Avec cette réochestration de l'incontournable Symphonie des éclairs, Zaho de Sagazan ne fait pas que réarranger musicalement son album : elle le reconstruit de A à Z pour changer le regard sur sa poésie, sur ce qu'elle raconte et ce qu'elle crée.


La mélancolie apaisante laisse place à une intensité émotionnelle particulièrement forte, marquée par l'emploi des cuivres et des percussions mêlées avec parcimonie aux vents. L'orchestre ne l'accompagne pas, elle en fait entièrement partie, formant dès lors un seul artiste particulièrement bouleversant. Dès lors, Zaho ne fait pas que chanter sur une instru différente, loin de là, elle transforme la tonalité, le rythme et la voix donnés à ses textes pour leur donner un tout autre sens.


Le génie réside alors dans le maintien de sa direction artistique un peu électronique, qu'elle intègre à un univers plutôt classique. Cela fait sens, surtout lorsque pendant ma date à l'Olympia en septembre dernier, elle déclare que "elle adore les paradoxes" : l'association de ces deux univers musicaux est inattendue, et pourtant parfaitement gérée. Jamais elle ne se voit dépasser par ses ambitions, livrant l'une de ses plus grandes interprétations vocales.


Plutôt que des fragments d'émotions, elle transforme ce torrent de sensibilité en un seul récit intégrant des transitions entre les morceaux, suivant presque le format du concert orchestral donné en ce moment même : il est bien plus difficile de savourer un extrait de l'album là où chaque morceau a une nouvelle place significative, délivrant une poésie particulièrement fluide. Les transitions imposent une écoute ordonnée comme un concert suit une setlist donnée, pour ne pas qu'on se perde dans l'odyssée musicale que l'on vit.


N'intégrant pas de nouvelles reprises dans l'album, l'artiste s'amuse toutefois à glisser des interpolations des musiciens l'ayant marqué : lorsqu'elle "trip sur du Vivaldi" dans "Le dernier des voyages", elle glisse une partie musicale reprenant l'Hiver du compositeur, ou alors elle intègre une instru de "Another Love" de Tom Odell au milieu de "Est-ce que tu vas bien ?". Cette consécration orchestrale ne fait alors pas qu'une simple célébration des émotions hypersensibles de l'interprète : elle consacre chaque artiste lui ayant donné le souffle nécessaire pour être l'interprète qu'elle est aujourd'hui.


Donnant l'impression d'écouter la bande originale d'un film en-chanté à l'instar de mes adorés Parapluies de Cherbourg, L'Odyssée Orchestrale de Zaho de Sagazan offre un voyage sensoriel particulièrement intense, mêlant la puissance de tout un orchestre réuni au bouleversement créé par une plume rare dans le paysage musical français. La légende Zaho de Sagazan continue d'être forgée, ne cessant de renouveler un style et une sensibilité inimitables.

Franchooouuuille
10

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le 7 oct. 2025

Critique lue 13 fois

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