Et si on parlait musique maintenant ? Oh, vous êtes sûrement déjà au courant de tout ce qui s’est tramé derrière ce projet mené par Brian Burton, alias Danger Mouse, et Mark Linkous, le leader fêlé de Sparklehorse. De ce casting mirifique de vocalistes qui s’y succèdent et des cinquante-trois clichés surnaturels qui l’ornementent, tous imaginés par le maître interlope David Lynch. De cette bisbille contractuelle qui rend impossible la distribution des morceaux via EMI. Un Cd vierge qui accompagne le recueil de photographies, histoire de braver l’interdiction. Tout ça, on le sait déjà. On a même tellement été tenu au jus que le tapage rocambolesque a failli nous faire passer à côté de l’essentiel : Dark Night Of The Soul est une foutue machine à accomplir les fantasmes. La deuxième réussite d’un tandem qui avait déjà fait jaillir l’étincelle sur Dreamt For Light Years In The Belly Of A Mountain (2006), le quatrième essai de Sparklehorse qui scella l’union entre Mark Linkous et Brian Burton. Au passage, les abrutis qui médirent sur cet album en arguant qu’ils avaient déjà entendu un ou deux titres sur des bandes originales sino-coréennes devraient le réécouter fissa avec du recul et une oreille dépêtrée de snobisme au rabais… Bref, à l’époque, la doublette dépareillée avait émis le souhait d’une collaboration plus poussée, que ce projet total vient concrétiser avec panache. Sur le papier, on redoutait une succession de fumisteries paresseusement feulées par des invités se contentant de faire résonner leur prestige à vide. À l’épreuve du feu, les treize compositions dépêchées par Danger Mouse et Sparklehorse s’élèvent vers de hauts monts de bizarrerie pop, que les vocalises et les textes de leurs hôtes viennent à chaque fois investir d’un monde d’intensité. C’est Wayne Coyne qui ouvre ce bal de l’étrange en faisant retentir son timbre spectral sur la ritournelle en cloche Revenge. Premier fantasme réalisé : les instrumentations spatiales des Flaming Lips qui expédient en apesanteur la lancinante mélancolie de Sparklehorse. “The morning hurts me”, chante avec une terrible splendeur le chanteur de l’Oklahoma, qui inaugure là un canevas dramatique qui ne cessera d’enserrer chaque note et chaque parole. Gruff Rhys, le meneur de Super Furry Animals, scande ensuite Just War, la mélodie étalon qui débute par une diversion. Quarante secondes où l’on pince des cordes en tergiversant, comme s’il fallait se convaincre du songe musical qui allait suivre. Un clavier qui bute et des accords qui foisonnent, un vrombissement électronique qui surgit comme l’intrus essentiel, une rythmique étrange qui fait claquer sa discrétion avant de propulser un refrain où l’émotion tourbillonne autour de mille et un effets orchestraux vrillés de l’intérieur. L’une des plus belles créations imaginées par les neurones asticotés de Mark Linkous. Puis Jason Lytle pousse la chansonnette Jaykub dans des orties de tendresse meurtrie, éclaboussée qu’elle est par une batterie jouée en eau boueuse. Deuxième fantasme réalisé : la pop solaire de Grandaddy voilée par la tortueuse malice sonore de Sparklehorse. Après ces trois premières salves imprégnées de l’aura détraquée du songwriter à cheval, Julian Casablancas fait trépigner son phrasé nonchalant sur Little Girl, une accélération décuplée par le savoir-faire rythmique de Danger Mouse. Le début réussi d’un triptyque électrique qui marque le pas avec la ruade massive Angel’s Harp, où Black Francis exorcise avec lourdeur les démons grunge qui peuplent l’esprit de Linkous. Iggy Pop ne fait pas mieux sur Pain, qui va aussi vite que Little Girl sans se départir de la balourdise d’Angel’s Harp. Heureusement, David Lynch instille à nouveau une perversion délicate dans ce monde de brute à œillères avec Star Eyes (I Can’t Catch It), une scie évanescente cernée de clochettes que des violons honorent de toute leur majesté. À peine guidé par un piano en plein malaise grésillant, le réalisateur réapparaîtra en fin de parcours pour déblatérer des enfers un blues dont l’inquiétante solennité aura déjà été éventée peu avant par le timbre ridé de Vic Chesnutt sur l’air funèbre Grim Augury. Entre-temps, deux nouveaux fantasmes ont pris corps. Le premier grâce à la