Pourquoi lire Diogène Laërce au XXIème siècle ?

Il est indéniable que les Vies de Diogène Laërce sont une mine d'or pour tout historien, de par la richesse des informations qu'elles contiennent. Néanmoins, si l'on n'est pas un universitaire, juste un simple flâneur littéraire quelque peu intéressé par la philosophie, à quoi peut bien servir de lire Diogène Laërce ? Certainement pas à se renseigner sur l'Histoire de la philosophie antique : des synthèses autrement plus complètes et mieux écrites existent de nos jours. En me posant la question après avoir refermé le livre, j'ai trouvé trois bonnes raisons de se plonger dans ces Vies.

La première raison, la plus évidente, est qu'on peut lire l'ouvrage comme un vaste dictionnaire de citations philosophiques. Au milieu de détails inutiles comme l'inventaire des disciples et des testaments, on trouve des listes de citations et d'anecdotes philosophiques, qui certes ne sont jamais analysées, mais peuvent amener à méditer. Pour ma part j'ai été particulièrement frappé de voir à quel point les traits concernant Solon avaient écho dans l'actualité.

La deuxième raison est qu'il y a toujours du bon à lire du mauvais. Diogène Laërce est précieux car il est unique, certainement pas parce qu'il est grand. Ses vies sont assez désorganisées, aucun tri n'est fait parmi les différentes versions de certains événements, l'accumulation semble être sa seule figure de style... Néanmoins, s'il est si intéressant de lire cette Histoire mal écrite, c'est que dans la plupart des éditions elle est suivie d'une vie de Plotin d'un certain Porphyre. Le style de ce dernier est fluide, agréable à lire, en particulier parce qu'il possède un véritable point de vue, qui est en l'occurrence celui du disciple et de l'ami.

Enfin la dernière raison, Épicure. Certes de nos jours on peut se procurer les lettres d'Épicure séparées du reste du livre de Diogène. Pourtant, le même constat s'applique que pour l'aspect historique de l'oeuvre : Diogène Laërce est un mauvais philosophe. Il mélange tous les concepts dans une sorte de julienne de légume philosophique, ne sait pas extraire les points fondamentaux d'une pensée (sa vie de Platon est particulièrement inutile), n'analyse jamais ses anecdotes et ne structure jamais sa présentation des œuvres des maîtres auxquels il prétend nous initier. Quand soudain arrivent les lettres d'Épicure à la fin du livre, c'est un véritable éblouissement de la raison ! La dialectique d'Épicure ainsi que ses raisonnements sont à la fois limpide et profond. Au-delà de leur puissance intellectuelle, ces lettres comparées au reste de l'ouvrage de Diogène Laërce sont une véritable leçon de philosophie, salutaire.

Ainsi les raisons ne manquent pas de lire Diogène Laërce au XXIème siècle, et elles ne manqueront certainement pas pour les siècles à venir.