Showa n’est pas un disque comme les autres, ni même un album de noise au sens habituel. Il s’agit d’un long enregistrement de rapports sexuels, encadré par deux extraits de l’hymne national japonais, Kimigayo. Le dispositif est simple, mais d’une puissance symbolique violente : une mise en scène sonore de la profanation, du refoulé, de ce que l’ordre impérial japonais tente de nier.
Le choix du titre est central. Showa désigne l’ère de l’empereur Hirohito, période couvrant à la fois l’expansion impérialiste, les crimes de guerre, la défaite, puis la reconstruction autoritaire sous tutelle américaine. Utiliser ce nom pour désigner un enregistrement pornographique revient à réduire l’histoire nationale à sa part la plus corporelle, pulsionnelle, non maîtrisable.
L’utilisation de Kimigayo — hymne court, figé, aux paroles impériales — encadre le sexe comme un acte de transgression totale. Ce n’est pas tant le sexe lui-même qui choque, mais sa mise en rapport directe avec les symboles d’un État qui s’est construit sur le contrôle des corps. Dans un Japon où l’ordre social repose sur l’effacement de la sexualité publique, notamment homosexuelle et marginale, Showa devient un acte de souillure rituelle.
Il ne s’agit pas d’un discours politique explicite. Il n’y a ni parole, ni revendication. Mais cette absence même est signifiante : c’est une provocation silencieuse, un geste de résistance non-formulée, qui expose la sexualité comme une force informe, étrangère à l’esthétique nationale.
Le disque n’offre ni musique, ni plaisir d’écoute. Il force l’auditeur à habiter un espace sonore inconfortable, entre excitation et honte, entre nationalisme et pornographie. Showa ne dit rien — il met en crise. En cela, il participe d’une critique radicale, non discursive, du Japon comme ordre symbolique.