sorcellerie ailée d’une Insane Lullaby. Où, les yeux écarquillés, on contemple James Mercer immerger la candeur de The Shins dans un océan de troubles mécaniques qui, aussi distordus soient-ils, ne parviennent pas annihiler une mélodie magistrale encore soutenue par une orchestration divine et autant de trouvailles déviantes. Le second lorsque, huit ans après sa sortie, le tracklisting de It’s A Wonderful Life s’augmente de deux nouveaux morceaux grâce aux chants successifs de Nina Persson et Suzanne Vega, qui purifient tour à tour les envolées folk Daddy’s Gone et The Man Who Played God. S’il n’y avait pas autant de monde au balcon, on pourrait d’ailleurs facilement considérer Dark Night Of The Soul comme le cinquième effort de Sparklehorse. Sauf que, nonobstant l’apparente discrétion de Danger Mouse, la puissance expressive du projet et sa capacité à incendier l’imagination tel un conte malade sont trop prégnantes pour le réduire ainsi. On se dira pour finir qu’en 1969, le contenu de cet album serait resté connu de ses seuls concepteurs. Comme une œuvre vierge et maudite qui se fantasme au fil des décennies, à défaut de se laisser pénétrer. En 2009, une simple recherche sur Google et le disque s’offre à vous comme la dernière des traînées. Pourvu de ces multiples dimensions (musicale, visuelle, onirique, technologique), Dark Night Of The Soul est autant une turbine à fantasmes que le stigmate magnifique d’une industrie et d’une époque en pleine déliquescence. (MAGIC)


Au mois de mars dernier, dans les coulisses du gigantesque festival américain South By Southwest, l’événement qui émoustillait le plus les journalistes n’était pas un groupe ou un chanteur mais une simple affiche. Placardé stratégiquement dans les salles de presses, ce teaser habilement orchestré déclinait un nombre d’atouts considérables pour aimanter tous les regards. 

D’abord son titre, Dark Night of The Soul, écrit en lettres d’or sur une image digne d’un flash perforant la nuit dans Inland Empire. Et pour cause : l’image en question était signée David Lynch. Un prochain film ? Une future installation sensorielle ? Une conférence sur la méditation transcendantale ? La suite du générique ressemblait à une dream team cinq étoiles du folk et du rock indé américain, chaperonné par un producteur, Danger Mouse, au palmarès long comme le Golden Gate, et par un immense songwriter, Mark Linkous (Sparklehorse). Ce mariage impensable entre une souris et un cheval a accouché d’une montagne, laquelle renvoie l’écho polyphonique des voix de Wayne Coyne (Flaming Lips), Guff Rhys (Super Furry Animals), Jason Lytle (ex-Grandaddy), Julian Casablancas (The Strokes), James Mercer (The Shins) et aussi Iggy Pop, Black Francis, Nina Persson, Suzanne Vega et Vic Chesnutt. Quelques semaines après cette première mise en bouche, le 1er avril, la naissance de ce gros poisson fut officialisée par un communiqué destiné à embraser la blogosphère. Et dans la foulée, la musique elle-même apparaissait comme par magie sur différentes officines non légales qui s’en était procuré les fichiers sous le manteau, avec tellement d’ostentation qu’on pouvait légitimement flairer le coup publicitaire. Des doutes vites étayés par Danger Mouse en personne, qui révélait que cet album choral faisait l’objet d’une bataille juridique entre lui-même et son meilleur ennemi : le label EMI. Refusant de publier Dark Night of the Soul, qui contient de nombreux samples non déclarés en douane, la maison de disque laissait alors filer son poulain (Sparklehorse) et sa souris (Danger Mouse est l’un des marionnettistes de Gorillaz et l’une des ombres de The Good The Bad & The Queen, deux projets encartés EMI). Anticipant ce qui sera bientôt le quotidien de tout musicien, sommé d’inventer de nouvelles formes de circulation et de mise en scène de la musique, Danger Mouse proposait donc la formule suivante : l’achat dans le commerce d’un luxueux livre écrin, contenant les photos signées David Lynch, accompagné d’un CDR pour graver l’album récupéré gratuitement sur Internet. Un deal équitable, gagnant-gagnant, qui rappelle en moins tapageur la jurisprudence instaurée par Radiohead avec In Rainbow. Toute cette affaire, qui fait depuis des semaines les gorges