La dernière fois qu’il nous avait conté fleurette, en pleine promotion de son double album Blinking Lights and Other Revelations, E avait moyennement convaincu : las et visiblement fatigué, l’Américain semblait désireux de passer à autre chose, après six albums et dix ans de loyaux services au sein de Eels. Ce qui, réuni, n’a pas dû être de la tarte tous les jours : cancer de sa mère, suicide de sa soeur, dépression… Quatre années ont passé depuis ce drôle de double disque, le temps pour Mark Oliver Everett d’aller s’aérer les neurones et se laisser pousser la barbichette – il l’arbore désormais fièrement, longue et dense, et même Sebastien Tellier peut aller se rhabiller à Biarritz en été. “Je suis le loup-garou”, prévient-il dans la langue d’Almodóvar (Hombre Lobo), et la séduction opère d’emblée : c’est quand on le sait loin des gros studios de requins, associable, sauvage et très seul dans sa tête qu’on préfère E depuis le début – sa barbe de cent vingt jours est donc une bonne nouvelle sur le papier. Sur le disque aussi d’ailleurs : bien qu’inégal, ce septième album a au final peu à voir avec son prédécesseur, et renoue par moments avec le songwriting impeccable de Beautiful Freak. De That Look You Give That Guy à In My Dreams ou The Longing, Everett enchaîne des ballades sobres et douces, et déballe une écriture humble et toujours très personnelle – ça ne ressemble à rien, ça ne ressemble qu’à Eels –, évitant soigneusement le tapage et les artifices. Quelques passages bruyants (Tremendous Dynamite) ont beau s’être immiscés, l’ensemble, porté également par une poignée de pop-songs groovy sur lesquelles n’auraient pas postillonné Beck (Fresh Blood, Lilac Breeze), mérite qu’on souhaite encore un avenir heureux à notre ami le disque. (Inrocks)


