Justin Vernon a récolté de très belles critiques pour son brillant "For Emma, Forever Ago". Et si celui qui se cache derrière le pseudo de Bon Iver aurait pu se contenter de reproduire la formule de son album, il a eu le courage de s'en écarter. En seize minutes et quatre morceaux, il prouve qu'il a envie d'expérimenter autre chose. On y retrouve certes ces atmosphères entre chien et loup, mais les chemins ne sont plus balisés comme avant. "Blood Bank" glisse discrètement quelques touches d'électricité, avant que "Beach Baby" renoue avec un certain esthétisme folk boisé, mais toujours teinté de cette spiritualité latente, qui s'exprime au travers du timbre de voix de Justin Vernon. Les innovations prennent majoritairement place sur les deux derniers morceaux. "Woods" se construit sur des couches de voix superposées, comme une sorte de gospel où l'artiste se serait multiplié, le tout complètement ou presque a capella. "Babys" explore quant à lui des territoires que Justin Vernon ne nous avait pas fait visiter sur son précédent disque, avec cette boucle de piano entêtante sur une trame sonore presque désertique, qui débouche sur ce mélange entre recueillement et folk fervent qu'aime tant le musicien, avant de se refermer sur elle-même. Bon Iver n'a pas eu besoin de se faire plaquer pour réussir un EP de grande qualité : si on en est content pour lui, le plaisir égoïste de retrouver un grand artiste prédomine néanmoins.(Popnews)
Il y a ceux qui ont reçu de plein fouet la claque à l’écoute de « For Emma, Forever Ago » en 2008 à sa sortie, et les autres qui ont laissé se tasser l’engouement soudain mais mérité, et qui, même peut-être une année après, ont enfin saisi l’ampleur de l’album. La conséquence est la même, on ne s’en est jamais remis. Comment est-ce possible qu’un gars paumé nous bouleverse autant, du fin fond de sa cabane du Wisconsin ? Est-ce que cela veut dire que nous, auditeurs fatigués des grandes villes industrielles, grisâtres et stressées, sommes encore capables de vibrer à l’écoute de ces chants d’une pureté cristalline, conçues avec humilité par un musicien en pleine dépression ? Apparemment oui et ça rassure. Justin Vernon revient donc cette année avec un EP, encore sous la panoplie Bon Iver, pour nous gratifier de quatre titres supplémentaires, une sorte de cerise sur le gâteau pour nous remercier de notre amour. Ces morceaux ont été enregistrés entre décembre 2006 et janvier 2007, donc au même moment que « For Emma, Forever Ago ». Notre folkeux préféré a branché ses amplis dans la neige épaisse, et sa ballade, Blood Bank, en guitare électrique, nous touche en plein cœur. Sa voix, encore chargée de chagrin et de douleur, habite ces chansons en forme d’exutoire. Ses ressentiments sont à vif, il n’a pas encore trouvé l’apaisement, et cette tension palpable traverse de long en large le morceau. Le dépouillement dans lequel évoluent ces chansons permet d’en saisir l’essentiel, comme sur Beach Baby, ou la guitare sèche, fidèle acolyte de Bon Iver, invite une slide guitar à la communion. La note de piano lancinante et répétitive sur Babys fait office de corps étranger dans l’univers de Bon Iver, signe peut-être que Justin Vernon a déjà la tête ailleurs. Un autre signe de cette évolution est l’utilisation du vocoder sur Woods. Ce qui à prime abord peut paraître étrange et déplacé prend petit à petit sa place dans une démultiplication de la voix de Justin Vernon, pour un office a capella du plus bel effet. Et c’est là que l’on se rend compte que l’Américain est doté d’un organe capable des plus belles volutes soul. Sa voix devient un instrument à part entière. Etrange constat que cet EP, comme l’annonce d’une nouvelle ère, plus expérimentale pour ce songwriter insaisissable. Une très belle prémisse, dont le projet qui suivra, Volcano Choir, n’en est que l’aboutissement, mais cela est une autre histoire.(indiepoprock)