Let It Die
7.2
Let It Die

Album de Feist (2004)

Des grands écarts et des rebondissements incessants, l'album de Feist en dévoile autant que sa déjà longue carrière, à moins de 30 ans, compte d'expériences entrecroisées et démultipliées, le plus souvent dans l'ombre des autres : Gonzales, Peaches, Broken Social Scene, récemment Albin De La Simone le temps d'un duo surréaliste, Elle aime. Maintenant, son tour à elle est venu. Feist raconte qu'elle a trouvé l'illustration idéale de sa vie d'artiste la première fois qu'elle a grimpé en haut de l'Arc de triomphe, en remarquant les avenues qui partaient dans toutes les directions possibles depuis la place de l'Etoile. Mais l'étoile, désormais, c'est elle, le triomphe ne devrait d'ailleurs pas tarder à la surprendre dans son anonymat. Sur Mushaboom, premier single virevoltant, un bouquet d'instruments de nature féerique parfume instantanément la pièce, et chaque note résonne comme une bulle de champagne éclatant sur du cristal Burt Bacharach. Quant à sa voix, joliment ébréchée par moments, elle épouse pour l'occasion le rebondi velouté d'un sirop de pêche et la couleur pain d'épice d'une Dionne Warwick nouvelle vague. A l'autre extrémité de ses talents d'interprète, quelques chansons plus loin, lorsqu'elle s'approprie un chant folk traditionnel tiré du fabuleux fonds d'archives de l'ethnomusicologue Alan Lomax (When I Was a Young Girl), elle semble attisée par la même fièvre griffue d'une Cat Power. Non seulement elles tiennent debout, les chansons de Feist, mais elles s'aventurent même à jouer les funambules sur un fil de soie, ou à faire des pirouettes, ou encore à glisser d'un pas leste vers la variété la plus suave ? One Evening possède même de faux airs ambrés à la Sade ? sans jamais perdre leur équilibre naturel. Si la métaphore de la place de l'Etoile colle parfaitement à la croissance en mille éclats de la carrière de Feist, on peut avancer sans risque que Let It Die en constitue les Champs-Elysées, son chef-d'œuvre, sa plus belle ligne d'horizon : un disque à la fois majestueux et accessible à tous, impressionnant de prime abord mais très vite familier, un peu tapageur avec ses arrangements en décoration de Noël, mais aucunement vulgaire.(Inrocks)


Découverte sur le magistral premier album de Gonzales, remarquée dans l'ombre pléthorique de Broken Social Scene, la Canadienne Leslie Feist possède tous les atours de la gent féminine chantante. Plus jolie que Patti Smith jeune, plus charnelle que Tracey Thorn (Gatekeeper), plus groovy qu'Alison Statton (le single Mushaboom), plus audacieuse que Björk (Leisure Suite), plus vivante que Billie Holiday (Let It Die), plus sensuelle que Sade (One Evening), plus glamour que Chan Marshall (Lonely Lonely), plus mystérieuse que PJ Harvey (When I Was A Young Girl, pioché dans le répertoire d'Alan Lomax), plus envoûtante que Tanita Tikaram (Secret Heart, cover de l'indispensable Ron Sexsmith), plus féminine que George Michael (la fantastique reprise d'Inside And Out des Bee Gees), plus touchante que sa compatriote Joni Mitchell (la fantastique ballade conclusive Now At Last, signée du regretté Dick Haymes), Feist remporte tous les suffrages au petit jeu des comparaisons subjectives. Pour autant, aussi justifiées soient elles, elles ne doivent pas masquer la personnalité dont Feist fait preuve sur cet enregistrement longue durée, le second après l'inaperçu Monarch (1999). Mélange d'aplomb, de fraîcheur et d'ingénuité, cette demoiselle pétrie d'un talent ahurissant a donc commencé par officier en groupe avant de voler de ses propres ailes. Cette multi-instrumentiste, depuis peu Parisienne d'adoption, se joue des styles avec une sobriété et une modestie exemplaires, auxquelles les arrangements imaginatifs de Gonzales et le mixage limpide de Renaud Letang ne sont pas étrangers. Let It Die ou la naissance d'une future star. (Magic)
La beauté cela ne tient parfois qu’à peu de choses. Leslie Feist, canadienne de 27 ans, a compris que la simplicité est certainement la chose qui arrive à toucher les gens au plus profond de leur être. Pourtant cette beauté aussi simple soit-elle n’est pas à la portée de n’importe qui. Il faut bien se le dire, être touché par la grâce comme l’a pu être Feist n’arrive que trop rarement. D’ailleurs comment ne pas tomber à la renverse quand on entend des morceaux comme « Gatekeeper », « Mushaboom » ou « Let It Die » tant on approche de la perfection. J’exagère peut-être un peu mais que peut-on dire d’autre quand on a plus que les deux genoux à terre ? Pas grand chose, on se laisse faire, on constate l’évidence. Et il serait complètement ridicule de résister à un tel enchantement. Pour une fois qu’Universal (enfin Polydor mais c’est kif-kif) prend un tant soit peu de risques on ne va tout de même pas cracher dans la soupe. Cela serait faire preuve d’une mauvaise foi infecte. Quoiqu’il en soit ce « Let It Die » est disque résolument acoustique avec des sonorités un peu 70’s et dont le l’ambiance est toujours sur le ton de la confidence. C’est comme si vous laissiez parler votre meilleure amie sans avoir à l’interrompre buvant ses paroles comme si elles étaient d’une vérité biblique. Le seul regret est celui de voir que cinq morceaux de l’album ne sont que des reprises. En y réfléchissant c’est un regret bien fallacieux puisque la canadienne a su choisir avec goût et mettre toute sa générosité dans ces versions. On mettra ainsi une mention spéciale à « Secret Heart » morceau de Ron Sexsmith et à « Inside And Out » qui surpasse largement la version originale des Bee Gees. Rien qu’en réécoutant ce morceau j’ai eu l’impression de rajeunir de 10 ans. Je sens que je ne vais pas me lasser de sitôt de ce disque, je le crains. Gros coup de cœur donc et c’est amplement mérité. « Let It Die » est un disque rare à la limpidité sans faille. Foncez ! (liability)
bisca
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le 27 févr. 2022

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