Chronologie The Beach Boys - Part. 23 :
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A la sortie de "M.I.U" le groupe semble être sonné. La reprise en main des affaires par Al et Mike fut un échec commercial et critique, le désaveu artistique de son groupe renvoie Brian dans les limbes , Dennis se concentre sur sa carrière solo et Carl est , comme souvent, partagé entre les différents clans. Pourtant un deal dans une nouvelle maison de disque a déjà été négocié, et le groupe n'a pas le temps de se poser et réfléchir à l'après, il faut impérativement pondre un nouveau disque dès l'année suivante. C'est ainsi que le groupe rappelle Bruce Johnston, un ancien de la maison à la production pour essayer de recoller les morceaux et aller de l'avant. Carl comprend que Brian n'est pas en état de retourner en studio et se remet donc à composer, chose qui ne lui était quasiment plus arrivé depuis qu'il n'est plus le leader officiel. Cependant il parait clair que la distance émotionnelle et artistique prise entre chaque membre du groupe est trop importante pour réunir tout le monde en studio en même temps. C'est ainsi que plus qu'un album à part entière, "L.A. (Light Album) devient une collection de chansons solos de chaque membre mises bout à bout. Le groupe réussit à gratter une chanson du premier album solo de Mike ("Sumahama") et deux de "Bambu", le prochain album de Dennis qui ne verra finalement jamais le jour ("Love Surrounds Me" et "Baby Blue"). Al propose "Lady Lynda" , et les seules contributions de Brian résident dans le morceau d'intro ( "Good Timin'" , un morceau de 1974 repêché des Caribou Sessions) et de fin ("Shortenin' Bread" , morceau traditionnel qu'il avait arrangé pour l'album avorté "Adult Child"). Carl compose quant à lui 3 chansons avec Geoffrey Cushing-Murray , et la principale contribution de Bruce sera une reprise de leur morceau "Here Comes the Night", en version disco de 10 minutes (!).
Présenté comme ça l'album s'annonce comme un désastre, sans aucune cohérence et avec des membres qui ne peuvent plus travailler ensemble , dont un leader qui a fait une nouvelle rechute après son réveil artistique de ces dernières années. Le boss de leur nouvelle maison de disque ne se fait d'ailleurs pas d'illusion après les premières écoutes, en disant qu'il avait l'impression de "s'être fait bien baisé". La confiance du label est faible, l'attente des fans est quasi nulle, l'horizon parait bien sombre et rien ne va pour la sortie de cet opus.
Et pourtant, par miracle l'album fonctionne... Pas commercialement malheureusement, mais c'est impossible en écoutant "L.A." de dire que le disque est mauvais, et au delà de ça , je le trouve même très touchant. Je trouve touchant que Dennis et Mike offrent certaines des meilleures chanson prévues pour leur album solo, je me fais peut être des films mais malgré la crise du groupe cela démontre un attachement et une fidélité qui dépasse les ambitions carriéristes. "Sumahama" n'est pas une chanson que j'adore, mais au moins Mike a le mérite de tenter quelque chose et à l'inverse de certaines chansons de "M.I.U" celle-ci a de la personnalité, quant à Dennis, ce sont deux morceaux qui portent totalement sa patte et dans la lignée de son fabuleux "Pacific Ocean Blue".
Carl n'a ni le génie de Brian, ni l'inventivité de Dennis quand il s'agit de se mettre à la composition, mais en termes de cœur et de sincérité, et de qualité des arrangements il est à un niveau équivalent. "Full Sail" et "Goin' South" sont deux très belles ballades où sa voix d'ange fait des merveilles, et le "Angel Come Home" qu'il fait chanter par Dennis est au même niveau que les propres morceaux de ce dernier. Même le morceau de Al , "Lady Lynda" (renommé ensuite "Lady Liberty" quand Al quittera Lynda, comme quoi quand rien ne va...) est super avec sa mélodie empruntée à Bach...
Il n'y a que deux chansons en dessous pour moi , le "Shortenin' Bread" de clôture , dont on a l'impression qu'il est surtout là pour faire plaisir à un Brian obsédé par le morceau pendant des années (il y a une anecdote qui traine qui dit qu'Iggy Pop s'est barré exaspéré d'une soirée où Brian jouait le thème en boucle) , et bien sûr, l'éléphant dans la pièce, le bouton blanc au bout du nez, le trou dans la chaussette, le coin de table basse dans le tibia, la reprise interminable et inexcusable de "Here Comes the Night"... On parlait de cohérence et dans l'ensemble le tout se tient bien, mais quand on rajoute un morceau disco de 10 minutes au milieu , forcément ça fait tâche... Quelle idée improbable, franchement, merci Bruce , ça valait bien le coup de te faire revenir mon vieux...
L.A. (Light Album) est à des kilomètres des chef d'œuvres du groupe et souffre encore de ce syndrome "morceaux compilés" qui touche plusieurs de leurs albums, mais par rapport au précédent et au vu du contexte ce disque est une véritable bouffée d'oxygène, et encore aujourd'hui il est loin de faire tâche dans la discographie des Beach Boys. Ce n'est pas celui là qui ressortira des tops du groupe, mais il donne un excellent aperçu de l'état d'esprit de chaque membre et de leur identité artistique à un instant T, avant de rentrer dans une nouvelle décennie pour le moins compliquée, voire carrément dramatique par certains aspects.