Caught like a sewer rat, alone, but I sail / Bought like a crust of bread, but oh, do I wail

Chronologie The Beach Boys - Part. 18 :

https://www.senscritique.com/liste/chronologie_the_beach_boys/4141338

Toujours mené par Carl en leader et par Jack Rieley au management (spoiler : pour la dernière fois), les Beach Boys ont le mérite à ce stade de leur carrière de toujours vouloir se renouveler , et de ne plus sortir des albums en mode automatique "par obligation" comme ils ont pu le faire par le passé. Même si le succès commercial n'est plus vraiment là , leur musique doit être le reflet de leurs préoccupations et de leurs vies à l'instant T , et non du matériel sucré prémâché à envoyer en radio une fois tous les 6 mois. Après "Carl and the Passion" , qui déjà était marqué par un fort bouleversement de line up, Rieley soumet à la bande l'idée d'enregistrer un album en Europe afin de s'offrir une nouvelle vision. Le groupe dont l'identité californienne est marquée au fer rouge accepte pourtant et c'est la région d'Amsterdam qui est choisie pour servir de lieu d'enregistrement.

Je ne vais pas faire un récap de l'article Wikipedia concernant l'expérience mais le tout ne fut pas de tout repos, tant sur le plan technique que relationnel, Brian peinant à décuver et sortir de chez lui , et Dennis coupant court au délire rapidement pour se barrer aux îles Canaries.

Pourtant l'expérience semble quand même être probante à sa manière, surtout quand on voit comment les défauts de l'album précédent ont été gommés. J'adore "Carl and the Passion" , mais comme dit dans ma petite critique il y a des blocs d'écriture qui peinent à cohabiter ou à trouver une cohérence entre eux. Dans "Holland" , Fataar et Chaplin semblent moins esseulés et leur écriture est partagée avec les autres membres ("Leaving This Town") et Blondie prend même le lead sur le single principal "Sail On, Sailor" , inclus en catastrophe dans l'album après l'enregistrement quand Reprise / Warner ont manifesté leur mécontentement devant l'absence de vrais tubes potentiels. Même Dennis compose deux morceaux, mais laisse le chant à Carl et l'écriture des paroles à Rieley ("Steamboat") et Mike ("Only with You"), ce qui empêche la sensation de l'album précédent de deux morceaux de sa part déconnectés des autres, incrustés là un peu par hasard. On conserve toutefois le duo Mike / Al dans le gros bloc "California", mais qui reste quand même très homogène avec le reste, et les trois morceaux s'enchainent à merveille ,.. On termine même avec "Funky Pretty", une des rares compos de Brian, où les leads chant s'enchainent entre Carl , Al , Blondie et Mike, bordel j'adore quand ils font ça...

Le résultat donne des chansons très contemporaines dans leurs tonalités, avec un côté à la fois folk et funky qui fonctionne super bien, et certaines des paroles les plus travaillées du groupe à ce jour , comme sur "The Trader" composé par Carl, et qui parle avec finesse et intelligence de l'invasion européenne et des dégâts infligés aux natifs américains. C'est d'ailleurs amusant de voir à quel point pour un album enregistré en Europe, tous les morceaux parlent de la thématique du grand départ de chez soi ("Sail On, Sailor" , "Leaving This Town") ou de l'Amérique et de son histoire ("The Trader" et "California / saga") , voire même des deux en même temps ("Steamboat"). En tous cas on a vraiment une sensation d'album complet , fluide , et sans fioriture, travaillé, dense , et au savoir faire indéniable.

Seulement voilà, si j'admire la démarche, si je reconnais toutes ces qualités et même une amélioration par rapport à "Carl and the Passion", et ben , je préfère quand même un peu les morceaux de ce dernier, et encore plus ceux des 2 albums d'avant... "Holland" est très bien exécuté et très bien ancré dans le style de son époque, mais j'ai mis du temps à l'appréhender correctement, à assimiler les chansons, dont il ne me restait rien à chaque fois 10 minutes après l'écoute, même pour "Sail On, Sailor" alors que c'est considéré comme une des meilleurs morceaux du groupe. A ce titre je le rapproche de mon expérience vécue avec "Pet Sounds" , le fait de reconnaitre totalement les qualités formelles d'un immense succès critique, mais en ayant du mal à être impliqué complètement ou à être absorbé par les chansons en elle même. A la fin de cette écoute c'est "California Saga/California" qui pour moi sort du lot, et c'est un de ceux où on reconnait le plus la patte "Beach Boys" traditionnelle, avec les mélodies ensoleillées le rythme up-tempo et les harmonies ciselées...

En fait c'est peut être moi qui n'aime pas le changement...