Lilith
7.4
Lilith

Album de Jean-Louis Murat (2003)

Un an et quelques mois seulement se sont écoulés depuis Le Moujik et sa femme, et le chanteur de charme du 6.3 revient déjà, avec vingt-trois chansons neuves dans la besace : l'occasion de goûter à nouveau les fruits de sa toute fraîche collaboration avec Fred Jimenez, le bassiste et désormais alter ego musical débauché chez les fougueux AS Dragon. Une formule inédite qui permet à Murat de triompher dans son art de chanter les animaux, la nature et l'homme qui est un loup pour l'homme. Fabuliste établi, Murat parsème ses refrains d'images bucoliques, de divagations champêtres, de rencontres dans le potager.
Romantique opiniâtre, il évoque cette source d'inspiration inaltérable qu'est la difficulté de la relation avec l'Autre (La Maladie d'amour), les femmes, encore et toujours (Elle pleure ou encore Qui est cette fille ?, question laissée en suspens qui n'en demeure pas moins gracieuse). Lilith, c'est donc la muse, la Lolita, la Loulou. Mais Lilith est avant tout un grand album de courroux, d'acrimonie dissimulée derrière une apparente légèreté et un apaisement fallacieux. "C'est plus le cœur que je sache, c'est l'âme qu'on nous arrache". Des maux furibonds murmurés d'une voix tendre : Murat continue d'exploiter avec brio sa recette de la sauce aigre-douce, chante les ténèbres avec délicatesse, dit le rugueux avec velouté? Et pour cela s'entoure d'une horde d'invités supérieurs, conviant notamment Holden à prêter ses délicieuses voix féminines, confiant les sublimes arrangements de cordes et d'orgue à David Boulter et Dickon Hinchcliffe des Tindersticks' Un album de gens, donc. Mais l'album d'un homme avant tout et qui, dans sa cyclothymie assumée, finit par céder "Tant la vie demande à aimer, je ne peux aimer mourir." Sans cesse surprenant, jamais figé, Lilith offre le portrait d'un homme multiple, bourré de contradictions, qui maquille ses bosses et chiale avec le sourire.(Inrocks)


