I Bet on Sky
7.2
I Bet on Sky

Album de Dinosaur Jr. (2012)

Depuis bientôt trente ans qu’il est apparu pour la toute première fois, Dinosaur Jr aurait pu saisir moultes occasions de dévier de sa marque de fabrique qui, avec le temps et à la veille de chaque nouvel album, l’a toujours rendu prévisible. Il ne l’a jamais fait, y compris en 2005 quand il mettait fin à huit années d’absence. Tout juste J Mascis, Lou Barlow et Murph auront offert quelques variantes à leur indie rock. Aussi, le trio aurait pu lasser son public. Malgré quelques aspects parfois répétitifs, il n’y est jamais parvenu non plus, la faute à son charismatique frontman qui, en chantant et jouant de la guitare comme personne, aura toujours servi de garantie indéfectible au style Dinosaur Jr. Autant dire qu’il était inutile d’attendre une quelconque innovation de la part de ce “I Bet On Sky”, nouvel et dixième album forcément symbolique.Le trio a beau tenter la surprise avec les quelques notes de synthé en ouverture du disque, le fan ne tombera pas dans le panneau, et pourra même lui rétorquer à raison qu’elles n’étaient pas indispensables au regard de la force mélodique de “Don’t Pretend You Don’t Know”. Celle qui, constamment facilitée par le jeu simple de Murph, jaillit une nouvelle fois à chacun des titres (”Watch The Corners”, “Almost Fare”, “See It On Your Side”), y compris quand Lou Barlow supplée Mascis à deux reprises (le surprenant “Rude”, “Recognition”) sans jamais altérer la cohérence de ce qui restera sans aucun doute un jour comme un des meilleurs albums du groupe. C’est dit. En 2012, Dinosaur Jr joue sur les nuances et les rythmes (l’énergique “Pierce The Morning Rain” répond à la balade “Stick a Toe In”), varie les plaisirs au sein même d’un spectre dont il connait le moindre recoin, et implore inlassablement ces sacro-saintes mélodies électriques qui embarquent bon gré mal gré jusqu’à ce que Mascis les ponctue quasi systématiquement d’un solo aussi jouissif qu’attendu.Plutôt que de se perdre et frôler le pathétique comme de nombreux autres rockeurs à bouteille, Dinosaur Jr dépoussière, lustre sans cesse ici son statut de groupe culte renforcé chaque fois qu’un morceau s’achève. Forts d’une osmose qui semble ne jamais avoir été si forte, les trois sont la preuve vivante que, avec beaucoup de talent, le rock dans son plus simple appareil peut faire mieux que seulement résister au temps: il peut aussi le dicter. (mowno)


