C'est dingue comme les choses viennent à vous et/ou que vous allez à elles sans que la moindre préméditation n'y soit pour quelque chose. Hasard ? Permettez-moi d'en douter. Aujourd'hui, cette bribe d'idiome qu'est "Good Man Down" me parle, et le contenu du titre éponyme encore plus.C'est étrange, lors de mon premier contact avec cet album, rien de tout cela n'avait résonné en moi. Il m'est allé droit au coeur, sans emprunter de détour mental, mais je n'entendais pas ce qu'il suscitait chez moi. Puis, en temps opportun, il m'est apparu comme l'une de ces rencontres nourrissantes qui vous fait reprendre contact avec vous et avec les autres. Ce qui n'était que chuchotis devenait clair comme de l'eau de roche. Sans ambages, le quatuor s'est invité chez moi (et vice et versa), et les bonnes surprises s'enchaînèrent et me firent l'effet d'une bonne bouffée d'air frais. Tant la qualité de la musique que la précision et la cohésion de son rendu imposent le respect. Jamais je n'aurais imaginé qu'une telle couleur musicale provienne d'Estonie. De quoi botter le train à mes idées reçues, d'autant que le pays regorge de culture. Les voisins scandinaves n'ont qu'à bien se tenir. Là-bas, Ewert, Erki, Kristjan et Ivo sont des musiciens reconnus et primés, mais qui eût cru que la concomitance de ces talents individuels puisse atteindre une telle harmonie et faire écho de manière aussi universelle ? Tantôt atmosphérique tantôt enjoué, "Good Man Down" ne manque en tout cas jamais d'être lumineux et paisible. Son folk teinté pop m'a rappelé un certain Loney, Dear, mais à la différence de ce dernier, il ne véhicule pas ce "je ne sais quoi" qui donne une identité à son auteur, mais un "je sais quoi" qui le rend unique et irradiant. Ewert and the Two Dragons ne flirte pas avec le génie, il y nage carrément sur le dos avec une aisance du feu de Dieu, en se permettant même quelques clins d'oeil, comme cette jolie trouée vocale vernonienne (Bon Iver) ("Jolene"). Un album qui sonne juste et qui n'est pas juste qu'un album. (popnews)


La meilleure pop ne se consomme pas d’occasion, mais strictement en première main. On l’adore fraîche, spontanée, innocente, alors qu’elle ressemble à une rombière dès que le train-train de la britpop lui est passé dessus dix fois. Une mélodie doit être vierge, et il n’en reste plus beaucoup dans la nature. Pour les dénicher, fraîches et innocentes donc, il faut souvent fouiller dans des pays épargnés par la routine, le savoir-faire, la surexploitation – la Catalogne de Polock, le Västerbotten des Wannadies ou le comté de Fermanagh de The Divine Comedy par exemple. Etonnante situation : ce sont les pays où elle n’est pas première langue qui la traitent aujourd’hui avec le plus de respect, d’admiration même. A quelques rares et formidables exceptions près, l’Angleterre ne regarde même plus sa formidable invention, ne joue ni jouit même plus avec elle : c’est un vieux couple, où l’on reste ensemble par habitude, par confort matériel. Les Anglais naissent avec une cuillère en argent dans la bouche et, avec, ils se contentent le plus souvent de balancer des petits pois contre les murs à la cantine. Quelle dilapidation de l’héritage ! Nés en Estonie, Ewert And The Two Dragons découvrent émerveillés ce jardin d’Eden, sans la moindre lassitude, sans le moindre cynisme. La pop est ici un carillon magique, pas la sinistre sirène des usines à tubes calibrés, émoussés, rouillés. Ewert, Erki, Kristjan et Ivo ont eu la chance de grandir dans un pays sans festivals mastodontes pour déformer à jamais le son de la pop, sans BBC1, sans NME, sans industrie. Ils découvrent la pop-song avec stupeur et la traitent avec ce mélange de candeur, d’enchantement et de gravité de gosses dépensant leur première pièce dans une confiserie. Et dès (In the End) There’s Only Love, toutes ces chorales en cascade, ces beats rieurs, ces cavalcades de guitares préparent le corps pour le reste de l’album : grande sécheresse des glandes lacrymales, énorme activité des zygomatiques, vaste production de mélatonine, crue massive d’endorphines et spasmes joyeux dans les pieds. Le disque feel good de la semaine. (inrocks)
