Riot City Blues
6.9
Riot City Blues

Album de Primal Scream (2006)

Douze ans après Give Out But Don't Give Up, et trois albums fortement marqués par l'électronique, Primal Scream décide enfin de renouer avec ses racines, le rock'n'roll. Un retour salutaire, au vu du résultat mitigé du précédent essai, Evil Heat, qui commençait à voir le groupe tourner en rond. C'est aussi cela, la force de Primal Scream : pouvoir jongler entre les styles, et ainsi relancer la machine comme au premier jour. Si les esprits chagrins trouveront toujours à redire sur le rock old school de la bande de Bobby Gillespie, nul doute que Riot City Blues marque à nouveau une étape dans la carrière du groupe.

On le sait depuis les premiers albums, Primal Scream est avant tout un groupe de rock'n'roll stonien, un peu hippie sur les bords. Pourtant leurs meilleures œuvres sont sans nul doute Screamadelica, Vanishing Point ou XTRMNTR, composés en grande partie de musique électronique. Finalement, aucun des albums rock du groupe ne peut prétendre se mesurer à ces monuments, mais quelque part, c'est logique, leur portée et leur ambition n'étant pas les mêmes. Give Out But Don't Give Up est considéré comme un album mineur de Primal Scream, et on a réservé le même sort à Riot City Blues. Pourtant, nul besoin de connaître le groupe par cœur pour comprendre que ce dernier opus retranscrit le plus fidèlement, bien mieux qu'aucun autre album, ce qu'est Primal Scream.

On sentait déjà le groupe dans son élément avec Give Out But Don't Give Up, mais cela se ressent encore plus avec Riot City Blues. Entretemps, la bande a acquis de l'assurance, de la maturité, s'assume enfin, dans tous ses choix. C'est aussi pour cela que Bobby Gillespie a remisé au placard les trips expérimentaux résiduels de Give Out, pour se concentrer sur la matière la plus pure, les compositions sommaires mais efficaces, envoyées avec la sainte trinité : guitare basse batterie.

D'ailleurs, Primal Scream n'a jamais autant sonné stonien que sur Riot City Blues. Des chansons comme Nitty Gritty, avec son riff richardsien, Dolls, ou le très décontracté Hell's Comin Down, font écho à la désinvolture désormais révolue des Stones. L'ambiance dégagée par Riot City Blues peut ainsi évoquer celle de Beggar's Banquet ou Exile On Main Street. Une urgence, une fraîcheur qui se font de plus en plus rares à l'heure actuelle. En fait, avec Riot City Blues, Primal Scream donne la formule que tous les groupes de rock actuels cherchent encore en vain. Le seul secret de la troupe de Bobby Gillespie, c'est de ne pas se prendre le melon, de ne surfer sur aucune hype, mais juste de ressentir une musique qui lui est naturelle.

Le groupe a d'ailleurs enregistré à l'ancienne, dans un studio, en quelques jours, avec deux ou trois prises en direct (par contre ne me demandez pas pourquoi ils ont mis quatre ans à sortir un nouveau disque, j'en sais rien, enfin si j'avais autant de tunes, j'en branlerais peut-être autant). D'où ce résultat spontané, décapant, avec des chansons aussi tueuses que The 99th Floor. Le son est superbe, très roots, autant avec les guitares acoustiques qu'électriques. On a ainsi droit à de grands moments de nervosité, comme le quasi punk Suicide Sally & Johnny Guitar, Nitty Gritty, ou Dolls. Et depuis quand un single tubesque n'a été aussi simplement bon que Country Girl ?

A côté Primal Scream réserve deux plages plus expérimentales, sinon complexes, When The Bombs Drops et Little Death, aux teintes psychédéliques, avec guitares en fusion (jouée par Will Seargent de Echo & The Bunnymen). Le final pose la dernière pierre à l'édifice, Sometimes I Feel So Lonely étant une des plus belles ballades screamienne, laisant flotter un soupçon de vague à l'âme, de nostalgie, comme aux plus belles heures de Neil Young.

Avec Riot City Blues, Primal Scream réalise ainsi son album rock ultime, essentiel, simple, définitif, efficace, fédérateur. Malgré les apparences, bien plus qu'un simple disque de rock festif et couillu, Riot City Blues est surtout le résultat de vingt ans de carrière, un jalon, un disque somme, qui n'aurait jamais pu voir le jour sans les années, l'expérience et les tranche de vie qui ont émaillé le parcours du groupe. Bref, voilà un grand album comme on n'en fait plus, dont on reparlera dans quelques années, quand Primal Scream verra sa côté réévaluée, et Bobby Gillespie prendre la relève d'Iggy Pop, en rocker pré retraité hype.
benton
9
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le 6 juin 2012

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benton

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