Alors qu'Opus Eponymus démarrait sur un petit air de synthétiseur fatigué tout droit sortie d'une chapelle perdue en pleine campagne, Infestissumam nous plonge instantanément dans la nef d'une grande cathédrale. Le morceau éponyme qui ouvre l'album sort le grand jeu: messe en latin, choeurs épiques, orgues et guitares grandiose... Papa Emeritus II n'est pas là pour rigoler et il compte bien nous le faire savoir. D'ailleurs pas le temps de souffler, il enchaîne sans temps mort le morceau suivant, si vite qu'on pourrait croire que l'on écoute toujours la même chanson. "Per Aspera Ad Inferi" reprend tout ce qui faisait la force du premier album de Ghost, à savoir un riff efficace et un refrain entraînant. Mais cette fois-ci la production est beaucoup plus grandiose : un choeur qui accompagne le refrain, le son du synthétiseur plus mis en avant, l'echo dans la voix pour accentuer l'effet cathédrale... Là où le son de Papa I cherchait les petites salles (par goût ou par nécessité ?), Papa II vise clairement les stades.
Il semble d'ailleurs avoir entendu les plaintes de ses ouailles qui lui auront rapporté que son prédécesseur tournait très vite en rond. Aussi, à peine a-t-on eu le temps de se remettre de ce banger, comme on ne disait pas en 2013, que voilà un air carnavalesque qui démarre. Le cirque du freak débarque en fanfare avec "Secular Haze". Alors qu'on pensait que la lithurgie de Ghost ne se dansait que sur le thème du headbang, Papa II nous invite à valser en trois temps en attendant l'arrivée de notre destructeur.
Cependant, alors qu'il ne faisait que nous surprendre depuis le début, il poursuit avec un "Jigolo Har Megiddo" certes toujours aussi entraînant, mais beaucoup plus classique. Les gens de peu de foi craignent évidemment le retour de la routine, mais ce qu'ils ne savent pas c'est que Papa II rime avec généreux. Ce qu'il fait en réalité c'est nous accorder un temps de repos avant de nous emmener vers les sommêts de son ministère.
Surprise, "Guleh / Zombie Queen" s'ouvre sur un jolie slow, une déclaration d'amour à un cadavre. Après le headbang et la valse, voici venu le temps de la vague des bras et des briquets en l'air. Un coeur romantique se nicherait-il au creux de Papa II, lui qui juste avant nous vantait sa libido infernale ? Je l'imagine riant sous cape, juste avant d'ordonner à ses goules de changer de rythmes et de lâcher les riffs de westerns à mi-morceau. Ghost s'aventurerait-il sur les voies impénétrables et délicieuses du rock progressif ? "Guleh" est une ode épique à sa reine d'une nuit d'hiver ponctuée de refrains grandioses.
On est presque éreinté au sortir cette chanson. Rendez-vous compte: Opus Eponymus devenait répétitif au bout de deux morceaux, nous laissant pinailler pour identifier les différences entre chacun. Cette fois-ci, on vient d'enchaîner une messe en latin, un tube dans le pur style de Ghost, une parade du cirque, et maintenant un morceau épique qui flirte avec le rock progressif. Peut-il aller encore plus loin ?
"Belial, Behemoth, Beelzebub". Le choeur reprend a capella, nous donnant immédiatement la réponse: oui. "Year Zero", devenue depuis un classique des concerts de Ghost est LA chanson à laquelle Infestissumam nous prépare depuis le début. Avec son refrain monumentale, amplifié par une production qui met en avant le choeur plus que jamais, difficile de ne pas se mettre à hurler à tue-tête "Hell Satan", et ce même si l'on se trouve dans un RER bondé ou dans la salle d'attente de son dentiste préféré.
En revanche, après cet enchaînement de tueur en série, Papa II est obligé de redescendre, ou de remonter, c'est selon. Les trois morceaux qui suivent retombent dans la formule efficaces mais légèrement ennuyeuse d'Opus Eponymus. En même temps la première partie de l'album est si puissante qu'on lui pardonne aisément.
D'autant plus que Papa II a compris que s'il fallait soigner son entrée, sa sortie est tout aussi importante. Et quelle sortie ! Alors qu'on s'apprête à remettre son manteau, et à quitter l'église en pensant à ce que l'on va bien pouvoir manger, "Monstrance Clock" nous arrête immédiatement et nous appelle à une dernière prière commune. Impossible de résister à ce gospel satanique et réconciliateur et son refrain qui ne demande qu'à être chanté en communion.
Le sacerdoce de Papa II aura été court, mais il aura permis de révéler le chemin qui s'offrait à l'Église de Ghost pour la suite.