C’est un petit soulagement de saison. Pop. Le premier qui frappe à l’image, héros de l’affaire, évoque le petit dur de l’écran Ben Foster (le Flingueur…), mêlé de Jay-Jay Johanson le Suédois oxygéné : ecce Ewert. La musique, elle, entre Girls et Django Django, ou Beatles et R.E.M., flotte hors catégorie dans un entre-deux folk-rock - «onirique» dit un commentateur. Exact. Estonie est le mot de passe. Ewert and The Two Dragons, à trois comme les quatre mousquetaires, avec leurs airs de semi-trolls de saga, nordique, non seulement sont nés là-bas, aux pays baltes, mais y ont ouvré le manifeste Good Man Down, en anglais export. Par-ci par-là, on dirait Simon & Garfunkel. Mais non. Des animaux passent. Un Panda, The Rabbit.Dandinement. Le premier pourrait être un fleuron du mois. Il s’agit d’une ronde folk à la (presque) Zeppelin Gallow’s Pole. Entamée mezzo voce, sur frottis de guitare, Panda qu’on entend comme un dodu nom de koala argenté du Nord s’installe en palier, rythme de plus en plus marqué, jusqu’à installation du dandinement ad hoc qui nous plaît. Avec de jolies divagations mélodiques, en pont suspendu, une danse de l’ours en somme, un peu homme-orchestre débile léger (Long Tall Glasses de Leo Sayer), un peu Creedence et The Poor Boys, ou Losing My Religion. Quasi-classique instantané.Néo heroic rock 80, l’autre titre, lent chant des terres aux airs marins, serait du Plastic Ono Band - post-Beatles prémonitoire de l’ethnoworld ; digne du Murat chantant le Grand Lièvre en arrêt : The Rabbit, affrontant la fin solitaire… Suivant cet axe délocalisant, les choses raffinent et montent ainsi, feuilletées. Il y a la couche pop éternisée, l’habilité mélodique du groupe, compliquée de l’abord d’Ewert (qui évoque un Ryan Gosling de rien), devenant insensiblement un moment de la saison. 2012, année d’avènement du petit génie estonien. Accouché entre Tari et Klooga, «avec le concours de la région Aquitaine». Puis il y a, entre XTC fantômes et consorts Nits, une composante messianique en germe James-U2 (on imagine à cet égard une production Eno du groupe de Tallinn d’anxieuse mémoire, nazisme et plus si affinités). Complainte. Passé Falling, plage d’évanescence nappée très néo Blue Jay Ways, le propos monte en emphase : You Had Me At Hello, complainte grondante, évoque enfin, pour l’intensité dramatique, The National. Ouvrant des perspectives au petit groupe. Sans parler des hits pneumatiques d’amorce : In the End (There’s Only Love),citant Abbey Road, et Good Man Down. Titre et album. Tout pour le même prix, d’amis. (libé)
Encore un peu plus au Nord. C’est en Estonie que l’indispensable label Talitres a déniché le quatuor Ewert And The Two Dragons, dont il publie le deuxième album quelques mois après sa sortie à domicile. Good Man Down est une merveille qui devrait consoler les nostalgiques du premier LP de Noah And The Whale. Une baleine contre deux dragons, personne n’y perdra au change. Au fil de dix chansons éclectiques, les Estoniens déploient leurs talents avec agilité : mélodies fluides, orchestrations discrètement inventives avec percussions et harmonies vocales à la clé. Good Man Down s’ouvre sur une chanson d’amour idéale, à la fois mélancolique et optimiste : batterie et guitare donnent à (In The End) There’s Only Love un allant primesautier tandis que des verres tintinnabulent. Une formule magique peu ou prou reconduite sur la magnifique Jolene, mais dont le groupe n’abuse pas. Le morceau Good Man Down se nourrit d’une énergie plus folk, de sonorités boisées et de chœurs généreux ; Panda est plus sombre, en sept minutes intenses sur un piano roulant, tandis que la miniature Burning Bush joue sur des arrangements de claviers et vents somptueux. Avant une fin particulièrement sombre et charbonneuse, Ewert And The Two Dragons place un tube pop compatible avec les charts (Road To The Hill) et un chant de marin amoureux, Sailor Man, une ballade qui tangue sur une houle grossissant à mesure que les instruments s’agrègent au courant : “If I was a sailor man/With you I’d search for land/No panic, boundaries, no fear/Hands focused on the wheel I’d steer”. On est du voyage. (magic)
On prête toujours une oreille plus attentive et complaisante aux labels que l'on aime, ceux que l'on sait capables de dénicher la perle rare même au fin fond de territoires pas forcément connus pour leur « penchant pop ». Talitres est un de ces labels référents, Tallin (capitale de l'Estonie) une des ces destinations exotiques. Les deux avaient peu de chances de communier dans nos préjugés sur la qualité de la musique estonienne que l'on ne connaît que par le prisme annuel, certes désuet, de l'Eurovision. Pourtant, c'est bien du côté de Tallin que Sean Bouchard est allé chercher la dernière pépite du label bordelais. Avec la chute du bloc communiste à la fin des années 80, c'est tout un pan de l'Europe de l'Est qui s'est ouvert à la musique rock, pas forcément en odeur de sainteté du temps du Parti unique. Ewert and The Two Dragons est donc un des premiers rejetons de cette génération de musiciens biberonnés à la pop plutôt qu'au classique, moins soumis au regard accusateur et inquisiteur de l'oeil de Moscou.A l'écoute de "Good Man Down", le deuxième album de Ewert Sundja et ses 3 acolytes, il est difficile de trouver une quelconque trace de leur origine « exotique » dans leur musique. Celle-ci aurait très bien pu avoir été écrite à Brighton, Stockholm, Bruxelles