En juin 2007, on saluait Ash Wednesday, le premier album de l'alors inconnu Elvis Perkins. On s'enthousiasmait d'autant plus que le jeune homme parvenait avec élégance à se distinguer par la qualité de ses chansons alors que sa lourde hérédité (un père et une mère célèbres - l'acteur Anthony Perkins et la photographe Berry Berenson -, tous deux morts de manière tragique) aurait suffi à assurer sa renommée. Aujourd'hui, on n'a qu'un regret : ne pas avoir gratifié Ash Wednesday de la note maximale, les envoûtants While you were sleeping et All the night without love, entre autres, n'ayant cessé de nous transporter depuis.On pensait qu'avec un tel potentiel le suivant serait meilleur encore. Raté. In Dearland n'est pas un mauvais disque, juste un cas d'école pour illustrer le syndrome classique du deuxième album : le même que le premier en moins bien. C'est d'autant plus frustrant que Perkins l'attaque en beauté : le plaintif et passionné Shampoo n'a rien à envier aux sommets d'Ash Wednesday. Hélas, sa fougue, son intensité écrasent tout ce qui vient après. Parce qu'on croit en cet Elvis-là, on s'obstine à repasser le disque. Hours Last Stand, Doomsday, Chains chains chains finissent alors par se distinguer, lentes complaintes portées par leur rythme de fanfare élégante. Contrairement à tant d'autres qui surjouent le pathos et la douleur, Perkins aspire à la sérénité, à la simplicité. C'est dommage pour nous. Mais on aurait mauvaise grâce de lui en vouloir.HC


Élégante silhouette longiligne, cheveux épais et désordonnés, petites lunettes rondes, rien ne trahit au premier regard cette sorte de spontanéité sauvage avec laquelle Elvis Perkins balance ses chansons sans se soucier des ravages qu’elles provoqueront sur les âmes sensibles. Ce qu’il y avait de douceur éplorée dans l’immense Ash Wednesday (2007) s’est évaporé au contact des scènes que le jeune homme a arpenté avec son gang, pour laisser place à un mélange instable et sublime de rock rugueux et de folk ombrageux. Aujourd’hui, Elvis a constitué un groupe, probablement l’un des meilleurs au monde. Le quatuor fait corps autour de chansons puissantes et d’un chant absolument bluffant, dégaine les bonnes armes au bon moment : une section rythmique pesante, un orgue et un harmonica pour Shampoo, baignée dans la lumière glauque de chœurs patibulaires ; une guitare, un banjo et un harmonium pour Send My Fond Regards To Lonelyville, qui fait un détour par les chemins d’un jazz bancal et festif, avec des arrangements de cuivres étonnants. Trompette et saxophone éclairent d’autres chansons, comme ce Doomsday qui tourne à la fanfare exubérante et hystérique, ou How’s Forever Been Baby, la marche funèbre qui clôt l’album. Elvis Perkins In Dearland prend le mal à la racine et puise son énergie brute dans le rock’n’roll des années 50 (Hey, I Heard Your Voice In Dresden). Mais ce qui saisit et retourne le plus sur ce disque exceptionnel, ce sont ces mélodies, diamants noirs parfois taillés grossièrement, parfois polis avec soin dans un mélange de sobriété et de sophistication stupéfiant. Ainsi, la poignante 1 2 3 Goodbye, crescendo dramatique construit sur un piano et un harmonium, une batterie grondante et une tornade de cordes somptueuses. Elvis Perkins In Dearland confirme ce que tout le monde avait instinctivement compris il y a deux ans : on tient là l’un des plus grands talents, l’une des plus fortes personnalités de notre génération. Et l’on attrape au vol ces mots d’Elvis pour un retour à l’envoyeur mérité : “You are worth your weight in gold/You are worth your weight in sorrow, baby”.(Magic)
Voilà un disque qu'il semble de bon ton de trouver "décevant", de frapper du fameux syndrome du second album qui touche tout enregistrement n'accomplissant pas "les promesses" du premier, ne créant plus "l'effet de surprise" attendu, tout disque qui "laisse sur sa faim" l'auditeur, forcément énamouré depuis un "coup de foudre" initial et désormais prêt à jeter son dévolu sur un peu de nouveauté frétillante. Hormis la critique de Libération, "Elvis Perkins in Dearland" n'a apparemment pas séduit les foules, donc pas rempli le supposé cahier des charges qui lui était imparti. Contresens. Attendre d'un storyteller comme le fils Perkins qu'il vous refasse le coup de la surprise, qu'il se propulse "dans une dimension supérieure", qu'il dégaine son album électro ou devienne expérimental, c'est un peu croire au Père Noël ou imaginer que votre cousine Coralie change de sexe, c'est un espoir crétin qu'il faut vite transformer en illusion perdue. Parce