Dieu qu'il est rassurant de constater que dix-sept ans après ses premiers enregistrements (Little, 1990), Vic Chesnutt est encore capable de livrer, sinon son meilleur album, du moins ce North Star Deserter digne de sa réputation. Car aussi dur à avaler cela soit-il, avouons que, ces dernières années, l'auteur des indispensables Is The Actor Happy? (1995) et About To Choke (1996) ne semblait plus y croire lui-même. Heureusement, l'intérêt de son vieil ami cinéaste Jem Cohen n'a jamais faibli, au point que ce dernier prenne la direction des opérations, sélectionnant les meilleurs titres parmi la montagne de démos envoyées par le génie brisé d'Athens. Avant de s'envoler pour Montréal, rejoindre Thee Silver Mt. Zion et Guy Picciotto (Fugazi) au légendaire studio Hotel2Tango pour enregistrer sur un antique magnétophone à bandes le disque live qui ne manquera pas de relancer son auteur pour un tour… Alternant les plages intimistes acoustiques et les séismes électriques du géant barbu Efrim Menuck, ces douze chansons – dont une superbe reprise du Fodder On Her Wings de Nina Simone – donnent le sentiment d'y être pour de bon : là, sur ce plancher qui craque, entre contrebasse et violons, on se délecte de l'intelligence de ces textes au bout du rouleau, de cet humour revenu de tout. Et lorsque sur le sublime Glossolalia, Chesnutt chante “My soul in its special hell of wet mortal limits” sur une mélodie écrite par Jeff Mangum (Neutral Milk Hotel), on sait qu'il retrouve, comme jadis avec Lambchop, le plaisir de la musique collective. L'émotion qui se dégage de cet abandon est palpable. Aussi fructueuse que la collaboration entre Tortoise et Bonnie ‘Prince’ Billy (The Brave And The Bold, 2006), North Star Deserter unit une fois encore deux monstres sacrés de la musique américaine. (Magic)


Bon, avouons-le tout net, j'avais un peu décroché des précédents albums de Vic Chesnutt, après cet âge d'or des années 1990 qui avait culminé avec "Is the Actor Happy?" ("About to Choke" était un peu en deçà, ainsi que "The Salesman and Bernadette" en 1998, malgré certains très beaux morceaux). Alors ne boudons pas notre plaisir, nous sommes très heureux de voir revenir cet artiste sur le devant de la scène, surtout avec un album d'une telle qualité. En effet, pour se renouveler, celui-ci a fait appel aux Canadiens de A Silver Mt. Zion / Godspeed You! Black Emperor et autant les chansons de l'Américain prennent de l'ampleur grâce à la créativité des membres du label Constellation, autant ces derniers profitent du format plus "chanson" de Vic Chesnutt pour resserrer les mailles de leur musique. Sans compter que le songwriter d'Athens alterne avec brio chansons intimes et feux d'artifices sonores : on commence avec "Warm" et ses paroles entre cruauté et douceur avant d'embrayer avec "Glossolalia" dont la fin, avec ses chœurs magnifiquement entremêlés, est triste et grandiose comme une scène de désolation dans un film de Kusturica. La suite, ce sont les falaises de guitares abruptes de "Everything I Say" puis après "Wallace Stevens", petite comptine de transition, "You Are Never Alone", autre temps fort de l'album avec ses paroles déstabilisantes et ses parties voix superbes. Nouveau changement d'ambiance avec le très intime "Fodder on Her Wings", reprise à couper le souffle de Nina Simone et Chesnutt enchaîne à nouveau les titres très (bien) habillés ("Splendid", les 8 minutes sous haute tension électrique de "Debriefing") et les chansons faussement dénudées comme "Rustic City Fathers", "Marathon" ou le très court "Rattle" qui termine cet album qui étreint autant qu'il étrangle. Un album dont les cimes sont aussi belles que les abîmes. Un grand album de Vic Chesnutt.(Popnews)
