Il y a d’entrée une impression (volontairement) garage, son crade, saturations poussiéreuses pour une Danse des Animaux Malades poétique, tendance punk à texte dans un condensé historico-mythico-surréaliste disneyen, cris d’invective. Puis l’eau coule, Water, dans une litanie de guitare et d’onomatopées scandées, paysage jazz (bi)polaire.



« J’avais des pensées molles », dans Couler.



Premier opus de la maison No Format !, Le Dogme des VI Jours se pose comme un challenge autant pour le label nouveau-né que pour les musiciens à l’œuvre :



improvisation et liberté totales.



Marcel Kanche, discographie riche et collaborations de renommée, invite quelques complices pour six jours d’enregistrement non préparés :



« Aucune répétition. Aucun a priori sur la façon, l'esthétique
musicale. Ne pas parler mais jouer. Tout enregistrer. Ne compter que
sur le mélange de la créativité et du savoir-faire de chacun qui à ce
jour semble encore riche. »
dixit le descriptif sur le site du label.



De Zurich à Respire, Nicolas Pabiot laisse s’envoler le piano, accrochant dans la mélodie les élans free-jazz de ses partenaires. Dors alors, Isabelle Lemaitre développe une mélopée gaie qui s’éteint en un étrange ralenti de fatigue avant de céder la place à L’Étranger d’Avril, rythme sourd soutenu d’un sifflet lointain, le temps craque et glisse. Jusqu’à l’absence. Revers, retour, l’impression nous cueille aux premières mesures de Passing Strange sous une voix grave et taiseuse, slams en haiku new-yorkais. Le piano toujours en assise sous un cuivre lourd d’ombres noires, profondes.



Il y a de la poésie qui surgit en pépites



à travers l’opus, suant d’honnêteté autant que de spontanéité. Une expérience intense de jazz contemporain limitless, expansif dans le carcan prédéfini d’un certain minimalisme. Des accents d’Arthur H, de John Coltrane.
La guitare se laisse traficoter dans les méandres électroniques qui enveloppent l’expérience.


Out Come. Une voix monotone s’efface sur la bande passante et grésillante d’une radio fantôme, De l’Ombre dans la Joie où le piano et le cuivre s’emballent encore. Explosion, les battements de John Greaves sur la basse et la voix profonde entre les plaintes du saxophone, c’est le phrasé posé d’un semblant de Tom Waits dans une ambiance déstructurée d’apocalypse au milieu de la nuit avant l’apparent calme d’une Chanson Perdue.


Chansons courtes,



improvisations condensées de poésie et d’envolées mélodiques au chaos jouissif,



logique musicale d’une ambiance urbaine et des voix errantes qui y espèrent leurs dernières notes échappatoires d’un quotidien oublié. Le final est un Repas de Cailloux doux, excavations cuivrées et notes suspendues, rêve aux oreilles éveillé, une apogée de la ballade.


La première expérience de No Format ! est dense de poésie autant dans l’approche que dans la forme finale qui ne raconte rien d’autre que cette magie intense, sublimée, du moment présent : Le Dogme des VI Jours invite un groupe de musiciens à développer son univers le temps d’un disque, ce sera l’envie de départ des projets futurs. Les multiples influences assimilées par Marcel Kanche et ses collègues marquent l’empreinte d’ouverture jazz que le label prendra peu à peu. Au fil des humeurs et des collaborations,



au fil des rencontres.



L’envie de s’atteler intensément à la création d’un album en se laissant l’espace du feeling, minimal autant que possible dans l’approche pour laisser exploser le talent de musiciens à l’imagination aussi grande qu’est leur rigueur technique.
Une magnifique carte de visite !

Matthieu_Marsan-Bach
8

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Créée

le 23 janv. 2017

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