Ceci n'est pas de la musique, mais une machine qui explore le temps, remonte le passé et annonce le futur. Un disque comme celui-là rend obsolètes des rayonnages entiers de discothèques qui, il y a quelques semaines encore, paradaient en se croyant indispensables à nos vies. D'emblée, Desperate Youth, Blood Thirsty Babes prend ses racines dans les héritages croisés de quelques albums fondamentaux, mais parvient aisément à s'en démarquer, à dépasser ces influences, en imposant un son singulier, brut, massif et charnu, mais aussi très délicatement et méticuleusement construit, qui, dans le paysage bigarré du rock en 2004, sonne étrangement neuf et futuriste. Souvent, Desperate Youth, Blood Thirsty Babes transmet à son auditeur un sentiment de familiarité : Staring at the Sun aurait par exemple pu trouver une place adéquate sur un disque de My Bloody Valentine. Très vite, pourtant, chaque morceau se métamorphose, loin de tout signe de reconnaissance évident : les guitares chevauchent des saxophones, les voix se dédoublent, un mur du son s'impose en plein centre du cerveau, grillant les neurones, dévastant les perceptions.
Au centre de l'album, Ambulance joue le rôle de tranchée, de ligne de démarcation mais aussi de repos : sur une boucle de voix augmentée de bruits à peine audibles, le groupe assène une complainte amoureuse qui, cinq minutes durant, parvient à glacer l'air, à geler le sang. Sur ce morceau-là, la voix de Tunde Adebimpe se déroule en une mélodie douce et mélancolique, qui évoque la soul la plus déchirante : il y a, dans son timbre, du malheur et de la joie, du drame et de la dérision. Tunde Adebimpe semble trembler en chantant, souffrir avec chaque mot, mais aussi planer en permanence.
Rarement, chanteur aura été pris dans un tel tourbillon de grâce, un cyclone ardent, forgé par des arrangements toujours sur le qui-vive, toujours en tension électrique. Il faut plonger, physiquement, dans ce disque tempétueux, colérique (contre Bush) et amoureux (de l'avenir, du futur) : on y reviendra plus longuement, le temps de continuer à en digérer fiévreusement les premières secousses telluriques. (Inrocks)


Le nouveau nom sur toutes les lèvres en ce printemps 2004 provient une fois de plus de New York. Mais ici nul revival 80's ne pointe à  l'horizon puisqu'il n'est pas question de punk funk ni de rock énervé et dansant, encore moins de disco not disco. L'odyssée musicale offerte par TV On The Radio est toute autre, plus cérébrale et moins physique. La rencontre quatre ans auparavant d'un étudiant en cinéma à  la coupe afro et du producteur blanc du premier album abrasif de Liars marque la naissance du projet. Augmenté d'une section rythmique et d'un guitariste au look de Bad Brains, le quintette ainsi constitué fait parler de lui avec le maxi Young Liarset sa reprise de Mr Grievesdes Pixies. Le groupe synthétise sur son premier album les différentes recherches soniques de ces cinquante dernières années et réalise en neuf titres un mélange unique et inqualifiable, capturant textures et ambiances créatives. L'initiatique The Wrong Way plante le décor : un clone vocal de Peter Gabriel et de Robert Wyatt semble égaré au milieu d'un capharnaüm hypnotique de bruits urbains et dissonants. Aventureuse mais jamais ennuyeuse, la musique de TV On The Radio sillonne une autobahnvaudou balisée de choeurs gospel. Le morceau a cappella Ambulancepermet à  l'auditeur de reprendre son souffle avant que les vocalises doo woop ne fassent fondre la chape de guitares de Poppyet ne donnent une élévation spirituelle à  ces compositions intrigantes. Å'uvre particulière à  la lisière du free jazz et de la pop, Desperate Youth, Blood Thirsty Babes est une expérience intense qui ne s'oublie pas de sitôt. (Magic)
Attention, ceci est un objet musical non identifié. A la première écoute, ce premier album de TV On The Radio, à force de piocher dans différents styles musicaux, est franchement déroutant. D'entrée, "The Wrong Way" annonce la couleur et démarre par quelques banderilles de sax free piquées sur une basse vrombissante héritée de la scène sonique américaine.Toutefois, si le trio US s'amuse à l'apprenti sorcier en fabricant son petit Frankenstein dub-sonique-soul, les mélanges entre les genres sont souvent subtils et judicieux. Ceux-ci en effet ne sont jamais réalisés comme des démonstrations techniques mais sont constamment dosés en vue de porter la voix (les voix devrais-je préciser) et l'âme des morceaux. Ce Frankenstein-là possède en fait un coeur gros comme ça, oui madame. Le meilleur exemple est lâentêtant "Staring at the Sun" où cette basse vrombissante qui colle toujours aux oreilles, une guitare maniée comme des coups de scalpel et une boîte à rythme assénant des frappes chirurgicales (décidemment on parle beaucoup de découpe de bidoche