Avouons-le tout de suite, nous sommes très, très fans du retour de Dinosaur Jr aux affaires. Loin d’être réservé aux pleureuses ex-fans des nineties en manque de grungeries et de chemises à carreaux portées sous le cuir, "Beyond" était un sacré retour en grâce pour ceux qui aiment le gros rock solide (sans porter au pinacle les descendants qui jouent au plus vintage que Jack White), les envolées de soli (sans forcément regarder Mark Knopfler avec des yeux de chatte humides), et le métal gras plein de pellicules et de sébum (il faut bien l’avouer, mais c’est ça qui est bon aussi). Et si vous avez loupé des épisodes, tant pis et même tant mieux. Rien de (très) nouveau sous les amplis Marshall mais quand même. De bonnes chansons, une évidente envie de jouer et de faire plaisir. Que demande le peuple ? Bah, tout autre chose en fait : Dinosaur Jr reste calibré pour les stades, les radios classic rock, indie. Et c’est tant mieux pour nous parce que Jay, Lou et Murph nous régalent en mode power trio jamais léger sur les pédales, les potards à fond et avec cette voix traînante, limite geignarde mais ô combien sympathique. Si "Beyond" nous avait donné envie, à nous aussi, de pogoter à retourner le canapé (cf la pochette), "Farm" nous avait laissés de marbre, congelés dans le permafrost mais à la réécoute, il n’est pas si mauvais et ne souffrait, peut-être, que de la promiscuité avec le divin album du retour. Bref, "I Bet On Sky" lorgne plutôt sur les deux dernières productions de Super J : "Several Shades of Why", album semi acoustique qui nous livrait un Jay Mascis abandonnant sa planque d’amplis, presque à nu, caché tel une Marie Madeleine grunge sous sa touffe de cheveux filasses (j’espère qu’il me sera beaucoup pardonné pour cette comparaison douteuse parce que j’ai beaucoup aimé Dinosaur Jr) et "The Electronic Anthology of Dinosaur Jr". Dès la première face de la belle galette violette marbrée, un premier constat : Dinosaur Jr a considérablement ralenti le tempo et troqué les guitares au premier plan pour des claviers ! Les cordes synthétiques sur l’ouverture de "Don’t Pretend You Didn’t Know", ça vous secoue son petit lecteur des inrocks mensuel ! Voilà de quoi remettre les pendules à l’heure, gentiment quand même (Jay Mascis c’est un peu notre grand-mère à moustache à tous) et montrer que Jay Mascis, c’est aussi le chantre du changement dans la continuité. Si tout change, c’est pour que tout reste pareil (c’est la leçon du "Guépard" de Lampedusa et de Visconti) : le cœur de Dinosaur Jr n’en reste que plus accessible. Exemple avec cet "Almost Fare", presque mou du genou, comme si on avait coupé la chique aux guitares de Jay en douce (un coup de ce jaloux de Lou B. sans doute) : on en apprécie d’autant mieux les empilements de guitares et de claviers, le refrain toutes guitares dehors et… ce petit solo des familles qui vient couronner la dernière minute. Lou Barlow a même les honneurs de la fin de la première face avec un "Rude" qui semble rescapé des sessions de "Ragged Glory" (hommage à une autre grand-mère à moustache). Dinosaur Jr, en route pour la démocratie ? A défaut, on peut presque parler de parité (une chanson par face pour Loulou donc) avec "Recognition" et son riff entre cascade et hachage menu d’oreilles. Sans oublier son intermède bucolique et sentant son collage, témoignage d’ambiance de studio. Il a la forme Lou ! Et les deux bûcherons, chacun dans leur discipline, lui font honneur. Bien, tout cela est bel et bon. Les affaires sérieuses reprennent avec la face B et "I Know It So Well" : wah wah et batterie qui claque. Les Dinosaur Jr montrent qu’ils sont toujours les patrons du riff qui tue et pour un peu, on aurait presque envie de remonter sur une planche à roulettes. "Pierce the morning rain" enfonce le clou dans le genre Chevauchée des Walkyries, option Fender Jazzmaster et promet de grands moments épiques en concert. Comment se fait-il (se peut-il ?)  que ce gros pépère de Jay Mascis qu’on dit feignant, autiste, balourd soit toujours aussi rapide, prolixe et prodigue ? À l’image du verso de la pochette : on s’en prend plein la tronche… "What Was That", bon dieu, ça tient sacrément la route dans le genre tranquille mais qui t’éclate en pleine tronche (cf le détail qui tue en forme de percussion) !"See It on Your Side" penche aussi du côté de la frontière canadienne et de l’omniprésent grand-père tutélaire et permet d’engranger tout son saoûl, soient six minutes trente, une lente coulée incandescente qui nous laisse les oreilles rouges en choux-fleurs à la Reiser. Bienheureux.Heureux les simples d’esprits qui s’en mettront plein les esgourdes : ce Dinosaur Jr est une petite merveille. (popnews)
