James Murphy, l'un des musiciens les plus courtisés de l'époque, a passé ses premières années dans une petite ville maussade. Heureusement pour lui, il découvre très tôt quelque chose qui va entièrement conditionner le reste de sa vie : la musique. Il se construit rapidement une géographie musicale personnelle. Bien avant de fonder LCD Soundsystem, il a fait partie d'une flopée de groupes amateurs, dont deux seulement ont sorti des disques : Speedking et Pony. Un jour, alors qu'il est dans un studio en train d'enregistrer des morceaux, il prend en grippe l'ingénieur du son. Une révélation : il décide alors de monter son propre studio, sur les conseils, notamment, de Steve Albini. C'est dans cet endroit, baptisé Plantain, qu'il rencontre, en 1999, un producteur anglais de passage à New York. Il s'agit de Tim Goldsworthy, ex-compagnon de route de James Lavelle, le fondateur du label Mo Wax, avec qui il fonde une entité nommée DFA (Death From Above), destinée à devenir leur pseudonyme de producteurs et le nom de leur label. Cette même année, lors d'une fête de Noël organisée par DFA, il s'improvise DJ, une chose qu'il n'avait jamais osé faire jusque-là. Mais, contrairement aux pratiques de l'époque, il ne se résout pas à jouer un seul style de musique. Il joue les disques qu'il aime et dont il est persuadé qu'ils feraient un tabac si on les passait en plein milieu d'un set de house : Can, ESG, Liquid Liquid, The Stooges, Donna Summer, The Fall. Et ça marche. Ce soir-là, en fait, il semble avoir trouvé les fondations du son de DFA et du futur LCD Soundsystem : du rock brut, qui n'hésite jamais à explorer des territoires vierges, des musiques voisines, à tout mêler sans craindre d'étaler ses influences et, surtout, fait danser. Une sorte de mélange instable entre l'immédiateté du punk-rock et l'hypnotisme de la house. DFA fait ses premiers pas en produisant Radio 4. Surtout, un soir, dans une salle de concert, accoudé au bar, James Murphy tombe amoureux d'un groupe qu'il voit pour la première fois : The Rapture. Leur collaboration débute par de longues nuits passées ensemble, à écouter des disques, puis à enregistrer quelques morceaux, dont le splendide House of Jealous Lovers, puis Echoes, l'album du groupe, sorti il y a deux ans. C'est en travaillant avec The Rapture que Murphy fonde LCD Soundsystem, qui est le pseudonyme qu'il utilise, en tant que DJ, pour ouvrir les concerts du groupe. Son premier maxi, Losing My Edge, fera autant parler de lui que les morceaux de The Rapture. Basé sur une tournerie piochée dans un morceau de Killing Joke, Change, et grommelé à la manière de Mark E. Smith, le chanteur de The Fall, le morceau est une claque phénoménale, qui dévoile tout le talent d'écriture et de composition de Murphy. Pour son premier album sous le nom de LCD Soundsystem, James Murphy n'est pas allé à l'encontre de cette première formule. Son premier souci, en tout cas, après Losing My Edge et son succès critique, a été de trouver le temps de composer tout un album. Conçu à la campagne, le premier album de LCD Soundsystem est pourtant profondément urbain, "une rencontre entre Homework de Daft Punk et Dark Side of the Moon de Pink Floyd". Toutes ses influences, James Murphy a voulu les rendre très explicites, à la manière du dernier morceau de l'album, Great Release, que l'on croirait sorti d'un disque de Brian Eno, décidément le héros de tous les musiciens intéressants des années 2000. Conscient de la ressemblance, Murphy avoue même avoir forcé le trait pour ne tromper personne. Car, avant tout, il demeure un fan de musique, un type qui, dans le fond, ne sait rien faire d'autre et a surtout choisi d'y consacrer toute son énergie.(Inrocks)


Un peu plus d'un an après le ratage (compte tenu du potentiel originel du groupe et du revival post-punk en cours) du Echoes de The Rapture, ses producteurs se lancent à leur tour dans le grand bain de l'album. Losing My Edge/Beat Connection en 2002 et Yeah en 2004, avec l'anecdotique Give It Up entre les deux, nous avaient mis l'eau à la bouche, imparables pour danser crétin, tout sourire (Losing My Edge se fait l'écho du calvaire du "trainspotter" pour mieux l'exorciser) mais la bave aux lèvres. Ces trois singles en trois ans, édités systématiquement en vinyle dans un premier temps, sont rassemblés ici sur un second Cd. Édition limitée ou pas, voilà bien une idée absurde qui laisse orphelins, au nom d'une attitude punk mal comprise, les neuf titres offerts à nos oreilles. Exception faite du fantastique Tribulations (et sa production pour le coup vraiment limite sans