chaudes de centaines de forums à travers le monde, n’aurait jamais connu un tel retentissement sans son magnifique déclencheur. L’artificier de Gorillaz et Gnarls Barkley a peut-être trouvé en l’étincelant Linkous cet idéal partenaire d’embrasement, leur association ayant déjà démontré sa puissance de feu il y a trois ans, sur le dernier album en date de Sparklehorse, Dreamt For Light Years in the Belly of a Mountain. La différence ici, c’est la mise au même niveau des deux hommes, qui manipulent ensemble les ficelles de ce théâtre d’invités dont les voix sont à la fois identifiables et légèrement parasitées par celle de Linkous, qui les double souvent en arrière-plan, comme un filigrane qui s’étend sur tout le disque pour éviter une trop grande dispersion. Dès Revenge qui ouvre le bal avec la voix pourtant très typée de Wayne Coyne, on reconnaît la griffe inimitable de l’écriture de Mark Linkous, sa façon de construire la mélodie à tâtons, l’irrépressible force émotionnelle qu’il parvient à insuffler derrière chaque accord. La mise en scène de Danger Mouse est elle aussi remarquable, jouant plus volontiers sur des nuances subtiles que sur de lourds aplats. Gruff Rhys, Jason Lytle et James Mercer se partagent à distance un même ticket pour une série d’envols célestes constellés d’étoiles synthétiques, alors que Frank Black et Iggy Pop préfèrent les chevauchées sauvages. On n’est pas mécontents de retrouver la voix canaille de Julian Casablancas sur Little Girl, véritable bijou de single, ou Nina Persson dans un registre proche du Fleetwood Mac patraque de Tusk. C’est à Vic Chestnutt, bras dessus bras dessous avec Linkous, que revient enfin la chanson titre, le hanté et très Lynchéen Dark Night of the Soul. Une expression inventée par Saint Jean de la Croix pour décrire le tourment de l’âme humaine et sa difficulté à atteindre Dieu. Ce disque peut assurément y aider, et gratuitement en plus. (INROCKS)


Si vous aviez décidé d’acheter l’album de Danger Mouse & Sparklehorse en pré-commande sur leur site, vous avez certainement reçu le livret de photos de David Lynch accompagné d’un superbe CD…vierge, à utiliser comme bon vous semble, la faute à un vilain différent entre les artistes et EMI. Alors super-projet ou super-fiasco ? S’il faudra attendre un peu pour avoir entre les mains le support physique de ce Dark Night of The Soul, on peut d’ores et déjà savourer les 13 titres en streaming sur le site de NPR et avec un minimum de recherche trouver une utilité au CD si généreusement offert. Dés les premières écoutes, on se rend compte à quel point ce différent entre les 2 songwriters et leur maison de disques est un véritable gâchis, car il vient ternir l’image et la promo d’un sublime album. Comme si la présence de Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz) et Mark Linkous (Sparklehorse) ne se suffisait pas à elle même, on retrouve sur les 13 pistes de cet album une partie de la crème indé essentiellement américaine (James Mercer, Julian Casablancas, Iggy Pop,  Black Francis, Jason Lytle…). La tonalité de début d’abum est plutôt psychédélique et soul, à l’image du petit bijou Revenge, en collaboration avec Wayne Coyne (The Flaming Lips). La patte de Sparklehorse se fait clairement sentir sur ce début d’album et notamment sur Just War (avec Gruff Rhys des Super Furry Animals). Après un intermède mené de main de maître par l’ex-Grandaddy Jason Lytle (Jaykub), l’album prend une tournure plus rock grâce à l’enchaînement Julian Casablancas/Black Francis/Iggy Pop. Si les titres des 2 vieilles gloires sont tout à fait respectables, ma préférence va clairement au Little Girl du leader des Strokes. La première moitié de ce “Dark Night of The Soul” s’achève par Star Eyes (I Can Catch It), un magnifique interlude de 3 minutes interprété par…David Lynch en personne !! La perfection mélodique de Mark Linkous est ici mise au service de guests aussi prestigieux que James Mercer (The Shins) sur la berceuse pop Insane Lullaby et Jason Lytle (encore lui) sur Everytime I’m With You. La seule petite déception vient des invités féminines (Nina Persson et Suzanne Vega), dont les titres, bien que dans le ton de l’album, souffrent de la comparaison par rapport à ceux de leurs collègues masculins.La fin de l’album est plus sombre avec Grain Augury et la voix torturée de Vic Chesnut ainsi que le retour de David Lynch au micro sur un Dark Night Of The Soul qui ne dépareillerait pas sur la B.O de “Twin Peaks”, “Mulholland Drive” ou “Lost Highway”, pour ne citer que quelques unes des œuvres de l’un des plus grands réalisateurs américains. Ce projet, qui avait pu passer pour un poisson d’avril lorsque l’on avait appris la nouvelle en avril dernier, s’avère au final une magnifique réussite et d’une grande cohérence pour un album collaboratif. L’une des perles de l’année 2009. (indiepoprock)
