J’aime Biolay. Je l’aime, même si la moitié de sa discographie ne m’a pas vraiment convaincue. J’ai toujours eu le sentiment qu’il sortait un album magnifique (La Superbe, Palermo Hollywood, Grand Prix) et que le suivant était systématiquement une manière de refourguer les chansons qui étaient restées dans le tiroir du projet précédent.
Avec Grand Prix, il est entré dans le monde mainstream, en particulier grâce à un travail très soigné sur la production, très radio-friendly.
Depuis, j’avais le sentiment qu’il se contentait de reproduire une formule — non seulement dans les musiques, mais aussi et surtout dans les textes — que je trouvais presque écrits en mode automatique.
Bref, Biolay était sérieusement en train de s’embourgeoiser, et je pense qu’il a eu la lucidité et le courage de s’en rendre compte. Ce nouvel album me semble être une tentative de réponse courageuse à ce phénomène presque naturel lorsqu’on aborde les rives de la cinquantaine. Biolay prend donc des risques (j’emploie ce mot, mais à vrai dire il n’est pas très heureux lorsqu’on parle de musique, car ça ne reste que de la musique, après tout). D’abord, il sort un double album : 24 chansons, dont aucune — hormis Juste avant de tomber — n’a été écrite pour faire un tube, ce qui va très certainement décevoir le public qui l’a découvert ces cinq dernières années.
Si la tentative est respectable, le résultat est malheureusement plutôt raté. Le premier disque tente de retrouver les ambiances de l’album La Superbe, en mettant en avant les arrangements de cordes. Hélas, les chansons sont loin d’être aussi fortes que sur son chef-d’œuvre sorti il y a déjà seize ans !
Si cette première partie n’atteint donc pas le niveau de son chef-d’œuvre, l’ensemble reste quand même plutôt agréable, avec plusieurs chansons qu’on finit par apprivoiser et apprécier (15 octobre, Soleil profond, Mon pays, Pauline partout).
Si Biolay s’était arrêté là, ce disque aurait été dans le ventre mou de sa discographie — ce qui aurait déjà été pas mal, car le gars a du talent, c’est certain. Hélas, il s’est mis en tête de rajouter une dizaine de titres soporifiques, dans un style (la bossa nova) que je respecte mais qui ne m’intéresse pas du tout.
Biolay a dit dans une interview que ce second disque était une invitation à la sieste, et en ce sens, je peux dire que c’est réussi.
L’autre problème, plus profond, de ce disque, c’est que Biolay, me semble-t-il, n’a plus grand-chose à dire dans ses textes. Quand j’écoute Trash Yéyé, La Superbe ou Palermo Hollywood, j’entends un artiste qui vit des choses et qui les sublime avec la musique. Depuis quelques années, je pense que la vie de Biolay est beaucoup plus rangée et heureuse. Tant mieux pour lui, mais du coup, il ne lui reste plus, dans ses textes, qu’un savoir-faire incontestable, qui finit par ressembler à une caricature par certains moments.
Biolay le dit lui-même : aujourd’hui, ce qui l’intéresse, c’est d’abord la musique et le chant. C’est vrai qu’il a beaucoup progressé sur ce point. Ses mélodies sont la plupart du temps des hommages à la vieille chanson française ou aux géants des années 70-80 (Gainsbourg, bien sûr, à qui il rend deux hommages très appuyés). Il a également énormément travaillé la production de ses disques, qui sont aujourd’hui beaucoup plus aboutis que sur ses premiers albums.
Tout cela est très bien, mais à cinquante balais, Biolay est peut-être devenu un bon musicien au moment où il n'avait plus grand chose à dire.