que l'auditeur trouve à y redire) et d'un Disco Infiltrator en forme de manifeste, le résultat est pour le moins décevant, voire médiocre. Une fois bien négocié le clin d'oeil de Daft Punk Is Playing At My House en ouverture, tout ça oscille entre velléités (ce Too Much Love très, bâillement, Liquid Liquid) et le vide (Never As Tired, à la Beatles de Dear Prudence, ou comment réinventer l'eau chaude, ici très tiède...) avec comme valeur plancher ce Movement choisi en premier extrait pour attirer le chaland séduit par les guitares des Stooges et le phrasé de Mark E. Smith de The Fall : un rêve qui tourne vite au cauchemar. Après une telle faillite de la part de l'Anglais Tim "Stan Laurel" Goldsworthy, ex-UNKLE, et de l'américain James "Oliver Hardy" Murphy, il ne reste plus qu'à espérer quelque prochain sursaut sur format court ou bien le retour imminent de Daft Punk. (Magic)
LCD Soundsystem est plutôt marrant. L’ancien batteur de punk, fondateur du label américain DFA (Death From Above) — hyper hip, vivant, connaisseur, bref, tout ce qu’on attend d’un label new yorkais moitié arty, moitié party — prend la pop très au sérieux, dans le genre grosse blague bruyante. C’est à un Darkness dadaïste, à un Zappa sorti de South Park auquel on a ici à faire. Ce petit coffret est double. Il y a d’abord un authentique album, au sens où l’on désignait avant un grand album : neuf pastiches dingues, hybrides pop fantaisistes. Le second volume réunit quelques hits culte et autres fameuses blagues musicales de Murphy telles que “Losing My Edge” et “Hey”. LCD est marrant lorsqu’il joue à AC/DC rendant hommage à Daft Punk, ou Wire faisant du ELO, ou James Chance And The Contortions voulant sonner comme N’Sync. Eno n’a jamais été aussi parfaitement (et froidement) imité qu’il ne l’est ici. Mais LCD s’amuse sincèrement lorsqu’il combine les Cars et Tortoise, Can qui se prend pour Boney M, les Slits pour 808 State. On a parfois l’impression d’entendre une comédie musicale ultra sérieuse, basée sur le délire d’un critique rock élitiste obsédé par l’histoire du rock marginal, ce qui n’est pas si drôle. C’est assez touchant pourtant, imaginez — 23 Skidoo joue de la basse avec Janet Jackson. A l’occasion, LCD s’amuse à imaginer ce que serait devenu le monde musical si la mouvance post-punk (initiée au début des années 80 par Factory, Sleeping Bag, Rough Trade, On-U, Postcard, Fetish ou Mute) avait réellement connu le succès commercial qu’on lui prête aujourd’hui, en pleine période de revival, de reformation, de redite. Cet intérêt nouveau étant largement dû à la musique new wave art punk funk qui a poussé au moment de la dislocation culturelle et chronologique de DFA. L’esprit post-punk éclaté en sortait revivifié, dans une nouvelle ère post-house et post-hip hop. LCD est une troupe distrayante, composée d’un seul homme. Cela suggère un univers assez riche et défoncé, où Eno, Giorgio Moroder et Steve Albini sont des frères cybersoul. C’est Prince qui connaît Felt sur le bout des doigts, Stevie Wonder s’il pouvait voir Monochrome Set. Todd Rundgren nourri à PiL, DAF, ACR, Earth Wind & Fire, Air, Iggy, Ziggy et Tricky. C’est Murphy en tant que théoricien, technicien, consommateur, styliste, crétin, mannequin, conjurateur, clown, copiste, hystérique, créateur de goûts, critique, romantique, cynique, animateur de talk-show, et DJ. Il parvient à être tout cela à la fois, il crée un spectacle où le punk intello et le disco débile s’entrechoquent, ce qui n’est apparemment possible que depuis la mort de Ian Curtis, ou peut-être celle de Kurt Cobain. L’extravagance pailletée du showbiz se mêle à la sensibilité solennelle de l’underground. Est-ce bon au moins ? Oui, et c’est bien ce qui compte. Si on n’a jamais entendu les trucs de LCD, on trouvera que ça mérite un culte considérable. On dansera jusqu’à en tomber. Mais si on connaît déjà le bonhomme et son œuvre, on trouvera ça bien, vraiment bien, parce qu’on sait que c’est bien en sachant que c’est bien. Et à la fin, simplement bien, mais pas si bien. Parce que c’est également drôle. Mais pas si drôle. On rira, mais ça ne durera pas. Après on pleurera, puis on mourra. (Rock n folk)