Le bruit d’une collaboration entre Sparklehorse et Dangermouse, producteur en vogue et à l’agenda totalement noirci par l’enchaînement incessant de projets, courait depuis que le premier ait fait appel au second pour son album “Dreamt For Light Years In The Belly Of a Mountain”. Dés lors les choses ont suivi leur cours et, bien que quelques informations aient filtré tardivement, Dark Night Of The Soul était déjà pressenti comme une des sorties de l’année 2009. Incontestablement. Il le sera, c’est certain, mais plus sur le fond que sur la forme, la faute à quelques imprévus juridiques l’empêchant d’être commercialisé, et qui auront donc totalement chamboulé les plans. Une mauvaise nouvelle qui en implique cependant une meilleure puisque l’album est désormais légalement offert au téléchargement partout sur la toile. Plus d’excuse donc pour s’en passer. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’un album totalement incontournable s’offre à la portée de tous. Evidemment, Dark Night Of The Soul tient toutes ses promesses. Et pour cause, Linkous s’est attelé à la composition de ballades pop aussi tristes qu’attendrissantes et toujours du meilleur goût, Dangermouse y a posé sa patte reconnaissable, et une vitrine de luxueux featurings sont venus y poser leur voix. Sans compter sur la contribution du réalisateur David Lynch, auteur de quelques photos inspirés par la musique, disponibles au sein du coffret (cf ci dessous), et qui poussent même jusqu’à chanter sur deux titres: l’excellent “Star Eyes” à la mélancolie divine comme aux finitions électroniques subtiles, et le glauque et poisseux titre éponyme qui clôt le disque. Tous deux, sans être les meilleurs moments du projet mais en réunissant aussi brillamment les mondes de la musique et du cinéma, auraient déjà suffi pour nous éviter toute déception.Le reste, duquel se distinguent plusieurs volets, n’est alors qu’étincelles. L’entame de ce Dark Night Of The Soul aligne quelques pépites pop comme rarement le genre en a servi: Jason Lytle (Grandaddy) se montre à l’apogée de son art sur “Jaykub”, Wayne Coyne (The Flaming Lips) illumine “Revenge” jusqu’à glisser délicatement sur ses cordes, et Gruff Rhys (Super Furry Animals) en fait de même sur un “Just War” au refrain empirique et indélébile. Le rock, un ton légèrement en dessous mais indispensable à la cohérence du tout, offre alors une parenthèse le temps des participations de Julian Casablancas des Strokes (”Little Girl”), Black Francis (”Angel’s Harp”) et Iggy Pop (”Pain”). Enfin, retour à une pop un brin psychédélique: Lytle remet le couvert (”Everytime I’m With You”), Linkous s’allie à Nina Persson des Cardigans (”Daddy’s Gone”), Suzanne Vega use de ses charmes (”The Man Who Played God”), Vic Chesnutt installe son ambiance romantico-dramatique (”Grim Augury”), et James Mercer (The Shins) avance avec une facilité déconcertante sur “Insane Lullaby”, morceau le plus expérimental au titre finalement explicite, mais définitivement un des grands coups d’éclat du projet.De mémoire de (encore) jeune mélomane, rarement la musique n’avait offert tant de cohérence, tant de perfection continue au sein d’un même album, et surtout tant de grands noms pour venir définitivement imposer un disque au panthéon de la pop, sur lequel chaque contributeur se voit accorder le droit d’y graver son nom. Certes, remis dans son contexte, cette sortie perd indiscutablement de sa valeur. Mais, quoi qu’il arrive, pour tout cela, on s’en souviendra. (Mowno)
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le 27 févr. 2022

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