Chronologie The Beach Boys - Part. 22 :
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Cet album est un immense paradoxe. Ce n'est pas désagréable d'écouter "M.I.U" , on a 12 chansons de 2-3 minutes, des refrains catchys, des harmonies sympas, vraiment ça passe tout seul. Pourtant dès qu'on creuse un peu on comprend très rapidement à quel point son enregistrement a fait du mal au groupe, quitte à quasiment signer leur état de mort cérébrale.
A l'époque on était sur un revival créatif de Brian, avec le soutien total de ses frères qui avaient mis de côté leurs propres aspirations créatives pour lui laisser le champ libre. La suite de "Love You" était "Adult Child", un album terminé et enregistré qui devait continuer dans la même veine de folie douce créative, mais la sortie de celui ci fut annulée à la suite d'un vote de Mike et Al, mécontents de la tournure artistique du groupe ainsi que par les mauvais résultats de l'album précédent. S'ensuivit une guerre ouverte entre ces deux là et les frères Wilson, avec le pauvre Brian paumé entre les deux bandes qui refuse absolument de prendre parti et qui n'est pas assez solide pour se battre pour ses idées sans le soutien de tout le monde. Pourtant il faut quand même pondre un album histoire de clôturer le contrat avec la maison de disque de l'époque, et donc pendant que Carl et Dennis vont se concentrer sur la sortie de l'album solo de ce dernier, c'est Al qui prend les rênes de la production du nouveau Beach Boys, pendant que Mike entraine Brian en Iowa au sein même de l'université du Maharishi pour écrire avec lui des tubes pops à l'ancienne, safe, sans fioritures, sans expérimentations, et disons le sans génie.
Pour la première fois dans l'histoire du groupe, on arrête d'essayer, d'avancer, de puiser au fond de soi même pour sortir des morceaux qui veulent dire quelque chose, pour la première fois on joue la sécurité, on essaye de composer des morceaux faciles à écouter, certes agréables à l'oreille, mais au final fades et tièdes dont il ne reste pas grand chose après l'écoute. Plus de Smile, plus de Love You, plus de Holland, plus de Friends, on veut stopper le chaos perpétuel qui entoure le groupe depuis 15 ans , et se ranger. Et le groupe a assez de talent pour y parvenir, Brian et Mike ont assez de savoir faire pour servir des petits morceaux gentillets qui passent en fond à la radio ou dans les rayons d'un supermarché, mais à ce stade, après avoir sorti tant de chefs d'œuvres , quel dommage... Je comprends totalement la démarche, mais quel dommage...
Al , devenu un peu le recycleur de tubes en chef, s'empare au chant de deux reprises des Del-Vikings et de Buddy Holly , dont le "Peggy Sue" de ce dernier fera même office de premier single, un morceau qui marche mais qui est quand même un signe de découragement global flagrant. Al et Mike recyclent même un de leurs anciens tubes , "Hawai" , à travers un "Kona Coast", forcé et hors sujet. Pour le reste comme je l'ai dit Brian joue le jeu et contribue avec Mike à la composition de morceaux simples, catchys et faciles à écouter , et même parfois plutôt bons ("She's Got Rhythm" , le très sympa "Sweet Sunday Kinda Love", rare apparition de Carl au lead dans l'ensemble), alors que d'autres tombent dans une soupe tiède vraiment peu inspirée ("Belles of Paris", l'infernal "Match Point of Our Love" qui semble sorti d'un bal organisé dans une maison de retraite). Il n'y a que deux morceaux qui sortent du lot car composés et enregistrés auparavant, une chute de "Love You" qui s'appelle "My Diane" , seule apparition de Dennis au chant (chef d'œuvre, un magnifique morceau qui fait partie des pépites cachées du groupe, et de loin le meilleur morceau de l'album) , et un seul rescapé de "Adult Child", qui s'appelle "Hey Little Tomboy" (une plongée dans les recoins les plus malades du cerveau de Brian, avec son obsession sexuelle pour l'innocence de la jeunesse).
Le pire retour de karma de "M.I.U" , c'est qu'il s'agira au final du plus gros four de la carrière du groupe à ce stade , alors qu'en parallèle son double inversé en terme d'inventivité et de sincérité, "Pacific Ocean Blue" de Dennis Wilson sorti l'année d'avant, est unanimement considéré comme un chef d'œuvre, encore à ce jour. Du coup en voulant jouer la sécurité les Beach Boys se sont tout simplement sabordés , en proposant un contenu qui, encore une fois si il n'est pas foncièrement mauvais, n'intéresse ni les fans ni la critique.
Et un deal dans une nouvelle maison de disque ayant déjà été signé, il faut rempiler immédiatement en studio, dans des conditions où le groupe est littéralement en lambeau… Comment un album aussi gentil a pu donner un coup de poignard aussi violent ?