si on est au final pas du tout au même niveau que le morceau de "Pet Sounds").

Et pour le reste des chansons on a donc quelques compos originales de Dennis : "Be with me" (pas mal mais un peu pompeux) , l'incroyable "All I want to Do" , un rock'n'roll brulant et ultra explicite où Mike envoie le bois comme jamais au chant, un super morceau qui fait partie de mes préférés du groupe, et bien sûr le fameux "Never Learn Not to Love", excellente chanson même si elle doit constituer un souvenir très amer dans l'esprit du groupe au vu de son historique bien glauque et de son co-compositeur sympathique.

Et pour finir , Brian et Carl envoient un petit "I went to Sleep" très "Friends-esque" dans l'esprit , très calme, simple et franchement beau , et Bruce place dans le tas "The Nearest Faraway Place", un instrumental au lead piano très nébuleux mais qui ne colle pas vraiment au groupe.

Après ce bilan on touche au nœud du problème concernant "20/20": il y a des chansons excellentes, largement parmi mes préférées du groupe ( "Do It Again" et "All I Want to Do"), d'autres franchement bonnes qui ont leur place dans leurs meilleurs opus ("Cotton Fields", "Time to Get Alone", "I Went to Sleep", "Never Learn Not to Love") , d'autres plus oubliables mais dans l'ensemble rien ne fait vraiment tâche. Par contre c'est la première fois dans la discographie des Beach Boys qu'on ressent cette sensation de morceaux déconnectés les uns des autres et mis bout à bout, il n'y a aucune cohérence (l'enchainement "All I Want to Do" / "The Nearest Faraway Place" est tellement improbable qu'on dirait presque du sabotage) et clairement le groupe tâtonne encore à la "multi-production" et semble ne pas savoir sur quel pied danser ni quelle orientation donner au groupe à l'avenir. Même si "20/20" a mieux marcher que "Friends" en terme de ventes , ce n'est quand même pas la joie et le déclin de popularité du groupe sur cette fin de décennie apparait maintenant comme indiscutable. La maison de disque ne croit plus que le groupe pourra se remettre de "SMiLE" , sans parler des tensions liées à l'échec de plusieurs grosses tournées et de déboires juridiques avec le groupe concernant des royalties, et ce sera donc le dernier album des Beach Boys sorti sur Capital records avant les années 80.