Comme appelé par le chant magnétique de ses semblables, il se meut lentement. Comme débarrassé de toute enveloppe humaine, il se livre entièrement. Comme un loup-garou inspiré, Eels réapparaît finalement. Quatre ans après Blinking Lights And Other Revelations (2005), Mark Oliver Everett a choisi de placer son septième Lp sous le signe de l’animalité. Un cheval de bataille qu’il a toujours effleuré mais jamais embrassé. Ainsi, le Dog Faced Boy de Souljacker (2001) a grandi pour devenir la bête aguerrie de Hombre Lobo. La barbe démesurée à la ZZ Top et la voix encore plus éraillée qu’auparavant, E reprend le sillon de la confession creusé sur ses précédents essais. Le sous-titre, 12 Songs Of Desire, donne d’ailleurs le ton, le chanteur s’épanchant sur ses aspirations et ses frustrations, qu’il les chante ou les hurle (les cris de loup sur Fresh Blood). De ballades moroses en rock explosif, ce disque fait prendre une douche écossaise aux oreilles complaisantes. Un balancement d’autant plus surprenant qu’il repose sur des schémas avérés, le slow de That Look You Give That Guy ou le blues de Tremendous Dynamite. Des chansons minimalistes qui échappent cependant à tous les poncifs du rock primaire en offrant des mélodies saisissantes. Certes, on ne retrouvera pas ici la rutilance de Novocaine For The Soul (1997), mais le loup vieilli a su garder ce talent d’allier simplicité et réussite, pour notre plus grand plaisir.(Magic)
A bien regarder la photo de E figurant sur la jaquette de son dernier album, "Hombre Lobo", on se demande s’il ne s’est pas lancé dans le concours de celui qui aura la barbe la plus longue avec Bonnie ‘Prince’ Billy. Celui qu’on a découvert avec le tube neurasthénique Novocaine foe the soul, que l’on a accompagné dans la dépression suite à la perte de nombreux proches sur "Electro-Shock Blues" et "Daisies Of The Galaxy", que l’on avait retrouvé plus pileux que jamais sur "Souljacker", revient avec un nouvel album qui s’inscrit dans cette même veine, poilue et rugueuse."Hombre Lobo" alterne des morceaux assez rêches et bluesy, avec des ballades plus calmes, nimbées de mélodies pop, dont E a su passer maître au fur et à mesure de ses albums. Ce disque est d’ailleurs l’occasion pour Mark Oliver Everett de nous livrer un disque touchant, modeste et plutôt décontracté. On retrouve avec joie des titres débraillés, velus et brailleurs, tel que ce Prizefighter placé en ouverture, aussi raide et délicieux qu’un vieux tord-boyau. Electrique en diable, cette formule se prolonge sur une bonne moitié de l’album, avec le déchaîné Lilac Breeze, l’explosif Tremendous Dynamite ou encore l’abrasif What’s A Fella Gotta Do qu’on croirait sorti tout droit d’un vieil album de Sebadoh. Alors que l’on sentait déjà notre pilosité repousser, E calme le jeu avec une poignée de balades pop absolument touchantes. Au rayon des petits bijoux, on se gardera l’acoustique et enfantine promenade boisée qu’est All The Beautiful Things. E retrouve alors un peu de sa capacité à nous émouvoir, entre deux titres gavés de riffs électriques. Presque soul, That Look You Gave That Guy et sa basse rebondie accompagnera sans aucune hésitation nos matinées difficiles et fatiguées. Enfin Ordinary Man vient conclure avec modestie ce disque énergique et lumineux.A l’écoute de "Hombre Lobo", on se dit qu’il est tentant de laisser tomber ses obligations familiales et professionnelles pour en finir définitivement avec son rasoir. Un petit chef d’œuvre sur le désir, pas barbant à écouter et suffisamment franc du collier pour qu'il nous accompagne un certain moment. (indiepoprock)
Il fut une époque où Eels était incontournable. De l’époque béni de Beautiful Freaks à, éventuellement, Daisies Of The Galaxy il n’était pas vraiment de bon d’oser critiquer le génie qu’était Mark Oliver Everett, mieux connu par les intimes sous le nom de E. Je dis bien « était » car depuis le bonhomme rame sévèrement pour retrouver l’éclat d’antan. Eels est désormais passé au second plan et ses albums n’ont pas toujours la splendeur de ses premiers essais. Qu’importe, l’énergumène persiste et signe gardant même un public fidèle mais qui ne se fait peut-être plus vraiment d’illusions sur le personnage. Certes, ses disques ne sont pas décevant mais il n’y rien non plus qui mérite la béatification. Jamais franchement mauvais, jamais génial non plus l’œuvre de Eels est pour le moins inégale et ne va pas forcément en s’arrangeant. Hombre Lobo, son dernier album en date, traduit assez bien ce sentiment. Un disque correct qui ressemble plus à une collection de chansons piochées ça et là au lieu d’un ensemble cohérent. Le E n’est pourtant pas lessivé et on sent bien qu’il y a encore de l’envie chez lui mais l’américain ne nous propose plus que de tièdes moments où l’on se dit qu’Everett a peut-être été surestimé pendant toutes ces années. Eels est-il un espoir déçu ? Oui, surement parmi tant d’autres mais, pour être honnête, on savait dès son second disque qu’il n’irait guère plus loin. Ses disques sont depuis longtemps sans surprises et celui-ci ne fait malheureusement pas exception. Un nouvel album est d’ores et déjà prévu pour le début de l’année prochaine. On peut prendre les paris. Celui qui s’intitulera End Times risque fort de ressembler aux précédents. Ca a au moins un avantage, on est sur de ne pas être déçu. (liability)
Mark Oliver Everett, l’homme qui se cache autant derrière sa longue barbe que sous le pseudo Eels, est de ces génies aussi torturés que prolifiques dont l’Amérique a enfanté. Marqué à jamais par le décès de ses parents et le suicide de sa soeur à la fin des années 90, il traîne depuis une solitude, voire même un état dépressif, qui transpire immanquablement dans chacun de ses albums depuis “Electro Shock Blues”. Pourtant, souvent considéré comme un alter-ego de Beck pour sa tendance à toujours innover musicalement, à multiplier les instrumentations comme les collaborations, Eels ne s’est jamais rien refusé. Des arrangements pop complexes de “Daisies Of The Galaxy” au franchement plus rock “Souljacker”, en passant par le bluesy “Shootenanny” ou le panoramique “Blinking Lights And Other Revelations”, tous ont contribué à faire de lui une figure incontournable de la scène rock. Quatre ans après sa dernière mouture, Eels ouvre donc un nouveau chapitre de sa thérapie avec “Hombre Lobo”, un album qui tourne inlassablement autour du désir et de l’instinct animal, qui souligne une fois de plus le talent du bonhomme. Car, même si on l’a connu plus original sur ses précédents disque, Everett fait ici une belle démonstration de ce dont il est capable, optant ici pour un garage rock sulfureux et une voix saturée (”Prizefighter”, “Lilac Breeze”, “Tremendous Dynamite”, “What’s a Fella Gotta Do”), ou là pour de séduisants morceaux pop (”My Timing Is Off”, “Beginner’s Luck”). Mais ce sont aussi, et surtout, ces sublimes ballades mélancoliques, reflets de toute la sensibilité qu’il contient derrière sa gueule de loup, qui donnent à cet album tout son intérêt: “That Look You Give That Guy”, “In My Dreams”, “The Longing”, “All The Beautiful Things” et “Ordinary Man” sont tous des pics émotionnels qui, même en toute simplicité, atteignent immédiatement leur but. Certains y regretteront cette facilité à revenir sans cesse sur une recette qui marche, mais personne ne pourra réfuter la pureté de ses mélodies, l’accessibilité sans borne de chacun des morceaux de ce “Hombre Lobo”, loin de faire pâle figure au sein d’une discographie pourtant atypique. A déguster sans modération en attendant un prochain chapitre en tous points différent. Ou pas. (Mowno)
bisca
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le 24 mars 2022

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Big-Papa-Jones
9

sweet baby, i need fresh blood.....WOOOOOOOOH !!

Encore un sacré bon album, assez expérimentales, et cela , bien qu'il y a comme d'hab, quelques ballades ou Bummer's songs, comme E aime dire, des titres vraiment groovy et puissant, comme Fresh...

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