Hand It Over
7.1
Hand It Over

Album de Dinosaur Jr. (1997)

Trois ans après Without A Sound et son clip golfé, Jay Mascis a retrouvé ses guitares sales et ses soli hasardeux dans une ambiance parfois un peu mélancolique (GottaKnow). Mais, pour semer le doute, notre ami a pris soin d'y intégrer des morceaux surprenants comme I'm Insane et son gimmick de trompette... Louis XIV, suivi d'unesuperbe envolée de vibrato de guitares dont on suspecte Kevin Shields d'y être pour quelques chose, puisqu'il est crédité à l'enregistrement de l'album. Mais, c'est bien évidemment sur des morceaux comme Can't We Move This que l'on retrouve ces sensations qui nous avait ravis, au sens propre, à l'écoute de l'album Bug. Retour aux sources également car le son est simple, avec ces soli de guitares qui semblent sortir du mix avec une maîtrise difficilement contenue. Et puis, la voix de Mascis qui rivalise avec Stephen Pastel dans cette nonchalance, en plus éraillée il est vrai. Cette voix que rien ne semble troubler, qui distille une apathie qui a fait la renommée des slackers. Et pour que Jay Mascissoit bien sur que Hand It Over ne se vende pas trop, le single Take A Run At The Sun ne sera pas inclus dans l'album, mais sur la BO du film Grace Of My Heart d'AllisonAnders (dont il avait déjà signé celle de Gas, Food & Lodgings). Il peut donc dormir tranquille, ce n'est pas demain qu'il goûtera aux affres de la super-star.(Magic)


Pingre de son génie, Dinosaur Jr ne le sort qu'entre deux pitreries de guitare épaisse, deux âneries de metal rouillé.On en a pourtant rencontré, des buses, dans ce métier. Du butor, du vaseux, du spongieux, on a fait notre pain quotidien. Pourtant, jamais a-t-on rencontré plus spectaculaire pourri taré que Jay Mascis. Une bête de foire. A son autopsie, on veut absolument que quelqu'un nous mette le cerveau de côté. Il faut absolument mettre ça sous formol. A l'école du rire. Puis dans une université ­ départements musicologie, tératologie et cérébroscopie ­, histoire de comprendre comment on a pu en arriver là : à cette cervelle ramollie mais capable de fulgurances stupéfiantes, à ces branchements hasardeux mais parfois lumineux. Car le cerveau de Jay Mascis, c'est un peu comme avoir son anniversaire le 29 février, une chance de fête tous les quatre ans. Le reste du temps : ceinture. Longue, la ceinture, car il en faut, du cuir, pour faire le tour de l'obèse Alone, pour retenir les poignées d'amour du ventripotent Can't we move this, pour contenir la graisse de Gotta know. Dommage, car si Jay Mascis ­ entre heavy-metal puéril à la Beavis & Butthead et songwriting grave à la mode américaine ­ n'a pas encore trouvé sa voie, il a depuis longtemps trouvé sa voix. Une voix qu'on ne souhaite pas à son pire ennemi ­ même à Bruno Gollnish, c'est dire ­, mais une voix bien à lui, invendable sur le marché de l'occasion. D'ailleurs, qui voudrait chanter ainsi, les cordes vocales toutes désaccordées, abonnées depuis dix ans au même lopin d'octave ? Pourtant, beaucoup de groupes ont tenté de faire du Dinosaur Jr, jouant mal et chantant comme si on avait accroché des casseroles aux accords majeurs. Mais aucun ne l'a fait aussi bien mal que le grand Jay Mascis, chanteur comiquement atroce mais foutrement original, songwriter nabot mais sacrément unique. On s'en était mieux rendu compte l'année dernière quand il avait tenté, lui aussi, son album unplugged : Martin & me. Débarrassées de leur électricité achetée en gros à la centrale thermique la plus proche, ses chansons se révélaient étonnamment séduisantes à poil. Jay Mascis avait même réussi, sur une reprise du magnifique Every mother's son de Lynyrd Skynyrd, à donner beaucoup d'humanité à son chant jusque-là un tantinet Findus, désincarné jusqu'au foutage de gueule. Petit pas de côté, histoire de se faire peur, avant de retourner à la routine Dinosaur Jr. Expliquons la routine Dinosaur Jr : faire n'importe quoi avec des guitares électriques, beugler comme un sanglier affolé et composer avec les orteils d'un cul-de-jatte ­ histoire de jouer la montre en attendant les rendez-vous avec le génie. Antique technique tibétaine de combat : passer pour un débile léger ­ chanter un I don't think à prendre au pied de la lettre ­, histoire que l'adversaire, mort de rire, détende le nunchaku. Et là, lui assener trois ou quatre petites choses stupéfiantes : le flûtiau angélique du grandiose Never bought it, la mélodie baroque et martienne du magistral I'm insane, le banjo mutin du grêle Gettin' rough. Puis finir le travail avec des chansons rabâchées ­ mais par Dinosaur Jr seulement, personne ne pouvant suivre cette cadence infernale (une grande idée tous les dix ans) ­ comme Loaded ou Mick, à l'efficacité testée sur les campus-radios. Jay Mascis est, en matière de générosité de talent, le plus grand radin de la terre. (inrocks)
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le 27 févr. 2022

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