Sale coup pour TV On The Radio. Alors que le quintette new-yorkais mettait la dernière main à son quatrième LP, le bassiste et claviériste Gerard Smith a découvert qu’il avait un cancer du poumon. Cet avatar a été trop tardif pour avoir une influence sur un album (forcément ?) moins convaincant que le chef-d’œuvre Dear Science (2008). Les disques solo de David Sitek (alias Maximum Balloon) et de Kyp Malone (sous l’identité Rain Machine) leur ont-ils pompé trop d’énergie créative ? On retrouve dans Nine Types Of Light, qui compte paradoxalement dix titres, les bases de ce qui a toujours fait la réputation du groupe de Brooklyn : un amour parfaitement intégré pour le punk et la soul, le funk et la new-wave. Parfois, on a l’impression que chaque titre est le résultat d’un concept préétabli. Ainsi, le conclusif Caffeinated Consciousness est un morceau frontal en deux accords, porté par un refrain plus smooth. Pour Will Do, à l’autre bout du spectre, le principe est l’association d’une lente rythmique hip hop à un chant qui devrait accompagner une ballade pop, la guitare est acide et les sons de synthés tranquillement inquiétants. User de stratégies pour composer n’est pas forcément un mal : Brian Eno en a souvent fait l’heureuse expérience, Wire a démarré avec cette méthode. Reste une question en suspens : y aura-t-il un autre album de TV On The Radio ? (magic)
Il y a quelques années, David Bowie s’invitait en studio avec TV On The Radio : les cyniques y décelèrent une preuve de plus du vampirisme de hype avec lequel l’Anglais a bâti son commerce florissant, entre underground et grand public. Ses fans se mirent à rêver d’une collaboration plus poussée, où la production de David Sitek condamnerait Bowie au surpassement, à une excellence rarement croisée depuis qu’il avait ainsi servi de cobaye consentant à Brian Eno, mentor justement de Sitek. Cet album de pop moderne épurée et pourtant luxuriante, ce grand album de David Bowie, TV On The Radio l’a fait… sans David Bowie. En simplifiant les propositions parfois saturées du groupe, en privilégiant l’horizontalité (mélodies étales, lignes sans brisures) à la verticalité (mille-feuille accidenté, dynamique de montagnes russes), la production de Sitek gagne énormément en clarté ce qu’elle perd en mystère, voire en confusion, en opacité. Même plus peur. Et curieusement, ce retour à la normale n’évoque jamais une capitulation. Car même en pleine lumière, en choisissant de juxtaposer les éléments plutôt que de les opposer, les caramboler, la production demeure une matière vivante assez prodigieuse. Cette paix est nouvelle, tant ce groupe était en guerre furibonde contre toute idée de confort, de sédentarité. Le cosmos était son terrain de jeu ? Tout tient aujourd’hui dans le coeur, gros : album étonnamment romantique, évidé de toute tension et anxiété. La danse de travers était son arme fatale ? Aujourd’hui la section rythmique, autrefois si massive, semble jouer sous tranquillisants pour éléphants. Deux exemples de la traîtrise infernale de cet album : le pâle et ondulant Second Song pourrait se contenter, et ça serait déjà énorme, d’être un de ces funks affolés et réduits à la Prince ou Pharrell Williams. Mais il intègre de vastes passages contemplatifs, des fantasmes de crooner lunaire et des rafales de cuivres avec une fluidité assez déroutante. Plus loin, Forgotten continue ce travail de sape des acquis, en une pop vierge, perturbée de mille parasites féeriques, pour rêver en volutes. Revenu à la maison après différentes aventures solo et collaborations, le groupe joue ainsi plus collectif, nettement plus physique et épuré, évoquant régulièrement les Talking Heads (un autre groupe dévié par Eno). Peut-être parce que la maison en question n’est plus un taudis au centre d’un Brooklyn agité, bombardé de sons et d’idées, mais un studio avec vue, lumière et soleil d’une banlieue pacifiée et neutre de Los Angeles, où Sitek est venu chercher (et trouver) la sérénité. Elle lui va à merveille. (inrocks)
