Heureux possesseur de la voix la plus insensée de l'Histoire de la pop moderne, David Bowie affiche, à l'âge des bilans et à l'instar de son double destroy Iggy Pop, une santé insolente aussi physique qu'artistique. Et, comme pour achever de convaincre les plus soupçonneux des nostalgiques que son talent ne s'est pas envolé le jour de la formation de Tin Machine ou de l'enregistrement du mésestimé Outside, l'auteur de Life On Mars profite du brillant Heathen pour revisiter quelques-uns de ses terrains de jeux favoris (folk lunaire, rock binaire, cold-wave et jungle frénétique pour ne citer que les principaux), en un survol exponentiel de son oeuvre composée exception faite de trois reprises rondement menées de morceaux inédits. C'est donc un Bowie momentanément frappé d'amnésie qui vient aujourd'hui de réécrire les meilleurs chapitres de son histoire avec une maestria sidérante, jetant des ponts entre Ziggy Stardust, sa trilogie berlinoise et le Major Tom de Space Oddity et Ashes To Ashes. Allant jusqu'à interpréter toutes les parties instrumentales de son album (guitares, claviers, saxophone et batterie) en compagnie de son vieux complice Tony Visconti, le plus célèbre des résidents suisses rend hommage à Scott Walker (depuis toujours) et Neil Young (I've Been Waiting For You), tout en saluant les nouvelles générations en reprenant les Pixies (Cactus) ou en confiant à Air et Moby quelques remixes lénifiants. Au final, David Bowie vient de se réconcilier avec ses maîtres, ses émules en herbe et, surtout, le compositeur le plus fantasque de ces dernières années: lui-même.(Magic)