1er épisode ici : https://www.senscritique.com/album/runaljod_ragnarok/critique/278049211
Episode 2 ici : https://www.senscritique.com/album/saga_de_ragnar_lodbrock/critique/274852325
Episode 3 ici : https://www.senscritique.com/album/Or_Ymis_Holdi/critique/296442397
Episode 4 ici : https://www.senscritique.com/album/sol/critique/313632735
Episode 5 ici : https://www.senscritique.com/album/emerson_lake_palmer/critique/333439572/edit
Episode 6 ici : https://www.senscritique.com/album/the_substance/critique/333585693
Episode 8 ici : https://www.senscritique.com/album/42/critique/333674044
Un guerrier viking n’est pas un Om, ni un soldat comme les autres. Enfant il apprend à courir dans les montagnes, loin toujours plus loin. Il apprend la survit au milieu des neiges éternelles. Il apprend à nager dans les eaux froides des fjords et à se réchauffer rapidement sans feu. Il apprend la mer, à vénérer Njörd qui le nourrit en lui prodiguant une pêche abondante. Il apprend à aimer cette nature magnifique et cruelle qui prendra sa vie s’il n’est pas préparé. Dormir dehors, dormir peu mais souvent est quelque chose de naturel pour lui, comme trouver sa subsistance. Les plantes et les animaux sont ses amis, la terre son berceau, la neige sa source. Bien sûr il maitrise le feu et ne se déplace jamais sans le matériel nécessaire à sa création. Il sait se cacher, rester silencieux longtemps, se fondre dans un paysage quel qu’il soit. Avec les siens il apprend bien sur l’entraide du clan, de la tribu. Son école ce n’est pas la famille. La famille peut être discorde, la famille peut être repli, la famille peut être danger mais la famille unie et dévoué au clan peut être un écrin. Son école ce sont les autres. Femmes, hommes se lient entre eux selon les aspirations, les envies des jeunes. Tout cela il le comprend dès son plus jeune âge et apprend tout ce qu’il a la possibilité de choisir dans son peuple mais avant tout il apprend à endurer, courir, nager pour vivre, pour survivre s’il le faut et se sentir un élément vibrant de Jörd. Tous les enfants sont les fils et filles de Jörd puis ils et elles deviennent amants, amantes car Jörd aime du même amour ses fils et ses filles. Mais au-delà de tout, les enfants vikings apprennent que la vie n’est rien puisque un beau jour ils emprunteront le chemin scintillant, le Bifröst, l’arc en ciel somptueux où veille Heimdall. Un beau jour ils monteront, quitteront Midgard pour Asgard et rencontreront leurs Dieux. Les guerriers et les guerrières seront encore plus chanceux car s’ils meurent les armes à la main ils pourront s’asseoir à la table d’Odin et festoyer avec lui.
Alors Jorund court, court comme il sait si bien le faire. Au début il suit les deux corbeaux qui ont excité son réveil mais bientôt il est sur la piste des Angle si facile à suivre et il oublie les volatiles. Un homme seul viking qui plus est, est bien plus rapide que des hommes en armes ralentis par des charrois. En plus Jorund a dormi toute la bataille, cueilli dès le début par le choc d’une masse. Il s’en veut car il aurait aimé combattre comme un ours, son animal fétiche et mourir avec ses frères. Il n’a qu’une pensée, un seul espoir, revoir Ragnar car il ne l’a pas trouvé au milieu des cadavres et des débris humains. Se lamenter, pleurer il n’en a pas le temps. En fin d’après-midi, il sent que ses ennemis ne sont pas loin, ses oreilles sont fines et il ressent les vibrations du sol. Alors il se dirige vers une crête rocheuse qui longe la piste Angle et d’où son regard pourra embrasser toute la lande. Au loin en bordure d’un marais, il aperçoit la troupe et les charrois. Il est encore trop éloigné pour distinguer les personnes mais il se rend compte qu’un campement a été choisi car les Oms n’avancent plus et commencent à s’organiser en cercle. Jorund décide de se rapprocher à portée de son. La Lune ne sera pas présente, il le sait. Cela sera un plus pour être discret mais une difficulté pour trouver un chemin dans le noir complet et le feu lui est interdit. Alors il reprend sa marche sans emprunter la piste Angle pour ne pas tomber sur des trainards ou des sentinelles embusquées. Hennissements de chevaux, éclats de voix assourdis, chocs de masses sur des pieux qu’on enfonce pour fixer les tentes. Voilà il est assez proche. Jorund s’enfonce profondément dans un hallier d’ajoncs. Ces arbustes épineux le dissimuleront et le protègeront bien mieux que n’importe quelle sentinelle. Maintenant il faut se restaurer et puis dormir. Dans quelques heures il devra agir et peut être retrouver Ragnar.