C’est les jambes tremblantes et l’oreille suintante qu’on s’est penché sur ce nouvel album de TV On The Radio, le premier après que le groupe se soit octroyé quelques mois de hiatus. Une période qui n’a pas seulement permis à chacun des musiciens de vaquer à ses propres occupations (Maximum Balloon, Rain Machine, le cinéma pour Tunde Adebimpe, etc…). Après avoir tout donné, quasi tout essayé, et couvert une large palette de ses multiples possibilités, il est certain que le combo avait aussi besoin de souffler, de prendre ses distances pour revenir avec l’envie, la motivation, l’inspiration intacte, bien conscient qu’il était de jouer la pérennité de son efficacité comme de son originalité. Car on attend toujours beaucoup d’un album de TV On The Radio. Question de routine à la vue de cette incroyable habitude qu’il a pris à toujours marcher sur les crêtes d’une musique bluffante, plus que jamais accessible avec un “Nine Types Of Light” simplifiant considérablement son jeu. Moins immédiat et énergique que son prédécesseur, ce quatrième album poursuit finalement ce que “Dear Science” avait entamé avant l’heure sur son final “Lover’s Day”: un registre plus sensuel et profond qui s’attarde plus volontiers que par le passé sur deux thématiques certes banales, mais toujours savonneuses quand elles ne sont pas mariées à l’expérience: le désir et l’amour. Mais n’ayez pour autant crainte d’un disque à l’arrière-goût de guimauve: “Nine Types Of Light” a beau transpirer une sérénité inédite chez TV On The Radio, la richesse et la beauté de sa musique ne se sont pas évaporées le temps de ces quelques mois d’inactivité. Les multiples détails de “Keep Your Heart”, l’orchestration croissante d’un “New Cannonball Blues” pourtant un peu terne, les incessants rebondissements au sein d’un même morceau, comme la douce mélancolie de “You” sont là pour le rappeler. Alors en quoi ce nouvel opus montre un énième visage du groupe? Dans les risques qu’il prend lorsqu’il se permet de laisser la section rythmique toute entière au vestiaire au profit d’un banjo et de quelques cordes (”Killer Crane”), ou qu’il emprunte la patte hip hop de Mike Ladd sur “Caffeinated Consciousness”. Ceci pour la partie émergée de l’iceberg et qui suffit au groupe pour ne pas tomber dans l’auto-satisfaction. Car quand on plonge plus en profondeur, on retrouve un TV On The Radio fidèle à son univers, auteur de jolis coups d’éclat bien planqués derrière de soi-disant singles (le pourtant très bon “Will Do”) qui tentent de détourner l’attention. À l’image de leur pochette ou le soleil attend son reflet, “No Future Shock”, “Repetition” ou l’excellent “Forgotten”, s’ils n’emmèneront pas “Nine Types Of Light” chatouiller “Dear Science”, rappellent que TV On The Radio possède toujours un temps d’avance. (Mowno)
On ne s'est toujours pas remis de leur formidable Return to Cookie Mountain, paru en 2006, disque sauvage, brûlant, convoquant tous les sons et les rythmes du rock d'hier et de la soul d'avant-hier dans un fourneau bien d'aujourd'hui. Le choc se révéla si profond qu'il fut difficile d'adhérer au suivant, Dear Science (2008), assez convenu en comparaison. Venant de ce groupe atypique (effectif mouvant, absence revendiquée de leader), formé à Brooklyn en 2001, cette sagesse retrouvée surprenait. 2011 et l'album du millésime lèveront donc l'équivoque : TV On The Radio s'est bien fixé comme but de faire bouger les cloisons. Ce Nine Types of light n'affiche peut-être pas la luxuriance mélodique et vocale de Cookie Mountain, mais l'espace sonore ainsi libéré est joliment investi par des motifs rythmiques et d'épaisses matières instrumentales évoquant des influences aussi vastes que Talking Heads, Prince, Santana, Funkadelic ou Radiohead. Dit comme ça, on pourrait avoir envie de fuir ; mais ici, l'exercice de réconciliation de toutes ces esthétiques n'est jamais gratuit : de cette musique très live se dégagent une profonde humanité et une stimulante joie de jouer. David Bowie adore TV On The Radio. Ce n'est pas anecdotique : son autre emballement des dernières saisons est Arcade Fire, ce qui prouve que le Dorian Gray du rock instruit a toujours l'oreille sûre ; il sait reconnaître les groupes qui comptent et leur assurer la publicité qu'ils méritent. (Télérama)
