Scorpio Rising
7.2
Scorpio Rising

Album de Death in Vegas (2002)

Doucement les basses. Tel aurait pu être le titre de ce troisième album de Death In Vegas, dont les premières écoutes malmènent étrangement l'auditeur habitué au confort rebondi des graves qui nimbent n'importe quel enregistrement moderne. L'audace d'une telle entorse aux conventions n'est pas sans comporter une certaine dose de risque. Ainsi, on pourrait croire à un plantage technique avant d'apprendre que ces deux explorateurs ont passé une grande partie des cinq dernières années en Inde, pays où l'oreille musicale s'est modelée au cours des siècles à l'écart, voire à revers, des normes occidentales. Avec l'apport d'un notable local, L. Subramaniam, violoniste ayant participé avec Ravi Shankar à la caravane indienne tractée par George Harrison dans les années 70, Death In Vegas n'hésite pas à labourer de manière radicale le champ des perceptions de la pop depuis bientôt quarante ans. Fearless et Holmes continuent de dévier lentement, après le splendide The Contino Sessions, d'un axe qui aurait pu à terme se transformer en piquet d'attelage. Ne comptons pas sur eux, donc, pour faire pulser l'autoradio, même si le titre d'ouverture à double entrée (Leather et Girls, unis pour le single le plus bizarre de la décennie) rappelle étrangement les tracés electro-rock'n'roll autoroutiers de Neu!, avant de bivouaquer sur une aire de repos hantée par les vocalises de Susan Dillane (Woodbine). Le parterre d'invité(e)s qui va ensuite se déployer titre après titre ressemble à un casting idéal : de la nymphette dévoyée Nicola Kuperus jusqu'aux gorges abrasives et crevassées de Liam Gallagher et Paul Weller, sans parler de la paire Dot Allison et Hope Sandoval qui tamise à chaque apparition l'ambiance électrique régnant en continu sur les lieux. Car les cordes du maître indien en surimpression aux textures psychédéliques déjà hautement inflammables du duo, sont comme autant de mèches offertes à l'embrasement général. Ce scorpion a sûrement un ascendant pyromane.(Inrocks)


Quelle quête étrange a bien pu pousser Death In Vegas à s'exiler longuement en Inde pour assembler les morceaux du successeur de Dead Elvis et The Contino Sessions ? L'histoire est simple, mais elle fera date. Richard Fearless et Tim Holmes sont partis à la poursuite du temps perdu, un temps où la recherche sonore, sonique, même, semblait inépuisable, où les drogues faisaient partie d'une culture d'ouverture et non de repli, où l'inconnu suscitait plus d'excitation qu'un cloisonnement entre les murs délavé d'un studio. Pourtant, et c'est l'ironie du sort, Scorpio Rising est un disque extrêmement claustrophobe, non pas dans le sens où il se ferme à d'autres propositions, bien au contraire, et ses nombreuses collaborations le prouvent, mais parce qu'il saisit quelque chose de terrible chez ses géniteurs, une vérité intime, sordide. Une introspection qui leur a inspiré les volutes opiacées de Diving Horses, les susurrements post-coïtaux de Girls, les plaintes étranglées de Hands Around My Throat, la schizophrénie rampante de Scorpio Rising? Et même quand un maigre rayon de soleil filtre timidement, cordes champêtres et banjo à l'appui sur Killing Time, c'est pour mieux mettre en lumière les corps décharnés, la désolation de l'esprit. Alors, pourquoi aimer un disque tel que Scorpio Rising ? Pour la même raison qu'on lit Zola, qu'on regarde un film de Lars Von Trier : parce qu'il s'échappe une splendeur indéniable, fascinante, de cette contemplation de la misère humaine, cette mise à plat des pourritures et des passions. Scorpio Rising est pourtant loin d'être un disque désespérant, et n'est pas totalement désespéré. D'ailleurs, c'est paradoxalement les neurasthéniques Hope Sandoval et Dot Allison qui lui inspirent ses instants les moins sombres, les embellies de Help Yourself et Diving Horses. Mais assez d'exégèses pour le moment. Scorpio Rising soulève d'autres questions essentielles : pourquoi certains attendent-ils toujours le retour de Kevin Shields quand le diptyque Leather Girls fait mieux en charge émotionnelle, en recherche bruitiste et interludes atmosphériques que « l'intégralité » des oeuvres de My Bloody Valentine ? Pourquoi Liam Gallagher n'a-t-il jamais été si brillant, âpre et passionné que lorsqu'il chante l'ascension du scorpion ? Comment se fait-il qu'un groupe aussi inégal qu'Adult. puisse se révéler aussi férocement vrai, porté par la prestation vocale presque théâtrale, parmi les meilleures jamais entendues, de sa chanteuse Nicola Kuperus ? Comment, quoi ? Toutes les réponses résident dans le doigté absolu de ses deux esprits surdoués, maîtres d'oeuvre obsédés par le moindre détail, le moindre bruitage, qui propulsent littéralement la comptine perverse electro pop Hands Around My Throat en trois dimensions (et pas besoin d'une Emmanuelle Seigner pour s'en convaincre). Se dessine ainsi un tableau complexe, à l'image de ces posters si prisés dans les années 70 qu'il fallait scruter pendant des heures pour voir finalement une autre image sauter aux yeux. Tout en touches psychédéliques (Help Yourself, leur Where Do I Start, Where Do I Begin ?), envolées à la fois lyriques et cruelles (So You Say You've Lost Your Baby, la reprise de l'ex-Byrds Gene Clark interprétée par Paul Weller), élégies aigres (23 Lies, soufflé par Susan Dillane de Woodbine), la peinture est de celles qui appellent l'inconscient de l'auditeur désarmé. Aussi est-il inutile de sortir l'artillerie de comparaisons, de genres, pour définir ce disque, d'une beauté la fois simple par son immédiateté et compliquée parce qu'il s'y trame tant de choses, et d'une ascendance à la fois évidente et hors de propos car Death In Vegas vient en quelque sorte de remettre les compteurs à zéro. C'est sûr Scorpio Rising sera le mètre-étalon des années 2000. Vingt-cinq ans après la mort du King Elvis, le monde de la musique est enfin prêt à accueillir ses nouveaux rois. (Magic)
Après un premier album, un peu mou du genoux, Death In Vegas s’est bien repris avec The Contino Session, un deuxième disque plus pop et surtout beaucoup moins ennuyeux. Scorpio Rising continue dans cette voie et constitue le disque le plus rock du duo. On y retrouve d’ailleurs la voix suave et chaleureuse de Liam Gallagher (Oasis), celle de Paul Weller (The Jam) ou le chant de rêve de Hope Sandoval ( Mazzy Star) qui décidément transforme tout ce qu’elle touche en or. Agrémenté de violions transcendants, de guitares abrasives et de rythmes entêtants, ce troisième opus dépasse de loin tout ce que nous avait offert Death In Vegas jusqu'à présent ! (liability)
bisca
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le 27 févr. 2022

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