Lorsqu’on écoute pour la première fois un nouvel album de Dinosaur Jr, il faut veiller à respecter un protocole d’usage : d’abord s’agenouiller devant le génie du trio américain, ensuite mettre le monde en ruine (à moins que ce ne soit l’inverse). Pour une fois, on change les habitudes et on entre frontalement dans I Bet on Sky, comme pour mieux savourer ses explosions mélodiques. De façon aussi jouissive que surprenante, Jay Mascis et sa bande sont revenus plus entreprenants et spontanés. La moindre des choses quand on réécoute les peu inspirés Beyond et Farm, qui avaient fait suite à leur reformation en 2005. Il y a belle lurette que l’on n’avait pas entendu pareil hymne pour guitares aiguisées, pareil chant pour borborygmes d’outre-tombe et pareilles structures pour rythmes faussement simplets. L’âme du grunge vibre encore. (inrocks)
Puissance, vulnérabilité, grâce : deux de ces adjectifs définissent le grunge, genre que Dinosaur Jr. a contribué à inventer dès le milieu des années 1980. Le troisième ne s’applique qu’à eux, et encore, seulement depuis qu’il ont fait ce geste passionné de recommencer à enregistrer ensemble après des années à ne plus vraiment se supporter. C’était en 2005, Dinosaur Jr passait alors pour un groupe reformé, capable certes de sortir un album, mais ensuite ? Aujourd’hui, ayant franchi le cap en enchaînant sur les 60 minutes brillantes de “Farm” en 2009, ils sont un groupe pareil à n’importe quel autre, engageant des tournées régulières et enregistrant des albums qui repoussent subtilement les frontières de ce qui définit leur son. La différence de taille, c’est qu’après 27 ans, et alors que les Rolling Stones étaient à ce stade de leur carrière entre deux albums oubliés, “Steel Wheels” et “Voodoo Lounge”, la musique de Dinosaur Jr est toujours viscérale et leur âme intacte. Ils ne cherchent pas à presser toute l’inspiration hors du fruit ni l’épuiser vainement, mais prennent le temps de construire des albums construits, intéressants, sensibles, cohérents. Même s’il ne dépasse jamais vraiment les frontières de la formule établie il y a longtemps, “I Bet On Sky”, plus court et donc plus digeste que son prédécesseur, explore doucement de nouveaux tempos, de nouvelles textures, et s’écoute avec plaisir, ne serait-ce que pour sa dynamique. De longues ballades électriques à la mélancolie intense, ponctuées en fin de face (sur le vinyle) par les compositions plus urgentes de Lou Barlow bassiste au demeurant qui apporte, ni plus ni moins, sa touche ‘Sebadoh’ (un groupe qu’il a contribué à créer dans l’intervalle) pour changer épisodiquement le ton d’”I Bet On Sky”. La voix sourde, nonchalante de J Mascis offre un contraste avec l’énergie coruscante de sa guitare, par le biais de laquelle il entre parfois en communication imaginaire avec ses héros, de Neil Young – pour s’en convaincre, écouter l’épique See It on Your Side qui sonne un peu comme un chanson de “Zuma” (1975) – à Kirk Hammett, virant presque systématiquement en un solo final chaque fois plus émotionnel et toujours différent. Groupe singulier qui, s’il enchaîne les numéros de guitare et les chansons à tiroirs, ne paraît jamais prétentieux, mais presque humble au contraire, se retrouvant naturellement là où il a toujours été. La grâce de Dinosaur Jr est dans l’habileté de J. Mascis à écrire des mélodies et des textes qui s’adressent directement au cœur de son public, assurant à Dinosaur Jr. une jouvence prolongée, les rendant capables de conquérir un nouveau public en plus de satisfaire leurs fans anciens. Ceux qui ont aimé “Green Mind” (1991) et le tour plus doux que prit la musique du groupe au milieu des années 1990 vont en particulier apprécier “I Bet On Sky”. Entendre des claviers sur Don’t Pretend You didn’t Know, peut surprendre, mais c’est finalement l’une des choses les plus gratifiantes sur cette chanson assez répétitive qui se termine par une longue plainte d’overdrive là où Watch The Corners ou I Know It Oh So Well cherchent plus clairement à vous faire frissonner tout au long de leurs propres solos. Les franges mélodiques et ambiantes de Don’t Pretend You Didn’t Know souligent directement le ton toujours émotionnel employé par J. Mascis, alors plus minimaliste dans son chant que jamais, puisque sa chanson tourne beaucoup autour d’un seul mot : waiting. La nature vulnérable du groupe est le plus flagrante est sur Almost Fare : «You tell me where to go, shall I meet you? I don’t know”. (indiepoprock)
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le 27 févr. 2022

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redsocks
10

Critique de I Bet on Sky par redsocks

Excellent! Je ne pouvais pas m'imaginer qu'ils soient encore capables de produire un tel album après tant d'années dans le circuit.

le 18 oct. 2012

2 j'aime

I Bet on Sky
IndusFreak
7

Du bon Dinosaur jr.

Le disque démarre bien avec deux morceaux de bonne facture digne des grandes heures de notre dino préféré, petite baisse de régime par la suite mais dans l'ensemble un bon album, qui ne vaut certes...

le 31 déc. 2023

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