qu'on peut supposer qu'Elvis Perkins n'a pas grand-chose à faire de l'avant-garde, et qu'il se préoccupe surtout d'écrire de bonnes chansons, on peut remiser au garage ses attentes et se contenter de ce qu'il nous propose, à condition de bien l'écouter. Certes, le tonitruant "Shampoo", avec sa voix superlative, ses lyrics référencés, son harmonica à la Dylan, son orgue et ses chœurs brass-band, a du cachet et semble donner le ton, mais peut-on juger ce qui suit à l'aune de ce premier morceau qui assume parfaitement la jointure avec le précédent album ? De ballades alanguies ("Hours Last Stand") en blues électrique ("I'll Be Arriving"), le chanteur trouve une diversité de compositions et d'atmosphères qui échappera à l'écoute superficielle. Par ailleurs, il ne sacrifie en rien son goût des histoires au long cours ("Send My Fond Regards to Lonelyville") ou des coups de pied ironiques au destin ("Doomsday"). Comme, de plus, il chante de mieux en mieux (aussi bien dans l'étirement mélancoliques des syllabes que dans l'éclat rythmique), qu' il baigne dans son groupe (Elvis Perkins in Dearland) comme un poisson dans l'eau, et qu'on a hâte d'entendre ces morceaux-là sur scène, on renverra les fâcheux et les éconduits à leurs attentes stériles, et on se contentera d'écouter, avec l'intensité et la fréquence qui nous plaisent, cette collection de très belles chansons. Car il semble bien que, comme un Damien Jurado ou un Ron Sexsmith, Elvis Perkins se contente d'aimer la musique en artisan et de soigner son travail. Le grave malheur, assurément. (Popnews)
Il y a deux ans, Elvis Perkins avait relevé avec brio le défi de prouver que ce n'était pas parce qu'il 'était un "fils de" qu'il avait pu enregistrer un disque. Mieux même, il nous avait littéralement bouleversé avec son "Ash Wednesday" , grand album sur la perte, sur la vie qui continue, grand album tout court. Mais la carrière d 'un artiste est ainsi faite qu'à peine lui a-t-on décerné des galons qu'on lui demande de les remettre sur la table et de les gagner à nouveau. Car "In dearland" est un second album, et comme le veut l'adage, sur un second album, il faut enfoncer le clou, montrer qu'on a pas un pistolet à un coup. Plus encore dans le cas d'Elvis Perkins, il lui faut démontrer que, sans les éléments qui avaient fait d'"Ash wednesday" un exhutoire de la peine causée par la perte consécutive de son père et de sa mère dans des circonstances tragiques, il sait aller puiser verve et inspiration ailleurs. Notre homme semble d'ailleurs assez conscient du défi si l'on s'en tient à l'ouverture de l'album : Shampoo se déploie avec une mélodie et un chant ample, et donne le ton. Pas question de chercher à reproduire des schémas, mais une volonté de tourner la page et d'aller de l'avant. Bonne nouvelle. La suite de l'album reste dans la même lignée. Si la guitare acoustique reste l'élément conducteur, l'ambiance est enlevée, à la fois champêtre et presque festive, les morceaux s'enchaînent avec bonheur, et Elvis Perkins fait étalage de tout son talent de compositeur. Se révèle de manière encore plus évidente que sur "Ash wednesday" une parenté avec le Dylan des débuts, notamment sur Send my fond regards to Loneleyville et son harmonica, mais cette filiation ne se révèle jamais un handicap, chose assez rare pour être notée, surtout à côté d'une pareille référence."In dearland" contient également quelques morceaux de bravoure qui nous rappellent qu"Ash Wednesday" s'était aussi démarqué par la force de ses mélodies. I heard your voice in Dresden est donc une superbe ballade soignée, et, plus encore, I'll be arriving, qui sonne comme un vieux blues revu et corrigé avec son orgue vintage et son chant déformé est une pièce majeure. On notera également à plusieurs reprises qu'Elvis Perkins aime à recourir à des ambiances de fanfare, histoire peut-être de mettre un peu de second degré dans sa musique. C'est parfois parfaitement réussi, comme sur Chains, chains, chains, parfois ça tourne un peu à vide, même s'il serait exagéré de dire que ces passages nuisent véritablement à la qualité de l'album. Car si l'on pourrait s'amuser à faire la fine bouche, regretter l'émotion qui débordait de toutes parts d'"Ash Wednesday", son intensité dramatique, il faut avant tout se féliciter qu'Elvis Perkins fasse la preuve qu'il n'était pas une étoile filante. Il est là pour rester, et ce serait une erreur de se passer de lui. (indiepoprock)
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le 27 févr. 2022

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