Il y a dans Free Reign de Clinic une énergie contenue, presque fébrile, comme si chaque morceau cherchait à échapper à sa propre structure sans jamais complètement s’en libérer. Et c’est peut-être là toute l’ambiguïté de cet album : captivant dans ses intentions, mais parfois retenu dans son exécution.
Sorti en 2012, Free Reign marque un tournant discret mais notable dans la discographie de Clinic. Le groupe, connu pour son approche expérimentale du rock psyché, y délaisse en partie ses racines plus abrasives pour explorer des sonorités plus aériennes, électroniques, presque krautrock par moments. Cette mutation ne manque pas d’intérêt, bien au contraire — mais elle n’est pas sans générer quelques frustrations.
L’atmosphère générale de l’album est enveloppante, hypnotique, presque méditative. On sent une volonté d’installation lente, de laisser respirer les morceaux plutôt que de chercher l’impact immédiat. Des titres comme You ou For the Season s’étirent avec élégance, portés par des boucles synthétiques et une voix toujours aussi détachée, presque spectralement nonchalante. Cette distance, typique de Clinic, fonctionne ici comme un filtre : elle intrigue autant qu’elle isole. À force de retenue, l’émotion reste parfois à la porte.
Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est cette capacité du groupe à créer des paysages sonores qui tiennent autant de l’expérimentation que de la rêverie. L’album donne envie de s’y perdre, mais ne se montre pas toujours accueillant pour autant. Certains morceaux, bien que riches en textures, peinent à se distinguer les uns des autres. Il manque parfois une étincelle, un contraste, quelque chose qui vienne bousculer cette douce uniformité.
Cela dit, il serait injuste de ne pas saluer la cohérence de l’ensemble, sa volonté d’emmener l’auditeur ailleurs sans artifice. Il faut du courage pour ralentir, pour ne pas chercher la séduction immédiate, et Free Reign fait ce choix avec conviction. C’est un album qui gagne à être écouté dans son entièreté, dans une écoute immersive, presque introspective.
En somme, je lui ai mis un 7/10 parce qu’il s’agit d’un disque intéressant, maîtrisé, mais qui ne va pas toujours au bout de ses promesses. Il séduit plus par son atmosphère que par ses mélodies, plus par ses textures que par son intensité. C’est un album qui semble sous contrôle — peut-être un peu trop. Il laisse entrevoir une liberté, un potentiel, qui ne demande qu’à être totalement embrassé.