Ash Wednesday
7.2
Ash Wednesday

Album de Elvis Perkins (2007)

Attention, le nom est trompeur. On n'a nullement affaire ici au fils spirituel, très premier degré, d'Elvis Presley et ­de Carl Perkins. L'ascen­dance d'Elvis Perkins n'en est pas moins chargée pour au­tant. Son père n'est autre que l'acteur Anthony Perkins (Norman Bates, dans le Psychose d'Hitchcock, pour toujours), mort du sida en 1992. Sa mère, la mannequin et photographe réputée Berry Berenson, faisait partie des passagers d'un des avions qui ont percuté les Twins Towers un certain 11 septembre. Que ­reste-t-il à faire pour un jeune homme aussi sérieusement ébranlé à l'entrée de sa vie adulte ? Prendre une guitare et chanter son désarroi afin d'exorciser ses démons. Une biographie aussi tragique est le garant d'un artiste bien torturé destiné à être célébré par une poignée de mélomanes nécrophiles. Mais c'est sans compter sur le talent d'auteur et de mélodiste d'Elvis Perkins dont l'attrait ne se limite pas à sa triste histoire. Si la perte de repères et d'êtres chers et l'angoisse persistante qui en découle nourrissent abondamment les textes d'Ash Wednesday (Mercredi de cendres, en référence au mercredi noir qui fit suite­ au mardi 11, un jour qui se prolonge à l'infini pour l'infortuné Elvis), son disque n'a rien d'une longue et déprimante oraison funèbre. Sur les meilleurs titres, par sa fausse indolence qui prend aux tripes, Perkins évoque un irrésistible croisement, sur fond de folk-pop, entre Townes Van Zandt et Thom Yorke. Un chant volon­taire et vulnérable qui envoûte comme jadis les toutes premières complaintes de Leonard Cohen. Toutes les chansons n'atteignent pas au sublime de While you were sleeping et d'All the night without love (on comprendra qu'Elvis a le sommeil pour le moins troublé) qui ouvrent l'album et on regrette que le presque enjoué May Day ! (A L'aide !) vienne inutilement casser l'ambiance. Mais Ash Wednesday, le morceau, ou The Night and the Liquor démontrent que Perkins n'est pas l'homme d'une seule chanson. Et que la musique, loin d'être un exutoire morbide, lui sert de thérapie. Dont on suivra attentivement les progrès. Hugo Cassavetti


Elvis Perkins est le fils d'Anthony du même nom ? Norman Bates, Psychose, le couteau et la douche, l'inoubliable couii couii couii , c'est lui. Elvis Perkins a donc assez mal terminé le XXe siècle : son papa est mort des suites du sida en 1992. Il avait alors 26 ans. Elvis Perkins est le fils de son père, il est aussi fort logiquement celui de sa mère, la photographe Berry Berenson. Rentrant de vacances en Floride, Berry Berenson se trouvait dans le vol 11 d'American Airlines, le 11 septembre 2001. Celui qui, à 8 h 46, fut projeté sur la tour nord du World Trade Center. Elvis Perkins a donc encore plus mal commencé le XXIe siècle qu'il n'a achevé le précédent. Imaginez, compatissez : le jeune homme n'a pu échapper au spectacle abominable, télévisé, et répété ad nauseam, de sa maman en train de mourir.Evidemment, on s'attendait à une interview poignante, à un échange déchirant ; saisi par la beauté de son album, au courant de la noirceur presque surnaturelle de son passé familial, prêt pour les torrents de larmes, on s'imaginait prendre dans nos bras le chétif Elvis. Raté. Pour les larmes, on repassera. Car le très beau jeune homme, archétype de l'éternel étudiant, lunettes johnlennoniennes vissées sur un visage poupon, refuse de se livrer. Les indices, aveux et traces de cette marque de vie au fer rouge sang, il faudra donc les chercher dans Ash Wednesday, premier album de l'Américain. Sans indécence, sans voyeurisme, il faudra les chercher car ils existent forcément. Mais les choses ne sont pas simples. Ce serait trop facile, ce ne serait pas aussi splendide. On trouve bien sur le morceau-titre quelques phrases à la limpidité saisissante ? Personne ne survivra (?) Aucun soldat, aucun amant. Aucune mère, aucun