Souljacker
7.4
Souljacker

Album de EELS (2001)

Barbu mais pas barbant, Eels revient avec un album mal peigné, aux idées tordues mais moins noires. On n'avait pas vu barbe aussi fameuse depuis ses compatriotes californiens de Grandaddy. Mark Everett, caché sous le pseudonyme de E et dissimulé par sa fourrure faciale, est à l'occasion de la sortie de son quatrième album mal peigné et hirsute ­ comme sa musique.
Souljacker succède au gentiment pop Daisies of the Galaxy, alors un changement de cap dans la ligne dure, névrosée et sans concession de E. On y trouvait des violons, des cuivres, des arrangements dociles, un souffle de vie apaisée ­ ou en tout cas en voie de guérison. Sur Souljacker, E se ressaisit ­ on ne le surprendra plus à se rouler dans les pâquerettes ­ mais ne prend pourtant pas au dépourvu : il avait prévenu, à la sortie de Daisies, qu'après cette inhabituelle joliesse il ressentirait à nouveau le besoin de hurler du bizarre. Et passe à l'acte. Un look terrifiant de bûcheron assassin, des paroles menaçantes mises en exergue sur la pochette ­ "Vous les petits punks, vous croyez que la ville est à vous"... Pour mettre ce cauchemar en son, il a recruté un spécialiste du son rêche, l'Anglais John Parish, choisi par amour du paradoxe ­ parce que "ses influences sont américaines". "Quand j'ai décidé de travailler avec lui, je savais que ça serait la rencontre de deux personnes aux caractères bien affirmés. Un vrai challenge. Je ne voulais pas vraiment durcir le son, mais surtout sonner plus rock. C'était un besoin. Mais je trouve ce disque plus expérimental et barré que le précédent, qui était un disque de songwriter."
Bricoleur dingue, E n'a pas oublié d'incorporer dans ses chansons des samples et sons tirés de ses ressources personnelles : samples de cha-cha-cha dans That's Not Really Funny, breaks jazzy, ponts et soupirs, le barbu a des outils pleins les poches pour faire respirer ses chansons, les sauver des guitares asphyxiantes. Ne reniant pas totalement les bonnes intentions de Daisies of the Galaxy, il ne lésine pas sur les cordes pour tirer quelques jolies larmes du magnifique Fresh Feeling, cruise fenêtres ouvertes sur le mélancolique Woman Driving, Man Sleeping ­ et se fait des amis sur le bien intentionné Friendly Ghost. Si Souljacker se permet pourtant un son plus rock, il ne retourne pas pour autant sur les terrains morbides des deux premiers albums. Plus question de retourner le couteau dans la plaie, E ne s'automutile plus et Souljacker révèle un songwriting cicatrisé. "Les paroles parlent un peu moins moins de moi, j'ai évolué et épuisé mes histoires personnelles." Retour à la pudeur, équilibre nouveau : la pochette de Souljacker se referme sur une photo du barbu perché sur un tracteur, en train de bien tranquillement cultiver son jardin. (Inrocks)


Mark Everett, alias E, a toujours su, avec talent, mettre en musique les tourments de sa vie privée. Désoeuvrement feint avec élégance pour le séminal Beautiful Freaks, disparition des proches et maladie pour le sous-estimé Electro-Shock Blues et enfin retour à une certaine sérénité pour Daisies Of The Galaxy. Souljacker marque cependant un pas dans la carrière du Californien, car, s'il avait toujours su auparavant ouvrir ses portes aux collaborations extérieures, jamais elles ne s'étaient faites en une telle osmose que sur ce nouvel album. Coproduit et coécrit par John Parish, bras droit talentueux et minimaliste de PJ Harvey, Souljacker laisse pourtant craindre de prime abord au pire. Sur Dog Faced Boy, les guitares souillées de boue et de fange de Dry viennent mettre à mal les tentatives rock d'un E un peu perdu dans un costume trop cru et dru pour lui. Vampirisation ? Certainement pas ! Les délicatesses folk pop finiront tout de même par reprendre le dessus, et malgré un parterre moins avenant qu'auparavant, E reprendra ses petites obsessions (Friendly Ghost, Woman Driving, Man Sleeping) là où il les avait laissées pour fournir un nouveau chapitre, certes moins immédiat, plus aventureux et moins abouti, mais non moins intéressant.(Magic)
Le premier titre du quatrième album d’Eels commence par un riff de guitare fuzz tout droit sorti du dernier garage de la banlieue de Melbourne, le second (« That’s not really funny » non, pas vraiment) est une bossa-nova déglinguée comme sait en pondre Beck quand il est en panne d’inspiration. Arrivé là, et malgré toute l’estime qu’on porte à Mark Everett, alias E (et surtout à ses deux derniers albums, merveilleuse entité bicéphale avec « Electro-shock blues » pour le côté sombre et « Daisies of the galaxy » pour le versant lumineux), « Souljacker » n’est pas loin de finir en cible de ball-trap. D’autant que si les raisons de la présence de John Parish à la production et l’écriture sont évidentes (donner à l’album une certaine homogénéité dans la couleur musicale), l’échec est patent dans ce domaine : même s’il est plus rêche que les précédents, jamais disque d’Eels n’a sonné plus disparate et plus dispersé.De ce combat en douze reprises entre deux poids lourds, l’un puncheur teigneux et l’autre saltimbanque du song-writing, on ne retiendra finalement que les rounds où le Sugar Ray Leonard de la pop prend sans forcer l’avantage à coup de chansons distillées comme des alambics et décorées de guirlandes de Wurlitzer. C’est bien simple : « Fresh feeling » (surtout celle-là), « Woman driving man sleeping », « Friendly ghost » et à un moindre degré « Bus stop boxer » sont de petites merveilles et vous pouvez toujours faire jouer Slayer ou même Muse derrière, cela restera toujours magnifique. Le reste du temps, on s’ennuie : Soit E prend trop de coups pour avoir les moyens d’en placer une, soit le combat est trop désordonné pour que le spectateur y comprenne quelque chose. Trois bonnes chansons et demi sur douze, c’est assez peu j’en conviens, mais quand l’arbitre renverra les deux protagonistes dans leur coin en sifflant le match nul, les amateurs du noble art de la musique pop ne se feront aucune illusion sur l’identité du vainqueur moral de cette confrontation légèrement inutile. (Popnews)
bisca
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le 24 mars 2022

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