Private Dancer
6.5
Private Dancer

Album de Tina Turner (1984)

Le « comeback de la décennie » ? Probablement.

Tina avait passé des années 70 à accumuler des albums au mieux médiocres et elle restait sur une série pas bien reluisante avec « Rough » et « Love Explosion » en 1978 et 1979. Elle avait fui la violence de son mari et mentor, Ike, un soir, elle était partie et devait maintenant suivre sa propre voie, repartant presque de zéro en se produisant dans des hôtels et casinos miteux ou encore pour la convention d’employé(e)s d’une chaîne de fast-food (véridique !). Elle accepte même pour survivre de passer dans des émissions de tété au rabais (elle a raconté qu’à cette époque, ses enfants avaient l’habitude de dire : « Maman se tape la honte à la télé »…). Elle reprend à chaque fois les mêmes chansons des sixties, « River Deep Moutain High », « Proud Mary »…Elle n’avait même plus de manager et a dû lutter pour utiliser son nom puisque Ike l’avait déposé comme une marque !!! Le grand public l’avait même oubliée mais elle n’avait jamais lâché la corde, avalant de la vache enragée pour survivre, peu importe. Et puis voilà qu’ne 1984 elle fait paraître ce qui reste un de ses meilleurs albums, ce « Private Dancer » inespéré qui va tout changer (20 millions d’exemplaires vendus !), rempli de tubes et même les morceaux qui ne l’ont pas été étaient très bons. Un album qui va la hisser au niveau des superstars de la pop et du rock, les Madonna, Michael Jackson, Prince, Bowie ou encore Springsteen et qui a fait dire que c’était le comeback de la décennie, voire du siècle ! Tina, elle, est restée lucide et a gardé les pieds sur terre : « Je ne le considère pas comme l’album du retour. Tina n’était jamais arrivée nulle part. » a-t-elle avoué.

Tout commence avec la rencontre avec John S. Carter, boss de Capitol Records, qui la fait signer en 1983, malgré une opposition au sein de la maison de disques, et fait de son premier album pour le label un des albums les plus vendus des eighties. Tina rencontre Martyn Ware et Craig Marsh, qui ont mis la new wave sur orbite au sein de Human League, ont pris la tangente pour tenter d’inventer une soul moderne très british sous la bannière de Heaven 17 et de B.E.F. (British Electronic Foundation). Ce sont eux qui vont être les architectes de cet album. La soulwoman est désorientée au départ par leurs méthodes travail : elle est seule dans le studio face aux machines, les immenses synthés d’époque qui trônent dans le studio et lui font penser à une machine à rayons X ! Le choix des reprises est de 1ère qualité d’abord, que ce soit le magnifique « Help » des Beatles (toujours casse-gueule) enregistré avec les Crusaders de Joe Sample, « 1984 » de Bowie ou une excellente reprise funky de « I can’t stand the rain » de Ann Peebles. Quant aux originaux, ils sont eux aussi réussis avec « I might have been Queen », « What’s love got to do with it ? », « Better be good to me » ou encore « Steel Claw » illuminé par la guitare d’un certain Jeff Beck, rien que ça, hélé par la patronne juste avant son solo ! Et puis, à part, le titre du renouveau, « Private Dancer », ballade sensuelle et légendaire, écrite et composée par Mark Knopfler, où Tina nous rappelle qu’elle est avant tout une des plus grandes soulwomen de l’histoire. Et là aussi, El Becko vient glisser un sublime solo, fichtre !

Toutes les chansons ne sont pas géniales, certaines sonorités synthétiques n’ont pas bien vieilli mais voilà comment Tina, les musiques noires américaines coulant dans ses veines, injecte de la pop et du rock dans ses chansons, ce qui aurait pu apparaître comme artificiel ou opportuniste mais elle réussit à séduire des publics très différents, grâce à son talent et sa sincérité. Même Bowie affirme que Tina est sa chanteuse préférée. Dès le succès de « Private Dancer », la tournée est lancée et elle sera phénoménale. Cent quatre-vingts concerts dans la foulée de l’album. Plus de 100 millions de dollars de recettes. Une prestation en majesté pour le concert Live’s Aid, à Wembley, en duo avec Mick Jagger – dont elle interprétait les compositions à tout bout de champ quand elle tournait avec Ike et ses danseuses. Le coffret anniversaire qui vient de sortir en 2025, à l’image des albums suivants qui ont subi le même traitement, est superbe alliant qualité du son, présentation soignée, nombreuses raretés dont « Hot hot for you baby », remixes, faces B, versions live et deux concerts, à Chicago en 1984 (existant en bootleg depuis longtemps) qui commence par « Let’s pretend we’re married » du Kid de Minneapolis et le concert de Birmingham 84, filmé comme un grand clip vidéo (55 mn) mais à la fin duquel Bowie arrive pour chanter « Tonight » puis « Let’s dance » ! Pas mal de ces versions live ont été réutilisées dans le « Tina Live in Europe ». Une édition qui ne se moque pas du fan, c’est malheureusement devenu rare aujourd’hui…Une grande artiste qui nous manque mais a su s’arrêter dignement. Quand elle arrivait telle une lionne sur scène en hurlant : « Hi everybody ! Are you ready for me ? », que pouvait-on répondre d’autre qu’un immense « Yeaaah ! » 👍 . 7/10 pour le seul album studio mais un gros 8 pour le coffret deluxe.

JOE-ROBERTS
8
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le 24 août 2025

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