père. Pas un enfant solitaire.?Mais Elvis n'est pas une pleureuse, pas l'exploiteur cynique de ses propres fléaux. Elvis veut même sans doute s'en échapper. Musicalement, l'impressionnant Ash Wednesday est ainsi un objet plutôt complexe, plongé dans les eaux troubles et les belles ambiguïtés. Entre tradition terrienne et visées aériennes, intense et arrangé avec élégance, il lie l'aridité d'une americana immémoriale (la plainte ardente It's Only Me) au rimmel plus romantique d'un Rufus Wainwright (l'excellente May Day). Il fait le passionnant précipité d'un folk dénudé ou tordu et d'intenses brillances pop. Il est à la fois la contemplation triste du vide total et le dessin gracieux de mélodies pleines et éternelles (l'ouverture While You Were Sleeping et son finale dresseur de poils). On y grimpe des collines sèches avant de traverser de grandes plaines humides, on accélère l'été tout en se méfiant des grands frimas.(Inrocks)
Elvis Perkins a trente-deux ans et porte pour la première fois ses chansons à nos oreilles, mais sa vie est déjà un roman, du pain béni pour journaliste. Car s’il doit probablement son prénom à l’histoire du rock, son nom le rattache à l’histoire du cinéma : son père est l’acteur Anthony Perkins, qui incarna au-delà du raisonnable le psychopathe maboul Norman Bates, traumatisant des générations de cinéphiles plongées dans la Psychose d’Alfred Hitchcock. Elvis perd son père en 1992, et sa mère, la photographe Berry Berenson, le 11 septembre 2001, alors que l’avion de celle-ci est précipité dans l’une des Twin Towers. Composées avant et après ce jour funeste, présentées ici dans leur ordre d’écriture, les chansons de Ash Wednesday ne sont pas pour autant des tombereaux de douleur et de tristesse. Il y a de la gravité dans ce folk profondément personnel, mais point de solennité autocentrée. Et autant le formuler clairement : on rencontre rarement des disques de cette trempe, des compositeurs accomplis si tôt dans leur vie, flanqués d’une personnalité aussi originale et dense. Construites sur les fondations d’un folk un peu rustre (guitare acoustique, contrebasse, batterie sèche), ses chansons se chargent souvent d’une nette pointe de sophistication, par leur écriture ou leur instrumentation. While You Were Sleeping prend ainsi son temps pour conduire cuivres et cordes à bon port. Ou comment un morceau folk classique se termine en procession sudiste. Moon Woman II joue sur le velours d’arrangements de piano et violons frissonnants. Sleep Sandwich a l’élégance du jazz chanté des années 50, nimbée d’un romantisme légèrement suranné. Un accordéon et quelques mots français évoquent Cocteau sur la sublime Emile’s Vietnam In The Sky. Mais plus encore que l’exceptionnel niveau de ces compositions et de leurs arrangements, c’est la voix d’Elvis Perkins qui l’impose comme une révélation majeure. Parfois dense ou fragile ou agile ou indolente, elle est une présence fantastique. Sur la chanson Ash Wednesday, elle se transforme en un puissant et magnifique feulement soul. Un grand chanteur est né. (Magic)
Elvis Perkins n'est pas le fils caché d'Elvis Presley et de Carl Perkins, mais il n'est pas pour autant le rejeton de complets inconnus. Son père était l'acteur Anthony Perkins ("Psychose", "Le Procès"…) et sa mère, la photographe de mode et actrice Berry Berenson, elle-même sœur de Marisa et petite-fille de la grande couturière italienne Elsa Schiaparelli, liée aux surréalistes. Quand on sait que papa est mort des suites du sida (après avoir caché toute sa vie son homosexualité) et que maman a disparu dans le deuxième avion qui s'est écrasé sur le World Trade Center, on aurait pu s'attendre à ce que le premier album de leur rejeton ressemble à une douloureuse catharsis. Ce n'est pas vraiment le cas. Notre jeune trentenaire a sans doute des tourments - comme presque tout auteur de chansons, après tout, quelle que soit son