aujourdâhui) soutiennent les deux voix de Tunde Adebimpe et de Kyp Malone qui marient le poivre et le miel.La publication de cet album de chaque côté de l'Atlantique par deux labels à l'histoire radicalement différente (Touch & Go aux USA et 4AD en Europe) est aussi un signe évident du mélange inédit qu'offre TV On the Radio. Aux cathédrales soniques de Slint et à l'éther des Cocteau Twins, TV On The Radio adjoint une touche supplémentaire de soul.Certes, TV On The Radio ne sont pas les seuls à avoir tenté ce type de mélange. D'autres s'y sont déjà essayés, mais sans jamais atteindre un tel niveau d'élégance (Soul Coughing, trop étouffant, ou encore Long Fin Killie, trop arty). A TV On The Radio, il faut reconnaître un talent indéniable, celui de savoir toujours rester en équilibre : suffisamment expérimental pour intriguer, suffisamment pop pour captiver, Desperate youth, blood thirsty babes tient en haleine pendant 45 minutes. A lâimage de sa pochette, malgré un côté étrange et inquiétant, ce disque émet des ondes magnétiques qui captivent irrémédiablement l'auditeur.(Popnews)
Une curiosité remarquée ou bien une remarquable curiosité ? Une chose est sûre, TV on the radio ne manque pas d’intérêt musical. Curieux mélange que ces loops simples, ces voix haut perchées et ces guitares noises. Chaque chanson se développe progressivement, dévoilant ses strates délicates pour se terminer immanquablement en entêtante litanie.Mais reprenons, car il n’est pas facile de décrire avec justesse ce que l’on écoute et ressens, tant l’originalité (perlée de références inévitables) ne fait pas défaut. Ce trio (qui se dédouble pour la scène) emmené par la voix Tunde Adebimpe bouscule une actualité musicale vouée, non sans raisons, à un rock revenu de loin grâce à un télescopage parfait de multiples genres musicaux autant soul que rock. En témoigne ce « Staring at the sun » baigné dans une guitare crépusculaire héritée de My Bloody Valentine. Inattendu mais délicieux et vite indispensable.Mais la force de ce « Desperate youth, blood thirsty babes » (jolie prédisposition…) réside surtout dans ces voix magnifiques, habitées et virevoltantes dont la chanson « Ambulance » constitue un réussite indéniable. Cette voix et ces chœurs sont l’âme de ces chansons. L’habillage électronique (souvent judicieux) sait se faire discret voire anecdotique pour leur laisser l’espace qui leur est dû.Un disque qui vous incite d’abord à vous asseoir pour l’écouter attentivement, comme hypnotisé. Ensuite, vous y reviendrez de votre propre chef. Et impatient de vous y replonger.(indiepoprock)
Ce qui est bien avec la hype c’est que quand vous êtes un tant soit peu curieux vous vous faites toujours avoir avec ce genre de groupe. Ce n’est pas de la crédulité mais à partir du moment ou un buzz se forme autour d’un groupe il apparaît assez difficile de passer à côté. Et buzz, enfin un petit, il y a autour de TV On The Radio. Il faut dire que le premier album de ce quintette new-yorkais a tout pour étonner. Enfin un groupe qui aura eu la bonne idée de ne pas s’engouffrer dans la brèche provoquée par des groupes comme The Strokes. Alors que cette mode commence déjà à s’essouffler surgit TV On The Radio, objet difficilement identifiable et qui fait penser à des formations comme AR Kane ou Long Fin Killie. Ceci dit il est fort à parier que la sphère d’influence du groupe soit nettement plus vaste et qu’en fouillant un petit peu on pourrait trouver ça et là des ressemblances avec des groupes toutes périodes confondues. « Desperate Youth… » est donc ce genre de disque dont il serait bien présomptueux de coller la moindre étiquette. On passera sur l’évidente mocheté de la pochette du disque pour ne plus s’intéresser qu’à la musique d’un groupe qui n’a manifestement pas envie de se laisser enfermer dans le moindre carcan. Le morceau qui ouvre le bal, « The Wrong Way », fait largement sentir à son auditeur qu’il n’a pas entre les mains un disque comme les autres. Quelques part entre Tuxedomoon et Cabaret Voltaire en passant par des formes assez rock’n’roll, ce morceau taille directement dans là où ça fait mal. Tout de suite on y croit, tout de suite c’est le cœur qui chavire en se disant enfin quelque chose qui ne ressemble à rien d’habituel. « Staring On The Sun » finit de vous achever ou à la limite convaincra les plus récalcitrants. Le reste, passée cette épreuve jouissive, n’est que du petit lait, la cerise sur le gâteau. Certes ce « Deperate Youth… » n’est pas un disque de virtuoses mais il est redoutablement efficace et l’intelligence est toujours mise au service des mélodies. Si ce disque ne devient pas un classique je veux bien être pendu. (liability)
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le 26 févr. 2022

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