La tendance actuelle chez les grands rénovateurs du rock semble être d’assurer ses arrières. Les nouveaux albums de Radiohead et Tv on The Radio négocient dans ce sens : si la qualité persiste, aucun n’a démontré une farouche volonté à vouloir se remettre en question artistiquement. Du moins, en regard de ce à quoi qu’ils nous avaient habitués par le passé. Seul le prochain Battles paraît à ce jour prêt à relever le défi exigeant de la prise de risque, mais nous reparlerons plus tard de ce cas précis. Paradoxe, Nine Types of Light est bel et bien un disque de rock expérimental, mais où Tv on The Radio se contente de retravailler - avec succès cela dit - la matière protéiforme développée depuis ses débuts. A savoir, une géniale superposition de guitares atmosphériques, de funk urbain et de rythmiques post punk à la Talking Heads pour les plus évidentes réminiscences. Sans omettre non plus l’apport crucial des voix « afro-disiaques » de Tunde Adebimpe et Kyp Malone. Après Dear Science en 2008, semi échec artistique, mais leur plus gros succès à ce jour (notamment grâce à leur passage sur le label Interscope après 4AD), ce quatrième opus frappe d’abord par son côté limite « radio friendly ». Une démarche d’ouverture qui, après coup, ne surprend pas à l’égard des récents projets du sorcier/producteur David Sitek, qui ne cache plus son intérêt pour des « chansons » moins chargées d’interférences - après l’album de reprises de Scarlett Johansson réalisé par ses soins, sa récréation funky/pop annexe Maximum Balloon l’année dernière, et bientôt le prochain Jane’s Addiction où il officiera comme… bassiste. Y-a-t-il pour autant des raisons de craindre un laisser-aller ? Sur ce point, le collectif de fortes têtes continue indéniablement d’être pertinent. Sans atteindre l’envergure de leur passionnant et arc-boutiste chef-d’oeuvre Return to Cookie Mountain (2006), Nine Type of Light maîtrise pour sa part parfaitement les codes de la mélodie exigeante. Le chant est particulièrement mis en avant sur ces dix titres qui comptent un important ratio de refrains, – les efficaces “You”, “Will Do” et “Second Song” sont les titres les plus facilement accessibles jamais composés par le groupe. Et même si l’évidence de la ballade sensuelle “Keep Your Heart” aguiche l’oreille un peu trop facilement, la voix enivrante de Kyp Malone dérape délicieusement. D’après ce que nous avons pu en lire, Tunde Adebimpe et Kyp Malone expliquent cette outrecuidance pop par l’envie de composer des chansons d’amour. Soit. A moins que ce soudain besoin d’arrondir les angles ne résulte des tentations du soleil de la côte ouest, le groupe s’étant délocalisé à Los Angeles pour l’enregistrement, lieu où réside désormais Sitek. L’usage de quelques violons sur “Forgotten” donne un peu de change au rayon surprise, mais l’usage des cordes qui en est fait n’est pas non plus assez poussé pour véritablement convaincre d’une innovation. Et lorsque le ton se durcit, le riff rock punchy de “Caffeinated Consciousness” évoque curieusement Faith No More, l’illustre formation de Mike Patton, à moins que ce ne soit le mot « Caffeine » qui nous induit en erreur. Ce quatrième album de la bande de Brooklyn ne prendra donc pas de court les fidèles. Après avoir mis un point d’honneur à apporter sa pierre à l’édifice de la musique moderne tout au long de la décennie précédente, les (ex) têtes chercheuses de Brooklyn se contentent cette fois de composer de bonnes chansons, désengagées d’une vision aïgue. « My Repetition is this… » chante aujourd’hui Tunde Adebimpe. Faut-il comprendre par là que le groupe en est bien conscient ? Il faudra attendre le prochain chapitre pour se faire un avis définitif et enfin savoir si, à défaut de rester à la pointe, David Sitek et ses amis ont définitivement décidé de mener confortablement leur barque.(pinkushion)

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le 26 févr. 2022

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