ou Clermont-Ferrand. Une pop-folk plutôt classique dans sa composition et ses arrangements soignés (handclaps, percussions, harmonies vocales), un alliage parfait entre la simplicité et l'efficacité, que l'on retrouvait notamment sur les premiers albums de Noah & the Whale et de Stornoway, qui fait mouche à tous les coups, notamment sur un début d'album en fanfare (de In The End There's Only Love à Jolene). La suite, moins primesautière, n'en reste pas moins, elle aussi, marquée par cette parfaite alchimie entre le grand classicisme des mélodies et la redoutable efficacité des harmonies et des arrangements (Sailor Man ; Road To The Hill). Rassurant, à une époque où la recherche de la nouveauté en matière de composition frise à l'obsession et tourne souvent à la mauvaise mayonnaise. Une belle découverte. (indiepoprock)
Lorsque l’on pense pop habitée et mélodies radieuses, l’Estonie n’est bizarrement pas le nom qui nous vient le premier à l’esprit. Communément plus connu pour ses talentueux sportifs que pour ses formations indie, ce pays d’Europe du Nord a pour plus fameux et récent fait d’arme en matière de musique d’avoir remporté le prix de l’Eurovision en 2001 : c’est dire si cela fait rêver ! Mais la donne est en passe de changer à une échelle toute relative, à l’intérieur tout comme à l’extérieur de ses frontières et ce, par le biais d’un artiste (le talentueux Ewert accompagné de ses deux dragons, en vérité au nombre de trois) et de son label (le toujours pertinent bordelais Talitres). Transcendant les idées reçues que d’aucun se sont faits sur la musique de cette partie du globe (soit de la pop sirupeuse ou de la musique traditionnelle n’intéressant que les ethnologues et autres historiens régionalistes), Ewert and The Two Dragons s’efforce, avec la conviction chevillée au corps, de nous servir une musique universelle, donc apatride, et qui aurait pu voir le jour aussi bien à Manchester, Montréal ou Clermont-Ferrand : bel exploit dès lors que l’on sait d’où vient la formation.Voici donc un album (leur second en l’occurrence, le premier sorti il y a deux ans sur un label local n’ayant jamais atteint nos oreilles) aussi charmant que charmeur, et à même de faire la nique à moult autres bien plus célébrés de ci de là. L’instrumentation y est riche et luxuriante, la ferveur incontestable et l’interprétation irréprochable. Du beau travail, avec même, quelques titres qui pourraient aisément se tailler de jolies places au sein de certaines playlist. Clairement, nous somme en présence de chansons : de vraies, pops et entraînantes, axées sur les refrains sans négliger les couplets, composées avec un savoir-faire qui peut vraiment impressionner pour une formation si jeune. Mais - car il y a un mais aussi minime soit-il - bien que sur le plan du songwriting Good Man Down soit une incontestable réussite, il est étonnamment agencé, souffrant en cela d’une légère carence d’homogénéité. Ainsi, partant d’un postulat de départ très primesautier (’’(In The End) There’s Only Love’’ solaire comme le Magic Numbers des deux premiers albums, ’’Jolene’’ heureux comme du I’m From Barcelona en formation réduite), il glisse progressivement vers quelque chose de plus sérieux et sentencieux (’’Panda’’ intense comme Twilight Sad en mode acoustique, l’accent en moins, ’’Burning Bush’’ et son piano martelé comme chez Perfume Genius), gagnant en profondeur (la folk concernée de ’’The Rabbitt’’), si bien que l’on peut avoir la sensation que ce n’est pas le même groupe qui a composé et joué les chansons ouvrant l’album et celles le clôturant. Est-ce un atout ou un handicap ? Libre à chacun de se faire son opinion. Nous concernant, impossible de trancher véritablement le niveau d’écriture étant, à d’être uniforme, tout du moins relativement convaincant. Mais là où nous sommes pétris de certitude, c’est dans le fait que les chansons gagnent en qualité et en densité à mesure que l’album déroule son tracklisting, aboutissant même sur du solennel avec le magnifique ’’Falling’’ et, surtout, du merveilleux et de l’orageux avec ’’You Had Me At Hello’’, morceau visant - et touchant - au cœur l’auditoire de The National ou IlikeTrains (soit deux formations passées elles aussi chez Talitres, est-ce un hasard ?).Par delà, donc, nos quelques menues réserves voilà un premier contact extrêmement concluant grâce auquel on ne regardera plus l’Estonie de la même façon ce qui, en soit, est plutôt un très bonne nouvelle. Ne reste désormais à Ewert and The Two Dragons qu’à confirmer tout le bien que l’on pense déjà de lui pour que nous passions de simples sympathisants à adhérents à sa cause. La balle est dans son camp. (pinkushion)
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le 27 mars 2022

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