Paysan des Cévennes et citoyen du monde, resté très anglais dans son élégance et sa réserve, Piers Faccini sait ouvrir sa musique aux courants d’air. Il écoute aussi la nature et ses habitants. La voix qui implore, au premier morceau, qu’on lui rende sa maison (« give me my home back ») est celle d’un oiseau menacé. La suite de l’album va s’employer à réchauffer le volatile comme l’auditeur. À l’appel d’une corne de brume (Foghorn Calling) rappliquent les tambours du Maghreb. Sur son dernier album, I Dreamed an Island (2016), Faccini invitait déjà Malik Ziad, maître algérien des subtilités du gnawa — style marocain dont les rituels dialoguent aussi avec l’Afrique subsaharienne — et de ses instruments (oud, guembri, mandole). Ici son frère Karim Ziad apporte une touche percussive sur une bonne moitié des titres. La tension vers une forme de transe, familière à ceux qui ont déjà vu notre homme en concert, culmine avec Firefly. Tout cela dosé, comme à son habitude mais sans doute mieux que jamais, tant l’imbrication des matériaux est au fil des années plus harmonieuse, avec un folk à l’accent british, lumineux et méditatif. Le quatuor à cordes qui embellit les arabesques de Dunya coule ainsi dans le somptueux Together Forever Everywhere, à la hauteur d’un Nick Drake, auquel on comparait Piers Faccini dès ses débuts solo, en 2004. Il est des fatalités plus désolantes, la marque du troubadour de Tamworth-in-Arden, déposée quasi incognito de son vivant, étant vouée à persister longtemps. Elle offrait déjà, il y a cinquante ans, l’expression syncrétique de musiques voyageuses. En laissant souffler sur la sienne un vent du sud, notre patient Anglais fait fructifier l’héritage à sa manière, qui éclaire le présent comme peu d’autres.(T)