Deux oiseaux volent dans le ciel au-dessus de la campagne verdoyante. Le temps est gris, couvert, sombre mais rien ne peut éclipser la beauté du Monde. Le soleil n’est pas la seule chose qui peut magnifier un paysage. La brume fantomatique, la pluie qu’elle soit doux chagrin ou grande colère changent les perceptions qui n’ont de fait aucune valeur. La tristesse ou la joie que peuvent évoquer les visages de la terre émanent seulement de l’âme de celui qui les regarde. Les corbeaux s’élèvent parfois leurs ailes noires, leurs corps charbon disparaissent dans quelque pan laiteux de l’air saturé d’humidité. Toujours plus haut, ils réapparaissent et croassent de bonheur. Leurs cris résonnent et se répercutent en vagues comme une houle languide ou joyeuse à travers toute la lande. L’heure est venue du compte rendu car les Dieux n’ont pas toujours les yeux rivés sur Midgard et même le père de toutes les choses ne saurait tout voir. Hugin et Munin montent encore bientôt ils disparaitront. Leur mémoire est grande et ils devront la vider, la murmurer à l’oreille d’Odin. Dans peu de temps ils lui raconteront les Oms et tout ce qu’il n’a pas su discerner.
Au cœur de son repaire épineux Jorund bouge. Lentement il se réveille. Prestement il émerge du hallier. Là il s’assoit, tend l’oreille et regarde le ciel. Le bruissement d’un vent léger mais surtout des chevaux qui s’ébrouent non loin vont le guider vers le campement Angle car la nuit est aussi noire que le nuage d’encre d’une pieuvre. Avec douceur le lourd guerrier se met en route. Bientôt il aperçoit quelques foyers déclinant. Il décide d’entrer dans le camp par le parc des chevaux. Bientôt il se rend compte que la garde est molle voire inexistante. Trouvant son chemin en évitant soigneusement les regroupements humains il progresse vers le centre du camp. Si Ragnar est en vie. Il sera là dans ces tentes ou dans un des charrois qu’il aperçoit maintenant. Le silence est profond.
Dans sa tente un guerrier respire calmement. Dors Ceolwulf, dors, le chagrin est ton lot. Ton frère chéri n’est plus. Ton double, ton autre toi, ta seconde vie a disparu. Il ne t’en reste plus qu’une, il faut la chérir, la préserver.
- Bonjour Ceolwulf !
Le guerrier allongé ouvre les yeux, à côté de lui assis en tailleur et sans armure son frère Cenwulf est là, auprès de lui arborant un sourire chaud et réconfortant.
- Mon frère ! Mon frère ? Est-ce bien toi ?
- Qui veux-tu mon bon ? Qui veux-tu ?
Ceolwulf se redresse alors et enlace son jumeau, son double, son autre lui-même, sa seconde vie. La joie l’inonde. Le prenant par les épaules :
- Comment ? C’est miracle ! J’ai tenu ta tête dans mes mains, j’ai pleuré ta mort, enterré ton corps…
Ceolwulf s’aperçoit alors que son frère et lui baignent tous deux au cœur d'un brouillard dense dans lequel ils flottent sans appui. L’homme a bu dans le regard de Ragnar et il n’est pas prêt à toutes les magies. Une inquiétude sourde commence à monter en lui. L’ambiance qui semblait douce et propice change imperceptiblement autour des personnages. Les couleurs…la brume devient verte, brune et puis violette. Un violet profond. Des volutes passent devant les visages et, petit à petit les traits de Cenwulf se modifient, sa peau se fonce légèrement, elle aussi passe du vert, au brun pour finir au violet. Lentement le visage se déforme, se remodèle pour laisser la place à celui de Ragnar le roi serpent avec sa barbe blonde, son Ouroboros et sa pierre bleue en boucle d’oreilles. Cenwulf a disparu et Ceolwulf n’a pas bougé assistant à cette métamorphose horrible...troublé, englué, collé, cloué, soufflé…apeuré par le regard…sous emprise.
Lentement le viking se lève il est debout au milieu de la fumée violette. Dans sa main gauche une épée et dans la droite une pierre sur laquelle sont sculptés quatre harpons.
- Viens Ceolwulf ! Lève-toi et affronte moi. Regarde ton frère m’a prêté son épée. Tu ne veux pas le venger ?
Reprenant le dessus Ceolwulf empoigne un Labrys et un couteau à dépecer. Fièrement le lourd guerrier se lève et soudain sans prévenir en un cri sauvage de frustration incontrôlée il se précipite sur son ennemi.
Les dés sont jetés une fois encore. Dans des tentes, autour des feux agonisant des Oms dorment, bien caché un Om épie, dans une cage un Om attend !
Quand soudain un cri fait trembler le campement. Un cri lugubre, un cri rauque et profond, un cri primal et final à la fois !