histoire familiale -, mais au gris ou au noir de l'auto-apitoiement, il préfère les couleurs franches d'une trompette conquérante, d'un violon tsigane ou d'un "singalong" légèrement éméché (respectivement sur les premier, deuxième et troisième morceaux, mais on retrouve en fait ces ingrédients mêlés tout au long de l'album). Malgré son titre ("Le mercredi des Cendres"), "Ash Wednesday" est un disque qui respire et célèbre la vie, comme ceux de Bright Eyes et Rufus Wainwright, possibles références parmi tant d'autres. La vie avec sa joie et ses peines, ses espoirs et ses trous noirs, que Perkins chante d'une voix aiguë, vibrante et un peu traînante, bien épaulé par son groupe Dearland. A la base, Elvis fait du folk, voix en avant, guitare acoustique à cordes frottées, percussions minimales derrière, mais il sait habiller cette matière simple de mille nuances, comme il sait nourrir ses textes de détails à l'instar des meilleurs novellistes, même si l'on reste au final plus proche d'une écriture poétique. D'ailleurs, les plus beaux morceaux du disque sont sans doute ceux où il pousse le plus loin sa science des arrangements périlleux ("Moon Woman II" "Sleep Sandwich"), sans jamais tomber dans l'emphase qui guette un surdoué comme Rufus Wainwright, justement. "Ash Wednesday" n'a donc rien d'un pénible recueil de confessions pauvrement mises en musique, et tout d'un premier essai remarquablement abouti, qui pourrait bien faire de son auteur le troisième grand Elvis de la musique populaire.(Popnews)
Il ne fait aucun doute qu'être le fils d'Anthony Perkins, acteur marquant et marqué du "Psychose" d'Hithchcock, décédé du SIDA, et d'une photographe morte dans un "crash" aérien à New York un certain 11 septembre 2001 marque un destin. Néanmoins il n'a encore jamais été prouvé que cela suffise à produire de grands musiciens ou songwriters.Le fait que ce premier album soit publié sur XL-recordings, label d'habitude pas réputé pour faire de mauvais choix est en soi déjà plus convaincant à cet égard. Et il ne faut pas longtemps pour savoir à quoi on a à faire, car Elvis Perkins a choisi de se livrer sous le biais le plus simple qui soit, avec sa voix et une guitare. Une voix qui se révèle d'emblée attachante : à la fois juvénile et avec un léger grain, un peu traînante sans être fatigante, elle rappelle par moments le jeune Dylan. Il y a les chansons bien sûr, qui vont très vite balayer tous les doutes : dans les plus classiques - ce qui ne veut pas dire banales, on trouvera des mélodies radieuses et émouvantes (It's Only Me, Sleep Sandwich), un dépouillement de bon aloi (Good Friday, It's A Sad World After All).Mais Elvis Perkins sait aussi s'entourer et parer d'atours enjôleurs sa musique, un peu à la manière d'un Sufjan Stevens, même si on se gardera de faire des comparaisons à l'emporte-pièce. On notera ainsi les choeurs sur May Day !, titre qui n'est pas là pour engendrer la mélancolie, et plus encore la splendide structure ascensionnelle d'un morceau comme While You Were Sleeping, qui débute modestement et se termine de manière élégiaque avec violons et cuivres, ou encore le violon jazzy de All The Night Without Love. Un univers bigarré, délicat et inspiré qui s'articule autour  du morceau titre, splendide pierre angulaire où le chant se déploie, porte l'émotion très haut sans virer dans le mélodramatique, risque majeur qui guettait cet album.On sort donc de ce "Ash Wednesday" avec beaucoup de certitudes : celle de tenir LA révélation de cette première moitié d'année d'abord, et de très loin. Celle aussi qu'une voix et une guitare sont d'intarissables sources de grâce et d'émotion entre les mains de tels orfèvres. Celle enfin que peu d'albums nous offriront un bouquet de chansons de cette trempe-là cette année. (indiepoprock)
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le 27 févr. 2022

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