Le “Bird Head Son” est de retour! Ce surnom, qui collait à la peau d’Anthony Joseph étant gamin, fut aussi le titre de ce disque sorti en 2009, représentant le courant voodoo-funk dans ses meilleures effluves. Ce poète et musicien né en 1966 grandit entre conteurs de légende et carnavals, avant de migrer il y a vingt ans en Grande-Bretagne, terre promise sur laquelle il aura rapidement percé. “Rubber Orchestras” signe une rentrée placée sous une étoile funky et spirituelle. Pour mieux diffuser sa magie blanche, Anthony Joseph s’y entoure toujours du Spasm Band, un orchestre à géométrie variable qui voit arriver deux nouveaux membres dans ses rangs. Ainsi, le batteur Michel Castellanos et le joueur de congas Oscar Martinez rejoignent les saxophoniste, bassiste et guitariste d’origine, apportant une grosse influence sur la rythmique, cubanisée sur des morceaux comme le carnavalesque “Started Off As A Dancer”. Par comparaison avec l’album précédent, l’artiste prêche plus qu’il ne chante, des paroles inspirées des vers du poète surréaliste Ted Joans, véritable révélation stylistique pour lui. Les instruments se rendent alors service mutuellement pour construire au fur et à mesure une transe shamanique qui prend tout son sens sur scène. Ainsi, sur “She Is The Sea”, les cuivres semblent se lâcher telles le colon d’un pendu, et on sent déjà une liberté évidente chez chaque musicien, décuplant par la même occasion le charisme de son leader dont le phrasé prend du relief sur un “Cobra” évoluant dans la jungle, ou sur un “Griot” très Tony Allen, où les percus occupent une bonne partie de l’espace sonore. Si “Tanty Lynn” est le premier morceau véritablement dansant, cette courte cure afrobeat laisse vite son siège à la soul du langoureux “Bullet In The Rocks” pour viser une fin d’album variée, de la reverb reggae de “Damballah” à “Generations”, poème à réciter au coin du feu. Du coup, même si Anthony Joseph impressionne moins que sur “Bird Head Son”, l’envie de le voir en live ne descend pas d’un étage durant les 75 minutes de cette nouvelle livraison… (mowno)


Dire que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes tient du cliché lyophilisé. Mais Anthony Joseph lui-même nous a tendu la grande cuillère en bois. Dans sa grosse marmite musicale de sorcier caribéen, posée sur un feu de bois, bouillonnent et tourbillonnent les âmes légendaires de James Brown, Fela, Sun Ra, Sly Stone, Jimi Hendrix, Dr. John, Lee Perry, Marvin Gaye, George Clinton, Gil Scott-Heron et Phil Cochran, saupoudrées d’herbes magiques africaines. Et la sauce a pris. Rubber Orchestras, son troisième album, est un incroyable trip, un saut à l’élastique dans l’espace-temps du groove roots. Un disque qui commence très haut et va très loin, écrasant la concurrence et annulant d’emblée l’ouverture du procès en passéisme. La néo-soul et le post-afrobeat, on aime. Mais on en a soupé, on finit toujours par lui trouver un petit goût de réchauffé. La musique d’Anthony Joseph est un fantasme – comme le titre de son premier roman, sorti en Angleterre en 2006, The African Origin of UFOs. Mais elle est surtout réelle, essentielle, enflammée, viscérale – et pimentée par la production perlimpinpin de Malcolm Catto, des Heliocentrics. “Personne ne m’a dit quoi jouer. C’est la musique que j’aime, que je rêve d’entendre. Il faut être soi-même”, déclare le très beau, très élégant et très musclé chanteur – qui ressemble un peu à un croisement entre Isaac Hayes, Aaron Neville et Smokey Robinson. Dans le genre vintage, Anthony Joseph a d’autres ambitions : “J’aimerais pouvoir retourner à Trinidad avant l’arrivée de Christophe Colomb, avant l’esclavage, pour sentir l’énergie de la terre, l’esprit originel.” Anthony Joseph est né à Trinidad en 1966, élevé à la campagne par ses grandsparents. Il s’est installé à Londres en 1989, rêvant de devenir rock-star. Après quelques années de rock sans devenir une star, Anthony Joseph lâchait la musique pour se consacrer à sa soeur siamoise, la poésie. “J’ai commencé à écrire des poèmes vers l’âge de 10 ans, comme des paroles de chansons. Ma poésie est née du désir d’écrire de la musique parlée.” Plus successful en poésie qu’en musique, Anthony Joseph devient en Angleterre un auteur reconnu. “Je faisais des lectures, et j’ai commencé à inviter des musiciens pour m’accompagner. Petit à petit, c’est devenu un groupe, j’ai compris que je refaisais de la musique. Et ça me manquait : à part le sexe et certains trips au LSD, il n’y a rien de mieux que d’être sur scène avec des musiciens qui donnent tout et le public qui hurle.” Son album précédent, déjà mémorable, s’appelait Bird Head Son en hommage à son père, prêcheur baptiste, que les habitants de Trinidad avaient surnommé “Tête d’oiseau”. Avec Rubber Orchestras, Anthony Joseph s’affranchit de la génétique et se choisit un autre père, spirituel. “Orchestres de caoutchouc” : les deux mots sont empruntés à un poème de l’artiste noir américain Ted Joans (1928-2003), poète de la beat generation, musicien, plasticien affilié au surréalisme et grand voyageur. Adepte de la poésie orale, Ted Joans est considéré comme un des précurseurs du slam. A partir des mots “rubber orchestras”, Anthony Joseph a commencé par écrire des poèmes (“Je voulais des poèmes qui bougent sur la page”). Puis les poèmes se sont transformés en un disque si solide et élastique que dans sa quête des origines, Anthony Joseph a fini par atteindre la stratosphère. (inrocks)
bisca
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ma cédéthèque

Créée

le 26 févr. 2022

Critique lue 3 fois

bisca

Écrit par

Critique lue 3 fois

Du même critique

Le Moujik et sa femme
bisca
7

Critique de Le Moujik et sa femme par bisca

Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums, ses albums à ses concerts et ses concerts à ses albums live. Et on ne croit plus, non plus, tout ce qu'il débite. On a pris sa...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Santa Monica ’72 (Live)
bisca
7

Critique de Santa Monica ’72 (Live) par bisca

Ça commence avec la voix du type de KMET, la radio de Santa Monica qui enregistre et diffuse ce concert de Bowie, le 20 octobre 1972. « Allez hop on va rejoindre David Bowie qui commence son concert...

le 27 févr. 2022

3 j'aime

Taormina
bisca
7

Critique de Taormina par bisca

Taormina, perle de la Méditerranée, disent les guides touristiques à propos de cette belle endormie sicilienne, bordée par le volcan Etna. Taormina, perle noire dans la discographie de Murat, dira la...

le 5 avr. 2022

2 j'aime