These New Puritans aura mis du temps avant de sortir son petit dernier et en tant qu'amoureux de leur musique depuis plus de dix ans maintenant, autant dire que je l'ai attendu avec impatience. À l'heure où j'écris ces lignes, j'en suis à ma deuxième écoute. Mon avis pourrait donc évoluer avec le temps. Mais voici pour le moment ce que j'en pense.
Déjà, bref retour en arrière. Quel chemin parcouru ! Depuis les sympathiques Beat Pyramid et Hidden, albums créatifs, énergiques, uniques mais néanmoins encore un peu trop adolescents, nous sommes passés par le sublime, incroyable chef d'oeuvre de maturité Field of Reeds, sorte d'ovni introspectif, à la tonalité incertaine et aux morceaux à la structure et rythmique alambiquées et aux mélodies déclamées comme des prières avant d'arriver à Inside the Rose album plus accessible mais riche de morceaux d'une grande sensualité, plus sexy, moins intellectuels.
Crooked Wing lui est un album des contrastes. La rythmique puissante un peu industrielle des premiers albums de TNPs est présente brièvement en particulier dans A Season in Hell mais le tout baigne dans une ambiance éthérée qui n'est pas sans rappeler Field of Reeds. Cet album sent la boue, la machine, les flammes de l'industrie comme on peut le voir dans les clips des morceaux singles. Mais cet univers tutoie le sacré, l'indicible, mais aussi le bucolique. À de nombreux moments lors de l'écoute de cet album, des images me sont venues en tête. Je voyais un paysan, un ouvrier, outil de l'appareil de production, seul, suant, marchant dans un terrain boueux lever les yeux au ciel et dialoguer avec des voix angéliques par delà le firmament.
Certainement, l'écoute de l'orgue a appuyé chez moi ce côté sacré. Et là-dessus je dois souligner l'un des points forts de cet album. L'orgue est présent un peu partout mais toujours utilisé à bon escient. Souvent, l'utilisation de l'orgue par les artistes pop, rock, indé, metal, bref par les musiques "non savantes" tourne à la catastrophe. J'ai nombre de mauvais souvenirs liés à cet instrument chez, par exemple, Arcade Fire et son kitshissime morceau Intervention de l'album Neon Bible. Et je ne parlerai pas de ce qu'en font les groupes de metal symphonique, c'est pire... Et oui, n'est pas Widor ou Cochereau qui veut...
Non, ici on est plus proche de ce que fait par exemple Anna Von Hausswolf sur ses derniers albums. L'orgue est utilisé comme une toile de fond. Il peut se faire puissant mais avec toujours cette retenue, ce goût indéniable qui fait que les frères Barnett n'en font jamais trop, ne se la jouent pas organistes classiques ou n'en font jamais une sorte de cliché gothique.
On trouve aussi des sonorités étranges, des expérimentations rythmiques comme Bells , ces arrangements de voix réussis à l'image du pont du morceau Wild Fields, tellement pur et beau et ces petits passages ingénieux à la guitare basse comme dans Industrial Love Song.
Pourtant, j'ai le sentiment qu'il manque quelque chose à cet album. il n'atteint pas les sommets de créativité et d'originalité de Field of Reeds ni les sensations de Inside the Rose en particulier dans sa deuxième moitié que je trouve plus froide et mécanique sans être vraiment mauvaise. Les mélodies chantées par Jack Barnett sont parfois un peu trop plates dans les deux titres de fin Crooked Wing et Goodnight.
Un album agréable sans être indispensable d'un groupe qui continue son passionnant petit chemin.
Edit 14 juin 2025 : Après plusieurs écoutes, le titre de fin "Goodbye" m'apparaît meilleur aujourd'hui. Ma note reste la même mais un 7 ressenti comme un 7.5.