On pouvait craindre que la machine à danser de James Murphy ne finisse par trop bien tourner, et éventuellement à vide, ou que le soundsystem ne se mette à pulser des basses un peu lourdes ou évidentes, transformant le dance-floor en bazar big beat. Raté. L'homme reste, sur la foi de ce premier album, intouchable. Avec la même rigueur chirurgicale que celle ayant servi à lifter cette vieille rombière de dance music sur les frénétiques "Losing my Edge" ou "Yeah", le cofondateur de DFA et producteur de Radio 4 ou The Rapture continue à frapper sec, à échantillonner avec intelligence, à brutaliser et mettre au pas la disco par l'énergie punk (écouter notamment l'explicite "Disco Infiltrator"). Mais il y a plus. Sans doute conscient des limites d'une certaine marque de fabrique, il décide de repousser les limites de son propre univers, variant les figures et les styles : du tubesque "Tribulations", un peu la version new-yorkaise et intelligente du groove lad à la Audiobullys, jusqu'à la révérence finale à Eno, en passant par une réverie pop opiacée faisant se percuter les Beatles et Pink Floyd dans une épaisse fumée de moquette ("Never as Tired as when I'm Waking up"), il décide de couvrir le plus large spectre musical possible. Et presque chaque fois font mouche le même sens de la justesse rythmique, du collage propre et net (mélanger ici synthé vintage et guitares tranchantes, là tablas et infrabasses), la même précision du trait, la montée en puissance idoine. La voix elle-même a gagné en délié et en finesse. Du beau travail, assurément, que vient mettre en relief la présence d'un second CD contenant les tubes mythiques. La comparaison n'ôte rien à l'efficacité d'alors et n'affaiblit pas la singularité de l'aujourd'hui. Deux disques pour le prix d'un, et quels disques : le deal parfait pour danser malin et se faire des tas de nouveaux amis. Yeah ! (Popnews)

Avec sa pochette minimaliste à la Public Image Ltd. illustrant une boule à facettes en guise de programme, le premier album très attendu de LCD Soundsystem n’est autre qu’une bombe venimeuse jetée dans les bacs. Il faut dire que le groupe a soigneusement préparé son effet nous abreuvant depuis plusieurs mois de singles imparables (“Give it up”, “Losing my Edge”, “Yeah”) et de prestations scéniques toutes aussi alléchantes. Que les déjà fans se rassurent, cet album récompensera leur attente fébrile.Fin prêt à en découdre avec la planète rock, LCD Soundsystem a.k.a. James Murphy (qui a composé seul ce disque et laissé Tim Goldsworthy sur le banc de touche) balance la sauce avec une joie potache et un rien de roublardise dans la manière. Résultat, 9 titres minimalistes, frénétiques, détonants, enrobés de basses ronflantes, de beats synthétiques et de poses vocales du meilleur effet. Notre ex-punk converti en DJ techno signe un manifeste sonore imparable, synthèse parfaite de ses deux cultures avec en plus, comme marque de fabrique, ce son sale (crasse) reconnaissable entre mille. Côtés compositions, Murphy fait montre d’un éclectisme surprenant, bien plus fin qu’il n’y parait. Des titres aussi sautillants que “Tribulations” ou “Daft Punk is playing at my house” remplissent parfaitement leur rôle de tubes potentiels mais jouxtent des morceaux plus inattendus comme le très Beatles “Never as tired as when I’m waking up”, ou encore, un “Great release” sous perfusion Brian Eno. C’est que l’homme est un fin lettré, amoureux du Velvet Underground, de The Fall et des groupes au bassiste mutant tels que Liquid Liquid, The Stranglers, Can, prouvant que sous l’ironie de façade réside un authentique homme de goût, bien trop malin pour se laisser enfermer. Après deux compilations DFA sorties en 2004 qui exposaient largement l’esthétique du label, des singles et des productions remarquées (l’imposant Echoes des Rapture), Murphy et son compère Tim Goldsworthyont réussi à imposer un son nouveau, frais, jubilatoire réconciliant les guitares rageuses et l’esprit festif du club. L’album de LCD Soundsystem arrive donc à point nommé pour enfoncer le clou. Ainsi plongée au coeur de la hype, New York s’offre, avec une belle amnésie, des airs de cité mancunéenne laissant Mister Murphy lutter contre son double, le Docteur (Shaun) Ryder. Avec LCD Soundsytem, James Murphy tient enfin son propre laboratoire expérimental, reflet de lui-même et de ses ambitions, après 2 décennies d’activisme musicale forcené durant lesquelles l’homme s’est forgé un statut de soundman indépendant et avisé. Lancée à pleine puissance sa musique agit comme un ecstasy et l’on se laisse gagner par l’euphorie ambiante renonçant à savoir s’il est un authentique génie musical ou un opportuniste recycleur. Certes, ce disque ne brille pas par son originalité mais par une énergie animale et communicative capable de réconcilier tout le monde sur la piste de danse. Now let’s go dancing. (pinkushion)
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le 4 avr. 2022

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