Grâce à sa faconde exemplaire sur disque comme dans les médias, on en sait désormais beaucoup sur le personnage Murat, tour à tour chanteur et fin mélomane, acteur, peintre érotomane et tailleur de vestes patenté. Frustré de ne pouvoir publier un Lp tous les six mois comme il était d'usage dans les années 60, cet auteur-compositeur prolifique s'offre aujourd'hui le luxe d'un triple album vinyle de très haute volée, le boulevers(ifi)ant Lilith. Manifestement galvanisé par ses récentes aventures musicales qui l'amenèrent, en compagnie de son bassiste Fred Jimenez (ex-A.S Dragon), à enregistrer et défendre sur les routes de France Le Moujik Et Sa Femme, avant d'être terrassé par une cruralgie aiguë qui interrompit précipitamment sa tournée, de loin sa meilleure depuis qu'il s'est enfin décidé à monter sur scène en 1993, notre homme vient d'écrire comme jamais. Qu'il s'agisse de brocarder ses incorruptibles détracteurs d'un jour ("Le Moujik a eu son heure/Mais a fait peur aux enfants") ou de dresser un état des lieux de ses amours au beau fixe ("Hello Lilith/Gorgée de lait"), le plus charmeur des Auvergnats vient de S e Mettre Aux Anges en toute beauté. Enregistré à l'ancienne, en trio (avec Stéphane Reynaud en remplacement de Jean-Marc Butty à la batterie), ce neuvième opus fait la part belle aux lignes de guitares électriques chères à Keith Richards, John Lee Hooker ou Neil Young, dont le Crazy Horse se voit saluer en écriture automatique sur Les Jours Du Jaguar, formidable ouverture qui prétend largement au titre de col infranchissable des vingt-trois morceaux ici rassemblés et enregistrés en... quatre jours. Révélant également une passion sans faille pour le boogie des vétérans Canned Heat sur l'imposante chanson éponyme, Murat gagne haut la main ses galons de guitariste rythmique émérite. Mais c'est finalement en suivant sa voix en perpétuel acte d'amour que l'on mesure vraiment l'importance de cette "lubie qui nous enflamme ", les six faces brûlantes qui composent l'anthologique Lilith. Illuminé par la présence de deux Tindersticks, David Boulder et Dickon Hinchliffe, aux arrangements de cordes et de la trompette de Stéphane Belmondo, l'imparable Le Mou Du Chat s'impose comme un classique digne de Nu Dans La Crevasse ouB r û l e - M o i, alors que le single Le Cri Du Papillon fédère au féminin, tout comme le splendide Émotion. Un peu plus loin, cet éternel complice d'Isabelle Huppert Le Contentement De La Lady semble échappé de Madame Deshoulières décline ses obsessions favorites avec un allant rare et une vigueur inédite dans sa discographie. Sans jamais lasser.(Magic)
T'as aimé le dernier Jean-Louis Murat?", entend-on souvent demander, comme on s'enquiert sur le goût du Beaujolais nouveau. D'abord, il n'y a pas un mais deux Jean-Louis Murat : celui de Lilith 1 et celui de Lilith 2, les deux volets du double-album. On peut même dire qu'il y en a trois puisque Lilith version vinyle, c'est trois galettes de celluloïd. Mais ne compliquons pas les choses, elles sont assez emberlificotées, comme le ronronne joliment Murat n°1 dans "Le mou du chat". Restons-en à la dichotomie CD. L'écoute de Lilith 1 est séduisante, très séduisante... presque trop. Chaque chanson accroche. Mauvais esprit comme on est, on pense à "Foule romaine", on sent les tubes estampillés France Inter. "A la morte fontaine" est une version arabisante d'"A la claire fontaine" ; "La maladie d'amour" a un petit côté "Quelque chose en nous de Kennedy" (de Johnny H...) ; "Le cri du papillon" sonne funky ; "Lilith" avance toutes guitares dehors ; "De la coupe aux lèvres" rappelle les ambiances veloutées de Mustango. Tout fonctionne, tout marche. Bref, Murat n°1 est un fin viseur, il tape dans le mille et du premier coup. Autre image: il caresse dans le sens du poil. Ne nous reste plus qu'à ronronner. Mais voilà, nous, gros chats repus, quelque chose nous manque dans cette confortable câlinerie de coin du feu. Quelque chose comme la nouveauté, l'étonnement, la surprise. Alors Murat sort sa seconde flèche: c'est Lilith 2. Les longs violons de "Se mettre aux anges" répondent à des choeurs satinés. Une sorte de musique de film, grave, solennelle, élégante. Nous voilà dans un autre monde, plus profond et plus aérien, plus rond, plus chaud, plus lent. Les chansons défilent avec fluidité ("Qui est cette fille?", "Emotion", "Le contentement de la Lady"), subtiles et nues, comme débarrassées de toutes les références qui encombraient celles de Lilith 1. On voit des entrelacs, des volutes, des adorables pointillés. Les mots aussi s'accordent mieux, et la voix semble plus à l'aise dans ce dépouillement. Le fantôme de Nick Drake rôde un peu, mais chassons-le, nous sommes bien chez Jean-Louis Murat. Quand même, quelle admirable façon d'ourler ses mots, de parler de glacier, de rhubarbe et d'anges sans verser dans le cucul-la-prâline. A la fin de Lilith 2, frayeur : ça s'emballe un peu, on ressort la grosse caisse et les guitares. Forcément, on tressaute, on a peur que quelques vilains riffs ne chassent la magie. Fausse peur, ce disque est enchanté (la dernière chanson nous paraît superflue mais ne chipotons pas). Non vraiment, l'archer est beau et l'archée est belle, Lilith 1 est brillant et Lilith 2, brillantissime. Donc, oui, on a "aimé le dernier Jean-Louis Murat". Mais ne nous parlez plus de Beaujolais nouveau.(Popnews)
« Le Moujik Et Sa Femme » a à peine eu le temps de refroidir que le sieur Murat nous gratifie d’un nouvel album. Un double de surcroît (triple dans sa version vinyle). Déjà avec le « Moujik… » on avait applaudit des deux mains jusqu’à ne plus les sentir. Et voilà qu’avec ce « Lilith » Murat enfonce sévèrement le clou. Notre auvergnat ne sait plus où s’arrêter et continue à sortir ses disques complètement atypiques, sortant des sentiers battues de la chanson française classique. Disons le tout net, Murat est un fouteur de merde. Il ne se privera pas de tailler un costard à Pagny et Daho, surtout Daho, s’il en a l’occasion. Encore « si, au cours d’un dîner, quelqu’un met Delerm, il se prend une assiette dans la gueule. » déclare-t-il tout sourire à Magic, revue pop moderne. Non Murat ne mâche pas ses mots. Il va sans dire qu’il ne s’est pas fait que des amis dans la profession. Mais c’est ainsi qu’on l’aime le plus. Et puis ses disques parlent quasiment pour lui. Quand on sort des disques de la trempe de « Le Moujik Et Sa Femme », « Mustango » ou « Madame Deshoulières », pour ne citer que les plus récent, on peut bien pardonner quelques écarts de langage. Mais Murat reste un homme bien au fait de sa société et pétris de bon sens. C’est sans doute pour cela qu’il se permet de ne jamais rester insensible. Comme on ne peut rester insensible, une nouvelle fois, devant ce « Lilith », album magnifique qui peut être écouter des centaines de fois sans en ressentir la moindre lassitude. Le premier disque est quasiment parfait. Dès le départ avec « Les jours du jaguar » on sent que l’on a affaire à un grand disque, à du grand Murat. Le disque s’achève sur « Le revolver nommé désir » morceau renversant tant par sa finesse que par sa fragilité touchante. Entre ses deux titres, rien à jeter. Un bonheur de tous les instants. Le second disque est cependant un peu en de-ça du premier. Plus intimiste, il se veut aussi moins électrique. Mais on ne va tout de même pas faire la fine bouche. Sur l’ensemble « Lilith » reste un des plus beaux disques de Murat à ce jour. Jusqu’au prochain en tout cas. Un prochain disque qui ne saurait tarder puisque notre auvergnat se sent assez prolifique ces temps-ci. Suffisamment pour vouloir sortir deux albums par an…(liability)
bisca
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le 5 avr. 2022

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