On pourrait croire qu’à force d’avoir été remixé, samplé, recousu, Cerrone ne peut plus nous surprendre. Mais Disco Symphony (Symphonic Version) vient démontrer le contraire avec panache. Revisiter des tubes vieux de près de cinquante ans à travers un orchestre symphonique, c’était un pari audacieux — c’est surtout une réussite éclatante.
Dès les premières mesures de Love in C Minor, on sent que quelque chose se passe. Ce riff de quelques notes suffit à faire frémir les jambes : c’est l’ouverture parfaite, un prélude dansant qui installe une tension sensuelle. Les paroles mettent un temps fou à arriver, et c’est précisément ce qui rend le morceau si envoûtant. On se laisse porter par les orchestrations, comme dans un prélude amoureux. Il y a quelque chose de profondément détendu, presque cinématographique. On savoure l’attente, comme un apéritif sonore avant le grand frisson.
Les morceaux s’enchaînent avec une fluidité remarquable, sans pause ni cassure. On peut faire tourner cet album en boucle et faire danser une pièce entière sans jamais briser l’élan. Ce n’est pas un simple best of réarrangé : c’est une symphonie disco, un vrai voyage sonore avec ses mouvements, ses respirations, ses élans.
Trois titres sortent particulièrement du lot dans cette relecture orchestrale : Love in C Minor, Supernature et Give Me Love. Le premier prend des airs de prélude charnel, le second devient une fresque apocalyptique aux accents science-fiction, et le troisième — plus tendre — devient une véritable déclaration d’amour portée par des cordes somptueuses.
Mention spéciale à Supernature, dont l’ostinato de cordes hypnotique donne une toute nouvelle ampleur au morceau. Là où les synthés d’origine évoquaient un futur robotisé, les cordes apportent une tension plus organique, presque dramatique. On sent le récit d’une catastrophe imminente, un monde qui vacille. L’effet est saisissant : le morceau devient une marche inquiétante, une fable écologiste en costume de concert.
Et puis il y a You Are the One, tout en groove feutré. Ses beats restent terriblement agréables, mais plus caressants, presque veloutés. Le morceau garde sa pulsation funky, tout en gagnant une sophistication nouvelle. C’est Cerrone en costume trois pièces, prêt à faire danser un gala de l’UNESCO.
Ce qui frappe, au fond, c’est que la musique de Cerrone résiste à toutes les relectures. Elle n’est pas seulement faite de machines et de boîtes à rythmes : elle est écrite, pensée, composée. Et cet album le rappelle avec élégance. Derrière les paillettes du disco, il y a un véritable compositeur — et Disco Symphony lui rend un hommage éclatant.