Nos magazines culturels ont souvent un malin plaisir à utiliser, on le sait, des expressions idiotes qui nous donnent envie, aussitôt lues, de nous servir de leurs supports comme allume-barbecue, même au cœur du mois de décembre.
(…ou encore se servir d’eux pour rendre à nos fesses toute leur noblesse virginale après que les fourbes intestins aient rappelé à ces dernières leur trivial aspect fonctionnel)


C’est pourtant l’une de ces expressions qui me vient à l’esprit au moment de vous parler d’un des artistes que je chéris particulièrement depuis des années, et que vous êtes BIEN TROP NOMBREUX à ne pas connaitre.
Pour paraphraser les Inrocks, donc, je serais tenter de vous présenter Renaud Papillon Paravel comme le secret le mieux gardé de la musique française.


Celui qui a envie de changer quelque chose dans la marche malade de la planète se sent souvent démuni devant l’ampleur de la tâche. Si je ne devais faire découvrir Paravel qu’à une ou deux personnes sur le site, j’aurais l’impression d’avoir apporté mon écot à la noble et générale cause de la lutte contre l’injustice dans le monde.
Rien de moins.


Parce que, voyez-vous, Paravel fait partie de ces artistes qui ne rentrent dans aucune case où il serait facile de le ranger. Une liberté créatrice salutaire qui rend sa diffusion (et à fortiori sa vente) problématique. Renaud Papillon Paravel c’est pas du rock, c’est pas de la variété, ce n’est pas non plus du rap, et encore moins de l’électro. On pourrait de manière paresseuse considérer que c’est un peu un mélange de tout ça, mais ce serait encore un brin réducteur.
Dans un élan d’inconscience amoureuse, j’aurais envie de dire que Paravel c’est un mélange de Gainsbourg et Bashung pour l’ambiance et les paroles, et de lui-même pour la musique, faite de collages, de samples et d’autres parties très instrumentées.


En 2001, Renaud auto-produit son premier album, La surface de réparation, dont un titre attire l’attention: j’aime Tonku qui sera à l’origine d’une jolie série de malentendus, l’auteur étant souvent réduit, par ceux qui le suivent de loin, à un chanteur de chansons crues, drolatiques mais creusant souvent le même sillon (réputation à laquelle il a contribué sans réserve puisque cela fait aussi partie de son paysage) et ce jusqu’à son récent Belle histoire d’amour.
Car le type a de l’humour et un certain sens pratique. C’est pas pour rien qu’il avait pu construire sa propre maison de disque, qui avait immédiatement cartonné.
Mais passer à côté des autres facettes, nombreuses, du papillon, serait bien bête, car cela vous ferait rater des moments aussi beaux que mon petit élément, manifeste sublime de l’enfant coincé dans un corps d’adulte, sorti sur le magnifique subliminable, en 2004 chez BMG, dans lequel on trouve des choses aussi stupéfiantes que souris-moi ou marrante que le chanteur bien cuit.


Bref, refaire la discographie complète du Sigeannais serait bien long et fastidieux, car il y aurait tant à dire sur chacun de ses quatre premiers albums.
A part ce commentaire laconique: écoutez-les
(ce à quoi je serai tenté d’ajouter: bordel)


La langue de la bestiole est donc son cinquième album.
D’emblée plus sombre, Renaud revient plusieurs fois au cours des premiers morceaux sur l’impossibilité d’échapper à la gueule qu’il voit chaque jour dans la glace. Le ton est d’emblée plus sec qu’à l’accoutumée, brassant la difficulté à comprendre le monde tel qu’il va, et la capacité de ce dernier à commettre infiniment les mêmes conneries, ce qui condamne le chanteur à ruminer dans le noir.
Mais ce coup de blues inaugural ne saurait durer, le type aime la vie et aime rire de l’absurdité des choses, il l’habitude de recevoir les coups, et on retrouve son côté plus léger comme (t’es qu’)un oiseau, l’amour seul étant capable de changer notre regard sur les choses d’un coup de baguette magique (abracadabra).
L’intime (la rivière sans retour) côtoie l’intrépide (la course), l’introspection nocturne (la nuit la lune) précède le road-movie amer (rouler rouler), sans que jamais Paravel n’oublie que l’homme n’est qu’un singe descendu maladroitement du sommet de son arbre.
Seul bémol, on pourra regretter que le propos des mensonges gagnent en virulence ce qu’ils perdent en subtilité sur le thème salutaire de l’indigestion des religions. Sur le sujet, on peut raisonnablement estimer qu’il était sans doute plus inspiré dans mon dieu en 2008.


Mais cela n’est qu’un détail, une ombre bien légère dans l’aveuglante lumière de l’ensemble de l’album, nouvelle étape passionnante dans le parcours essentiel et singulier de son auteur.
Je ne pourrais finalement regretter, et à titre très personnel, qu’une seule chose dans la carrière de Renaud Papillon Paravel: son incapacité à venir se produire dans le plus belle ville du moôôÔÔônde, Marseille.


Et comme j’en sens deux qui somnolent, la-bas, au fond, qu’il me suffise de préciser aussi cette chose: Renaud a produit Cazoul.
Ça en dit long sur la qualité du bonhomme.

guyness
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le 12 avr. 2015

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