La genèse de cet album pourrait être de ces histoires qu'aiment à se raconter les fans de musique indé le soir au coin du feu. Vic Chesnutt, c'est un nom que ceux qui s'intéressent à la musique ont au minimum déjà entendu ou lu ; certains chérissent les albums, notamment "Drunk" et "Is The Actor Happy", qui ont fait de lui un des meilleurs chroniqueurs folk de l'Amérique des années 90. Puis Vic Chesnutt, moins bien entouré, un peu laissé dans son coin, était un peu retombé dans l'anonymat depuis plusieurs années. Jusqu'à sa rencontre avec les gens de Constellation.Intégrer Constellation, c'est un peu comme intégrer une famille, dans laquelle tous les musiciens viennent prêter main forte aux autres, afin que l'album produit soit le meilleur possible. Et c'est là que la magie de "North Star Deserter" opère. En fans dévoués et respectueux, les musiciens de Silver Mt Zion ou Hanged Up, entre autres, sont venus habiller les chansons de Vic Chesnutt et leur donner un relief éclatant. Ainsi la rage par le passé sourde de ces chansons éclate dans les saillies électriques de Everything I Say ou Debriefing, morceaux à la tension et à la beauté noire époustouflantes. Ailleurs, ce sont les arrangements de cordes qui entraînent les morceaux vers des sommets d'émotion, comme sur Glossolalia et son refrain repris en choeur. Mais jamais ces musiciens ne viennent voler la vedette à Vic Chesnutt, phagocyter sa musique. Ils sont toujours là comme une superbe armée de l'ombre, dominée par la voix à la fois fragile et sûre de Vic Chesnutt, qui récite ses mots de frustration, de colère ou de nostalgie. Et puis il y a ces éclats lumineux qui viennent transcender l'ambiance sombre et grave de cet album, et qui jaillissent de manière inattendue : on pense au refrain élégiaque de Splendid, qui porte son nom avec une pertinence rare, ou à la solennité de You Are Never Alone, superbe respiration.Tous ces éléments font de "North Star Deserter" un disque immense et une véritable balise : pour Constellation, qui édite pour la première fois un artiste déjà porteur d'une certaine notoriété, pour cette année musicale, qui trouve peut-être là son sommet, et espérons-le, pour la musique folk toute entière, qui viendra puiser dans cette intarissable source. (indiepoprock)
Parfois la réalité rattrape la fiction. Vic Chesnutt ferait par exemple un parfait personnage de film ou de roman. Enfant adopté, se laissant vite débordé par une existence erratique entre alcool, drogue et menus larcins, il se retrouve cloué dans un fauteuil roulant depuis 1983, suite à un accident de voiture en état d’ébriété. Ce cabossé de la vie n’a donc jamais eu à aller chercher très loin l’inspiration de ses folk-songs... L’ancien protégé de Michael Stipe (REM) a connu un début de carrière plutôt remarqué dans la première moitié des 90’s (ses troisième et quatrième albums, “Drunk” (1993) et “Is The Actor Happy?” (1995), revenant souvent comme ses meilleurs…), mais s’est toutefois montré moins convaincant lors de la dernière décennie. Ce douzième album le voit aujourd’hui revenir à un niveau inespéré. Il faut dire que l’Américain a su intelligemment s’entourer en allant enregistrer ce très beau “North Star Deserter” à Montréal, aidé par quelques invités de luxe parmi lesquels les membres de A Silver Mt. Zion, Bruce Cawdron (percussionniste de Godspeed You! Black Emperor) et Guy Picciotto (guitariste de Fugazi)… Le folk habituellement si dépouillé de Chesnutt trouve ainsi une deuxième jeunesse dans les arrangements lumineux et pourtant discrets de ses nouveaux amis. On évolue ici dans un folk progressif qui rappelle parfois le meilleur de Pink Floyd ou Radiohead, ou encore le plus récent Sufjan Stevens. La voix de Vic fait toujours son effet, traînant ses syllabes jusqu’à ce qu’elles se déchirent elles-mêmes de sa bouche, laissant une sensation de perpétuelle douleur dans ses chansons. Difficile de préférer un morceau à un autre, tant l’album séduit par son homogénéité. Des ballades acoustiques pures (”Warm”, “Rustic City Fathers”, “Over”…) aux compositions plus alambiquées (”Glossolalia”, “You Are Never Alone”, “Splendid”, “Marathon”…), en passant par la violence sourde (”Everything I Say”, “Debriefing”) ou la reprise habitée du “Fodder On Her Wings” de Nina Simone, cet album n’a pas de réel point faible On ne pourra pas non plus venir le titiller sur son artwork, superbe digipack pour lesquels le label Constellation est désormais aussi réputé, dans un tout autre style, que les Anglais de Lex par exemple“North Star Deserter” se positionne donc d’ores et déjà en bonne place pour le palmarès 2007, même si une écoute prolongée de ce disque sera sans doute contre-indiquée aux personnes souffrant de neurasthénie chronique. A moins d’avoir aussi des tendances masochistes, et là c’est du pur plaisir.. (Mowno)
bisca
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le 19 mars 2022

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