Que reproche-t-on au juste à Benjamin Biolay ? Sa moue boudeuse ? Sa belle femme ? Sa surexposition discographique ? Son stakhanovisme artistique ? Franchement, s'il fallait lui adresser un grief, ce serait d'avoir péché, par abondance de compositions, sur ses deux premiers opus. Ainsi, resserrant son propos tout en élargissant le spectre musical, BB signe son meilleur album à ce jour, quatre ans après Rose Kennedy, fleuri de roses et de promesses. Renversant l'essence de Négatif, le mot qui concluait son précédent Lp, il ouvre ce (grand) disque par la chanson éponyme, véritable sommet introductif. Soit un texte bouleversant posé sur une atmosphère urbaine et étouffante à la John Carpenter, accentuée par une rythmique hip hop, qui reflète toutes les obsessions (géopolitiques, domestiques) de son auteur. D'emblée donc, le décor est posé. Il pourrait se résumer dans la pochette de M/M, qui figure sur fond noir et de lettrages blancs (dans lesquels s'enchevêtrent des dessins) le cerveau embrumé de BB. Deux titres suivants, Mon Amour M'A Baisé, tube annoncé avec la voix sage de Françoise Hardy en contrepoint, et Même Si Tu Pars renouent avec un répertoire plus habituel, n'était cette nouvelle manière d'accentuer les syllabes. En s'attachant les services de Pierre Jaconelli (oui, le guitariste du show-biz français, déjà présent sur La Révolution, son tout premier 45 tours, en 1997) dans quelques chansons frondeuses (Ma Chair Est Tendre, Ground Zero Bar, L'Histoire D'Un Garçon), Biolay prête autant le flanc à la critique qu'il assume son appétence pour la power pop, largement revendiquée sur l'épisode Home ou le récent Bye Bye Beauté de sa petite soeur, Coralie Clément. Et si l'ombre de Serge Gainsbourg plane toujours en studio (Même Si Tu Pars, avec son changement d'accords à la Sorry Angel), Benjamin, qui fait derechef équipe avec Dominique Blanc-Francard et Bénédicte Schmitt du Labomatic, a fait appel à Boom Bass, l'un des fils Blanc-Francard et moitié de Cassius, pour les programmations, qui donnent une couleur inédite à ses chansons (Tant Le Ciel Était Sombre). Avec Françoise Hardy, qui duettise sur Adieu Triste Amour (que Virgin ne manquera pas de vouloir sortir en single), Chiara Mastroianni est l'autre invitée naturelle de À L'Origine, en poussant les choeurs suaves sur Paris, Paris. Dans le paysage actuel de la chanson française, de plus en plus inquiétant au regard du palmarès des disques d'or et de platine, la sortie du nouveau Benjamin Biolay constitue la meilleure nouvelle de ce printemps et augmente considérablement le niveau pour ses seuls vrais concurrents (Pierre Bondu, Florent Marchet). (Magic)
On n'en a pas fini avec Benjamin Biolay : vite catapulté nouveau Gainsbourg, ou compositeur et arrangeur de génie, on le sent engoncé dans une semi-posture qui ignore les médias tout en y apparaissant régulièrement. Et, évidemment, à chaque nouvel album, la question de la filiation, et des influences, va se poser : héritage de la chanson française ou envolée vers des paysages anglo-saxons ; populisme à tendance obispienne ou exigence d'écriture forcément plus confidentielle ? Biolay semble condamné à la pirouette perpétuelle, mais se plie volontiers à l'exercice, évoluant finalement tranquillement entre reconnaissance médiatique large et qualité d'écriture.Sur son album en duo avec Chiara, "Home", de fines ballades s'enchaînaient avec délicatesse et légèreté. Le projet "A l'Origine", est plus ambitieux, et forcément moins léger, mais aussi plus long en bouche : une vraie réussite, qui égrène des morceaux souvent denses, aux orchestrations riches mais toujours originales, comme l'évoque le titre : Biolay ne choisit pas toujours le dépouillement, mais évite les fioritures (il suffit d'entendre les subtils entrelacements de guitares sur "Me voilà bien" ou les cordes sur la plupart des morceaux).Bien entendu on reste dans la chanson française : Françoise Hardy chante sur deux morceaux, et les paroles restent dans la langue de Molière, évoquant tour à tour un Miossec (en moins brut), ou un Florent Marchet (en plus sophistiqué mais moins drôle). Dans la voix, une certaine gravité,souvent mélancolique, mais pas de pathos, malgré des titres risqués : "Adieu triste amour", "Mes peines de cœur", "Ma chair est tendre". Qui plus est, BB évite les sentiers battus par des arrangements inspirés à la dynamique inattendue : voir l'époustouflé "Cours", ou l'électronique "L'Appât", qui côtoient les plus classiques mais mélodiques "Paris, Paris" ou "Me Voilà Bien". C'est d'ailleurs sur ce terrain de la mélodie que l'album tient décidément la route, Biolay ne sombrant jamais dans la facilité à cet égard.Variant les styles, et le tempo, "A l'Origine" trouve son unité dans cette gravité sensuelle et inspirée qui, malgré les apparences, ne doit rien à personne. (popnews)

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le 26 févr. 2022

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