Riot City Blues
6.9
Riot City Blues

Album de Primal Scream (2006)

On vit une drôle d'époque. Les Stooges jouent au Zénith. Les New York Dolls sortent un nouvel album. Keith Richards nous fait toujours rire. Et Primal Scream, en activité depuis plus de vingt ans, n'a jamais si bien porté son nom. D'un groupe comme Primal Scream, kaléidoscope psychédélique qui a fait briller ses plus belles guitares sur le dance-floor des années 90, on était en droit de ne plus rien attendre. Or, le gang de Bobby Gillespie revient avec un album dont le propos tient en un mot-sésame : yeaaaaaaaaaaah !
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple, s'est dit le vieux Bobby en extirpant de sa discothèque les valeurs sûres, les disques qui n'ont jamais eu le temps de prendre la poussière ? Dylan, T. Rex, les Stones, les New York Dolls, Iggy Pop, voire un petit Lynyrd Skynyrd.
Les titres des chansons de Riot City Blues annoncent la couleur : Country Girl, Nitty Gritty, Suicide Sally & Johnny Guitar, We re Gonna Boogie, Sweet Rock'n'Roll? Riot City Blues est un simple disque de rock'n'roll. Très simple, et très bon. Du rock'n'roll d'Amérique fantasmée, avec des boots poussiéreuses et des chemises à boutons nacrés. Du rock de biker, de buveur de bière, plus crasse que classe, sexy et sans manières. C'est toujours de la dance-music, mais à écouter sur un juke-box, pour danser sur un parquet fumant au bras tatoué d'une blonde en minishort de jean. Ici, Primal Scream n'a d'autre ambition que de traverser le miroir, rejoindre une mythologie qui le fascine et le dépasse. Sans nostalgie, sans prétention, sans complexe. Ultraréférencé, tout cela pourrait être aussi ennuyeux que les récents albums des Raconteurs ou de Wolfmother. Or non, c'est beaucoup mieux que ça. Primal Scream joue de la musique de branleur, mais passionné par son sujet. Du blues-garage désossé de We re Gonna Boogie au psychédélisme orientalisant de Little Death en passant par l'hymne Country Girl, Riot City Blues est une virée pleine de péripéties, glam et white-trash, dans l'œil du cyclone rock'n'roll. Certes régressif, mais toujours jouissif.(Inrocks)


Le concert hallucinant que Bobby et ses hommes ont livré lors des dernières Transmusicales laissait présager d'un retour aux bons vieux préceptes du rock'n'roll. On en ressortit même avec l'envie de répandre la bonne nouvelle : Riot City Blues réussira là où Give Out, But Don't Give Up avait (partiellement) échoué. La vérité est plus complexe. Avec la trilogie Vanishing Point/XTRMNTR/Evil Heat, l'un de nos "groupes préférés de tous les temps" a commis un sans-faute, sachant se réinventer tout en collant à l'époque. Aujourd'hui, Primal Scream peut donc se permettre un retour aux sources car même s'il est un peu décevant, Riot City Blues est avant tout un disque de fête. On le divisera en trois parties : les bons morceaux, les mauvais et, n'y allons pas par quatre chemins, le meilleur titre de ces cinq dernières années. Dans la première catégorie, le single Country Girl fait office de mètre étalon, sûrement le plus rudimentairement tubesque depuis Rocks, dans un axe The Rolling Stones/Faces/Black Crowes bien senti. Du pur jus de chique, comme les Stones de la grande époque avec ce qu'il faut de hargne et de panache, comme le prouvent Nitty Gritty et Suicide Sally & Johnny Guitar qui lui succèdent. Dans la deuxième partie de Riot City Blues, cette inspiration finement rétrograde va se déliter en une série de clichés lourdingues (The 99th Floor, We Are Gonna Boogie, Sweet Rock'N'Roll), où le groupe se fait plaisir tout en oubliant qu'ils sont en train de réaliser un album de Primal Scream, pas d'enregistrer des faces B pour les singles à venir tout en se bourrant la gueule. Heureusement, l'Everest du disque est un sommet imprenable et justifie à lui seul son acquisition. When The Bomb Drops est, répétons-le, le meilleur morceau entendu depuis des lustres. L'intro est pompée sur Reverberation des 13th Floor Elevators, et la guitare invitée de Will Sergeant donne un indéniable ton Echo And The Bunnymen, mais When The Bomb Drops est tellement énorme qu'on se retrouve avec un hybride fascinant qui laisse augurer des noces tardives entre Joy Division et le Crazy Horse de Neil Young. Soit l'alliance parfaite entre le psychédélisme cold-wave du Nord de l'Angleterre et la furieuse électricité des guitares américaines. Et pour penser et surtout réussir une telle gageure il n'y a toujours qu'un groupe qualifié en ce bas monde : Primal Fuckin' Scream !(Magic)
Pour ceux qui aiment les déflagrations électro-punk de la bande à Gillespie ("XTRMNTR" et "Evil Heat" restant de bons souvenirs), l'annonce de l'arrivée du plus rock des albums du groupe depuis "Give out But Don't Give up" (1994) sonne comme une nouvelle plutôt décevante. Quand on découvre, à l'écoute, et bien que ledit Bobby soit le premier à s'en défendre, que le disque est un vrai revival Stones, la déception peut virer à l'étonnement. Tout y est (les riffs de guitare, l'harmonica et le piano du bayou, les chœurs blues-rock), et plutôt dans le bon ordre, immédiatement reconnaissable ("Nitty Gritty", "Suicide Sally & Johnny Guitar", "We're Gonna Boogie") et, il faut l'avouer, efficace. On serait presque énervé de ne pas faire valoir sa déception. Mais se la jouer chagrin est déplacé : ce serait oublier qu'en fait de revival, la potion Stones a été diluée dans les biberons des membres du groupe, et que tous parlent naturellement cet idiome, aujourd'hui mieux encore que leurs inventeurs. Ce serait aussi aller vite en besogne avec un disque qui varie, plus qu'il n'y paraît, les propositions esthétiques : ainsi du doublet psychédélique ("When the Bomb Drops", avec Will Sargeant d'Echo and the Bunnymen à la guitare, à la limite de l'épique pompier, et "Little Death", plus sournois mais pas moins cliché) qui creuse autrement le même sillon 70's, ou de la ballade finale ("Sometimes I Feel so Lonely", pas non plus très originale). Enfin, ce serait ne pas rendre justice à l'énergie palpable qui se dégage de l'enregistrement (dix jours de prise live aux studios Olympic de Londres). Pas si éloignés que cela, dans l'esprit plus que dans la forme, des missiles que furent "Swastika Eyes" ou "Miss Lucifer", "Suicide Sally & Johnny Guitar" ou "The 99th Floor" promettent une belle hystérie sur scène lors des prochains passages du groupe. Après ce petit retour aux sources, le groupe aura tout le loisir, s'il le veut, de concevoir son prochain Tupolev électro. (Popnews)
bisca
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le 12 avr. 2022

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