Casino
7.5
Casino

Album de Arman Méliès (2008)

Trouver n’est rien. Le difficile est de s’ajouter ce qu’on trouve”, écrit Paul Valéry dans Monsieur Teste. Cette réflexion trace forcément son chemin dans l’esprit des musiciens qui, après des années de tâtonnement, voire d’égarement, se dotent enfin d’un langage pleinement formé, délesté de l’influence de leurs modèles et du poids de leur naïveté : pour eux, la recherche ne fait que commencer. Car, comme l’ajoute Valéry, il faut encore du temps “pour mûrir ses inventions et pour en faire ses instincts”.C’est ce travail qu’Arman Méliès accomplit dans les chansons de son troisième album, Casino.Avec Les Tortures volontaires, sorti il y a deux ans, le Français était parvenu à l’âge adulte : sa chanson lyrique et désenchantée s’était enfin affranchie des maîtres à l’ombre desquels elle avait grandi – Dominique A, Bashung, le folk-rock américain… Pour la première fois, Méliès était dans ses murs : encore fallait-il qu’il n’y moisisse pas, qu’il résiste à la tentation de végéter, d’enfiler ses pantoufles et de somnoler au coin du feu. Casino ne bouleverse pas son intérieur, mais il en redimensionne les proportions : de cocon, sa musique, aujourd’hui plus spacieuse et ornée par endroits de parures de cordes et de cuivres, est devenue palais.Un choix assez risqué, qui pouvait transformer son bel artisanat en art bourgeois, décoratif et pétrifié. Il n’en est rien, car Méliès sculpte sa matière sonore et poétique avec le désir inlassable d’en révéler les reliefs aigus et les fêlures profondes. Ses harmonies mineures, dont le tranchant et l’éclat évoquent parfois Morricone (Mille fois par jour, Belem, Sur ta peau), donnent une tonalité névralgique inédite à la popsong à la française, tandis que ses phrases elliptiques creusent de nouvelles lignes de faille dans le paysage de la chanson sentimentale (Papier carbone, Diva ou Amoureux solitaires, relecture ombrageuse et solennelle de la ritournelle d’Elli & Jacno). Par petites touches, qui produisent de grands effets, Arman Méliès relève ainsi le défi qui s’offrait à lui : avec Casino, il parvient non seulement à cultiver sa singularité, mais aussi à la rendre plus fertile encore.(Inrocks)
"Les Tortures volontaires", l'album précédent d'Arman Méliès, était un disque marquant, avec ses paroles précieuses déposées au compte-gouttes sur des mélodies épiques, enflammées, embrumées… Alors, à la première écoute de "Casino", on est un peu surpris d'y trouver dix chansons plutôt formatées, de 3-4 minutes pour la plupart. Surpris également de voir à quel point la voix du chanteur a pris de l'assurance. Surpris, mais assez intrigué pour remettre le disque dans la platine et le réécouter jusqu'à ce qu'il livre ses secrets. Car malgré des apparences plus banales, "Casino" se démarque de façon radicale des disques de la production française, en évacuant presque totalement les références traditionnelles du genre. Musicalement en effet, les morceaux, bien que plus courts, parviennent à garder un lyrisme et une mélancolie caractéristiques des titres d'Arman Méliès, qualités dont les sources sont visiblement plus à aller chercher chez Talk Talk, Jeff Buckley ou Nick Drake que chez Jacques Brel. Les mélodies sont au rendez-vous sur l'ensemble de l'album (avec des mentions spéciales à "Belem", "Au dehors" et "Papier carbone") et Arman Méliès enrichit encore ses arrangements habituels (guitares aux vibratos profonds ou en arpèges cristallins, synthés millésimés) en y ajoutant de très belles parties cordes et cuivres et en mettant plus en avant une batterie inventive et pertinente. Il se permet aussi de durcir un peu le ton sur des titres comme "En nous la vie" ou sur les quelques courts intermèdes musicaux. Côté textes, Arman Méliès, un peu plus prolixe, continue de bâtir des univers hors du temps, légèrement surannés mais toujours d'une grande élégance ("Ton rimmel / te dessine / sur les joues des signes / que je ne comprends pas") ; des textes emprunts de pessimisme et dont les fulgurances font mouche ("dans les eaux laiteuses / du Tage / je nous vois"). Et au fil des écoutes, on glane ces petits riens qui font de "Casino", ce disque de "rock sophistiqué" (pour reprendre l'expression de Christophe sur "Les Paradis perdus"), un album vraiment attachant.(Popnews)


Classifier la discographie d'Arman Méliès dans la case 'Nouvelle Chanson Française' serait une grossière erreur, puisque ce genre musical est trop fréquemment apparenté à la 'grande famille' que constituent les Bénabar & Co. Arman Méliès ne s’inscrit en aucun cas dans cette lignée. Certes, il chante en français, mais il se rapproche bien plus de l'univers de Dominique A, d’Autour de Lucie, voire d'Alain Bashung."Casino", le troisième album d'Arman Méliès reste dans la continuité de ses deux premiers opus, "Néons Blancs et Asphaltine" (2004) et "Les Tortures Volontaires"(2005). On y retrouve son univers singulier, teinté de douce mélancolie, de poésie et d'atmosphères envoûtantes sur lesquelles flottent des textes toujours très soignés. Le morceau d’ouverture, Casino - très 'biolayesque' (période "Rose Kennedy") dans les arrangements de cordes - est délicieusement accrocheur et promet un album particulièrement alléchant. Effectivement, l’écoute d’une seule traite se fait naturellement, tant ces chansons oniriques embarquent doucement l’auditeur et l’incitent à construire son propre film. Toujours sur un mode mineur, Arman Méliès dévoile 10 tableaux, 10 scénettes qui envoûtent paisiblement et illustrent ses talents d’auteur-compositeur-interprète. On ressent dans l’écriture de Méliès beaucoup de finesse et d’élégance: les arrangements sont raffinés, les mots glissent à merveille sur la musique, le spleen omniprésent ne tombe jamais le 'mielleux' ; tout est parfaitement à sa place, sans trop d’artifices ou de fioritures; ou à l’inverse, sans trop de dépouillement. Ainsi, Casino regorge de moments gracieux : à commencer par l’inattendue reprise d’Amoureux Solitaires, les cordes de Belem, Sur Ta Peau (qui pourrait lointainement faire penser à du Blonde Redhead), le magnétique Papier Carbone; sans oublier Diva, qui referme l’album, s’étire sur plus de dix minutes en se transformant en une hypnotique plage électronique instrumentale.

Cet album ravira à la fois les mélomanes qui suivent la carrière d’Arman Méliès et les amateurs de textures et d’atmosphères mélancoliques. Au sein de la pop française, cet artiste évolue à part ; son univers si habilement 'mis en scène' et ses talents de songwriter qui se conjuguent dans sa langue maternelle en font une figure incontournable. Espérons que ce troisième album lui permettra de développer sa notoriété, car Arman Méliès a été jusqu’ici trop peu médiatisé. Une injustice que ces récentes collaborations avec Alain Bashung (l’enregistrement d’un duo mais surtout l’écriture de deux morceaux figurant sur "Bleu Pétrole") devraient idéalement réparer. (indiepoprock)

bisca
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le 10 avr. 2022

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