On ne peut décemment pas reprocher au label Constellation ses engagements politico-esthétiques menés depuis dix ans en faveur d'une utopie musicale libérée d'absolument toute pression extérieure. Mais pour deux groupes réellement importants comme Godspeed You! Black Emperor et Do Make Say Think, le catalogue canadien n'a fait qu'enfler au fil de formations plus ou moins issues des précitées, autour d'une déclinaison sans fin du post-rock, qu'il soit dub, noise, electro ou même yiddish. Version allégée de Godspeed, Thee Silver Mt. Zion Memorial Band & Tra-La-La Orchestra s'est toujours plu à composer une musique de chambre à l'électricité sourde et au souffle épique. Mais à force de gratter les mêmes plaies, d'arpenter les mêmes friches industrielles délaissées par le capitalisme, un nouvel album perd chaque fois un peu du lustre du précédent qui le rendait si surprenant. Sur Horses In The Sky, il y a pourtant une évolution notable : plus strictement instrumental, chaque titre laisse une large place au chant tremblant d'Efrim Menuck, leader enfin décomplexé mais parfois noyé sous des flots de larmes ininterrompus. Dans cette traversée de galériens mystiques, il y a beaucoup de désespoir et de colère ("They set up angels in the electric chairs", gémit-on en ouverture), de violons plaintifs et de choeurs rageurs, et toujours ces soli électriques comme des coups de tonnerre avant le déluge. Thee Silver Mt. Zion met aujourd'hui des mots sur ce qui était hier encore indicible et sa musique ne s'en retrouve que plus dérangée. Cette montagne de souffrance, comme toujours, on ne pourra la gravir que seul.


Groupe déjà culte comme excroissance de Godspeed You! Black Emperor, car formé par trois de ses membres dont le guitariste Efrim, A Silver Mt. Zion s’est rebaptisé depuis trois albums Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band, passant d’une formation de trois à sept individus pour ce nouvel album.Le moins que l’on puisse dire, c’est que si les "Chevaux (sont) dans le Ciel", ce sont ceux que l’on cherche à dessiner dans le ciel étoilé, le soir, allongé autour du feu dans une grande plaine où chevaux et troupeaux paissent en toute tranquillité. On y joue aussi de la musique et tout le monde reprend en chœur ces chansons folk qui s’étirent au gré du vent.

Le chant étranglé d’Efrim n’est pas sans rappeler celui d’un certain Neil Young. Il raconte les souvenirs des guerres oubliées, ceux des guerres à venir, hommage aux soldats morts, sur une musique à la fois poétique et orageuse où les cordes d’un violon ou d’un violoncelle viennent parfois se heurter aux larsens et autres montées en intensité post-rock. A la fois sombre et mélancolique, les complaintes de Mt. Zion savent nous bercer et nous prendre aux tripes. Les canadiens se laissent le temps d’être nostalgique, traînant leurs rêves et les nôtres parfois le long de paysages instrumentaux. Puis ils nous tirent à nouveau vers le bivouac où rien n'a changé. La guitare est là, Efrin chante, les bêtes sont paisibles. On se demande si on n’a pas été envoûté par quelque sorcier indien… (indiepoprock)


Chers Beckie, Efrim, Ian, Jessica, Sophie, Scott et Thierry, Trois ans déjà. Trois ans que vous partagez sans le savoir mon existence. Je vous ai trouvés par hasard, comme lorsque l'on demande l'heure à une passante dans la rue: une simple étrangère fonctionnelle dans mon champ de vision, rien de plus. Je n'attendais rien de vous; nous aurions pu nous éviter, et je n'aurais alors pas souffert comme aujourd'hui. J'aurais été une autre personne, mes goûts se seraient forgés suivant des axes sans doute différents, la musique aurait revêtu une nature peut-être moins affective. Il fut un temps où vous étiez beaux et raffinés. Quelque chose était passé, quelque chose qui allait au-delà des mots - vous n'étiez pas des bavards, c'est certain -, signe que vous aviez trouvé un mode de communication qui agissait sur moi de manière plus subtile. C'était à contre-coeur que toi, Efrim, daignais parfois rompre ce silence, et alors cette retenue mêlée de candeur était la source d'une beauté livide. Malgré nos Yeux Fatigués, nous déplacions des Montagnes. Pour Wanda. Ce manque, je le ressens aujourd'hui cruellement. Notre séparation était inévitable, j'aurais dû en voir les signes avant-coureurs: l'aridité de nos conversations, une sécheresse dans vos voix, cette réticence brusque à vouloir se draper comme autrefois de vos plus beaus atours. Mais surtout, je crois que quelque chose s'est définitivement rompu lorque notre relation est devenue une affaire publique. Trop de gens, de cris, de vacuité. Des transes vocales effroyables dont je me sentais exclu car je n'en comprenais pas les harmonies.J'ai tout fait pour rabibocher nos morceaux: me repasser vos discours régressifs, les disséquer à la recherche d'une hypothétique compensation. Mais c'était constater que vous avez laissé derrière vous ce que vous saviez faire de mieux, des "symphonies inquiètes", comme vous les appeliez. Aujourd'hui, vos instruments sont des cris désarticulés. Violons stridents, des voix effroyablement discordantes osant se permettre d'occulter votre richesse orchestrale au nom du sacro saint Lo-Fi, gage de sincérité de de bonne foi à faire pleurer dans les chaumières. De temps à autre surgit l'espoir fugace que tout n'est pas perdu, mais quelle cruauté! Tout instant de grâce est systématiquement gâché dans la minute.D'aucuns diront que vous avez évolué, grandi, que sais-je. Désolé mais moi pas. Au revoir The Silver Mt. Zion Orchestra, nos routes se séparent ici. A une prochaine, même si je doute que cela soit pour bientôt. (liability)
bisca
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le 10 mars 2022

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